Les Jardins de Gaïa : un voyage immobile vers l'Asie
Au cœur de l'Alsace, une entreprise engagée dans l'univers du bio et du commerce équitable a créé, en 2004, un lieu idéal pour découvrir l'art du thé. Avec ses six petits jardins japonais, la Maison de thé des Jardins de Gaïa transporte les visiteurs vers un ailleurs propice à la rêverie et au repos de l'esprit.
Difficile d’imaginer que Wittisheim, petite commune typiquement alsacienne avec ses maisons à colombages, abrite six jardins japonais dédiés à l’art ancestral du thé. Cependant, arrivés devant l’entrée des Jardins de Gaïa, un bosquet de bambous crée une frontière verte entre deux ambiances aux antipodes : l’Alsace pittoresque à l’extérieur et l’Asie traditionnelle à l’intérieur. Après avoir passé le portail en bois et laissé sur sa droite un pin blanc du Japon (Pinus parviflora), un autre monde se révèle, rappelant un film d’Ozu ou le plus récent Dans un jardin qu’on dirait éternel, réalisé par Tatsushi Ömori. « En créant ces jardins avec l’architecte Donald Jacobs, nous avons voulu faire en sorte qu’une grande surprise se cache derrière une petite porte, comme cela se pratique au Japon », explique Arlette Rohmer, fondatrice des Jardins de Gaïa et de la marque de thés et de tisanes éponyme.
Jardins secs et zen
Le premier jardin que découvrent les visiteurs donne le ton : il s’agit d’un « karesansui » ou jardin sec en japonais aussi appelé jardin zen, où l’eau absente est suggérée, notamment par des graviers où des motifs de vagues sont dessinés au râteau. Un jardin épuré, où à l’automne, un érable japonais (Acer japonicum) offre le spectacle coloré de ses feuilles devenues rouge vif. Traçant une ligne courbe au milieu de cet étang minéral, une élégante passerelle en bois conduit vers la Maison de thé. Au Japon, il n’y a pas de cérémonie du thé sans jardin : le pavillon où l’on boit ce précieux breuvage est toujours niché au milieu de végétaux et d’autres éléments naturels visant à composer ensemble un paysage.
Prendre le temps du thé
En plus de la cérémonie japonaise du thé, les Jardins de Gaïa proposent de découvrir le « gong fu cha », art chinois qui pourrait se traduire par « prendre le temps du thé ». « Pendant cette dégustation, l’accent est mis sur l’attention portée à la préparation, en mobilisant ses cinq sens », explique Sarah Albertini, responsable de l’École de thé. Elle propose aux participants de se poser dans l’instant présent. Idéalement, on dispose d’une théière de Yixing, du nom de la ville où est extraite la terre qui sert à la fabriquer. « On ne la lave jamais, car elle a la particularité de se culotter avec le temps, son argile poreuse favorisant un dépôt de tanins », poursuit Sarah Albertini. Le service à thé doit d’abord être ébouillanté : « En plus de raisons hygiéniques, ce geste permet symboliquement de faire le vide et lâcher prise ». Il s’agit ensuite de rincer les feuilles afin de les ouvrir, ce qui favorise l’expression des arômes au cours de la deuxième infusion. « On peut sentir les feuilles humides pour boire le thé avec le nez. » On passe enfin à la dégustation dans de petites tasses. « En rajoutant à chaque fois de l’eau chaude, on pourra infuser le thé 4 à 7 fois ». Plus courte que la cérémonie japonaise, la dégustation chinoise n’en reste pas moins un temps de méditation.
Sarah Albertini, responsable de l’École de thé, ouverte en 2017, précise : « Pour la dégustation, il est préférable de choisir un cadre qui participe au calme intérieur ». La présence de la nature facilite la paix de l’esprit. Ainsi, la pièce la plus emblématique du pavillon, le « chashitsu » où a lieu la cérémonie du thé, s’ouvre par le truchement d’une baie vitrée sur un minuscule jardin, sorte de petite oasis qui n’est visible que depuis cette salle. « C’est ici qu’on peut sentir l’idée du jardin qui devient une partie de la maison et vice versa, » commente l’architecte Donald Jacobs qui ajoute : « L’intérieur et l‘extérieur sont liés en harmonie ». « Depuis l’intérieur du pavillon, l’œil voit toujours quelque chose de beau », ajoute Arlette Rohmer.
Au total, ce sont six jardins zen que les visiteurs peuvent admirer alors qu’ils dégustent une tasse de thé. Le plus grand d’entre eux offre un bel équilibre entre le végétal et le minéral : huit grands rochers, qui n’émergent que partiellement, figurent des îles sur un lac imaginaire, et tout autour, les bambous enserrent ce paysage miniature où des buis et des ifs sont taillés en tamamono, topiaires japonaises qui font écho aux formes de douces collines boisées. Un cerisier (Prunus subhirtella Autumnalis) a la particularité de fleurir au mois de décembre. Une petite cascade, seule fois où l’élément eau est réellement présent, joue une musique douce qui participe de l’expérience méditative autour de la dégustation du thé. On admire également les feuilles exubérantes de la rhubarbe indienne (Darmera peltata), plante de berge qui se colore de jaune et de pourpre quand vient l’automne. Bien au chaud, une tasse de thé à la main, les visiteurs des Jardins de Gaïa profitent d’un moment relaxant et zen qui ravit tous les sens.
Infos pratiques
- Comment y aller : En voiture, Wittisheim se trouve à 45 km de Strasbourg. En train, de la gare SNCF de Sélestat, emprunter la ligne de bus 530 qui relie en trente minutes le centre du village et le jardin.
- Horaires : Du mardi au samedi de 10 h à 12 h et de 13 h à 18 h.
- Se loger : Chambres d’hôtes à Diebolsheim à partir de 88 € la nuit pour deux, www.ambiance-jardin.com. Tél. : 03 88 74 84 85.
- Adresse : 6, rue de l’écluse, 67820 Wittisheim.
- Contact : Tél. : 03 90 56 20 22 ; www.jardinsdegaia.com