Val d'Anniviers : grimpette aromatique dans le Valais suisse
Dans ce décor des splendides Alpes suisses, entre alpages et forêts, on randonne au milieu des plantes médicinales. Sur le versant oriental, face au soleil, entre les villages de Saint-Luc et Chandolin, suivons Marlène Galletti, herboriste et guide. Elle révèle quelques secrets de ces plantes qui vous récompenseront de vos efforts !
Dans le Val d'Anniviers, on vit dans la verticalité, face à une chaîne de montagnes qui dépasse les 4 000 mètres, et que domine le majestueux Cervin, douzième sommet le plus haut des Alpes, à la frontière italo-suisse. Ce territoire préservé qui nous fait grimper vers les hauteurs célestes est une invitation à se reconnecter avec la paix intérieure, inspiré par les majestueux pins arolles et la plante magique locale, l'impératoire (lire l'encadré p. 60). Ces terres d'alpage boisées sont difficiles d'accès, et la route qui mène à Saint Luc serpente à flanc de montagne. À 1 650 mètres, ce village historique est peuplé de maisons anciennes en mélèze noirci et accueille plusieurs moulins datant du XVIIIe siècle. Son hôtel-spa, Bella-Tola, est devenu depuis 1859, une véritable institution et un point de rendez-vous pour des balades qui fleurent bon les plantes. Le Val d'Anniviers compte quelque 490 km de sentiers balisés.
Circuit panoramique ou en forêt
Saint-Luc, « la station des étoiles » avec son observatoire astronomique, est idéal pour commencer la randonnée. Soit on emprunte le funiculaire qui grimpe jusqu'à Tignousa, la station avec ses logements plus récents, soit on commence directement la balade, pour dans les deux cas rejoindre Chandolin comme objectif final. Ouvert sur des vues panoramiques époustouflantes, le sentier vers ce village – un des plus hauts d'Europe – est peuplé d'arbrisseaux. La famille des Éricacées est très présente avec l'airelle rouge qui donne un super fruit antiseptique excellent pour la sphère digestive. On s'émerveille aussi sur la beauté de la rose des Alpes : le rhododendron ferrugineux dont la floraison débute en mai, à l'instar des myrtilles sauvages. Dans la forêt qui borde les alpages, les pins arolles (Pinus cembra) qui atteignent les vingt mètres de haut sont les rois. Ils nous font cadeau de leur force, de leurs odeurs résineuses, et de graines comestibles et délicieuses qui ressemblent à des amandes.
Quand on marche sur la pelouse alpine, on croise la gentiane qui forme un duo magnifique avec l'anémone soufrée ou pulsatille des montagnes. En juillet et août, des tapis entiers d'edelweiss recouvrent le sol et témoignent du réchauffement climatique en cours en poussant de plus en plus haut. Le cheminement se poursuit en direction de la cabane Bella Tola (2 340 m) sur les flancs du pic Bella Tola puis sur le chemin de Tsapé.
Au fil de la progression, surgissent les nombreuses plantes-compagnes qui sont associées à l'agriculture de montagne et nourrissent les Hérens, « les plus belles vaches du monde » qui sont originaires du Valais.
Une biodiversité d'exception
À l'occasion d'une pause, Marlène nous rappelle que l'ortie, si riche en vitamine C, en protéines avec ses 18 acides aminés et en minéraux, « se cueille dans la rosée du matin pour bénéficier de tous ses actifs dans des tisanes détoxifiantes et en cuisine ». Baptisée ici la racine d'or, la Rhodiola rosea a aussi élu domicile dans le Valais. D'ailleurs à une heure de voiture de Saint-Luc, à Evolène, la célèbre herboriste Andrée Fauchère la fait pousser dans ses jardins de santé. Très demandée depuis la pandémie de Covid-19, cette plante adaptogène originaire de Sibérie offre son rhizome pour soutenir les capacités de l'organisme à gérer le stress, quel qu'il soit.
Autre végétal de choix, l'arnica antidouleur et décontractant pousse généreusement sur ce territoire alpin. La randonnée passe entre les pâturages boisés, sous les frondaisons des mélèzes et des épicéas. Parmi les petites plantes montagnardes, les androsaces à la floraison précoce et les primevères parsèment les talus. On croise les genêts, les pédiculaires et les cerfeuils des Alpes. Les boutons d'or, les hélianthèmes et les sarriettes à la forte présence aromatique, rivalisent de couleurs avec les chardons, les ancolies et les joubarbes. Ici, la biodiversité végétale est préservée et favorisée par une météo spécifique dont profitent notamment les apiculteurs. Marlène nous explique : « C'est la région suisse où l'on trouve le plus de ruches et le plus d'abeilles sauvages car on a un climat méditerranéo-continental, ensoleillé et sec, avec à peine 600 millilitres d'eau par an. Ainsi, les apiculteurs font la transhumance avec leurs ruches qu'ils installent en altitude pour profiter de la floraison de montagne ». Mais nous voilà à Chandolin, où certaines maisons ont été construites en 1500, et ont résisté à diverses intempéries. De plus, une célébrité locale nous attend : un mélèze géant âgé de 860 ans ! Après toutes ces découvertes, il est toujours possible de revenir à Saint-Luc par le car postal !
Une argile venue du froid
Le glacier de Moiry – non loin de Saint-Luc en voiture – à 2 400 mètres d'altitude, est un autre lieu magique à découvrir. Ses lagons bleus et ses petits lacs naturels accueillent une eau très pure qui frotte les particules des pierres claires. Cela donne petit à petit une argile bienfaisante, excellente pour les douleurs articulaires et pour la peau. Pour en bénéficier, il suffit de marcher pieds nus dans l'eau froide et pure, sur cette terre minérale irrésistible et très douce au toucher, inondée par le soleil et par la rivière qui sort du glacier. À savoir, cette argile est utilisée en enveloppement avec des eaux florales au spa de l'hôtel Bella-Tola après un gommage aux sommités d'achillées millefeuilles, astringentes et cicatrisantes, mélangées au sel des mines de Bex dans les Alpes suisses.
L'impératoire (Peucedanum ostruthium) : la fierté locale
De la famille des Apiacées, l'impératoire peut atteindre un mètre de hauteur. Elle est considérée comme une panacée avec son huile essentielle, sa saponine calmante et antirhumatismale ou encore sa coumarine antiseptique. Ses grandes feuilles se préparent en cataplasmes sur les peaux endommagées ou infectées. Testez ses propriétés anti-inflammatoires pour soigner entorses, brûlures et réactions allergiques avec la « Pommade à l'impératoire » ! En tisane, elle aide la digestion et soulage les maux de ventre. On récolte sa racine en septembre et en octobre pour la brûler, comme un encens, et désinfecter les voies respiratoires.
Infos pratiques
Comment y aller : TGV Paris gare de Lyon jusqu'à la gare de Sierre en Suisse (via Lausanne), puis bus ou taxi jusqu'à Saint-Luc (22 km). Info sur le bus postal : www.postauto.ch
Se loger : À Saint-Luc, l'hôtel-restaurant-spa Bella-Tola, www.bellatola.ch Tél. : +41 (0) 27 475 14 44. À partir de 200 e la nuit. Ou chambre d'hôte dans un chalet typique non loin de Saint-Luc, Tél. : +41 (0) 27 475 16 13 . À partir de 115 e.
À faire : Balades les mardis sur le thème de la faune et la flore : rendez-vous à l'hôtel Bella-Tola à Saint-Luc. • Balades aromatiques, randonnées autour des plantes avec Marlène Galletti aromalp.ch et sur demande avec Rose Panchard, herboriste et accompagnatrice en montagne www.herbefolle.ch