Le jardin des petites ruches, la spontanéité et la diversité au jardin
Au détour d'une petite route de la Puisaye, on découvre en contrebas de l'église du village un lieu inspirant. Jardiné dans un esprit collaboratif, en tenant compte des insectes, des sols, du rôle des végétaux, il nous invite à mille découvertes entre ombre et lumière, récupération, recyclage et richesse de nombreux écosystèmes.
Ce jardin exubérant d’herbes folles nous emmène de surprises en surprises. Ses propriétaires, Céline Locqueville et Alain Richard ont acheté ce bâtiment de ferme à moitié démoli avec sa cour encombrée d’un énorme tas de rebuts, et un terrain en forme de fer à cheval. Ils voient cet ensemble comme un lieu d’expérimentations : ils ne craignent ni les mauvaises herbes ni les insectes mais vivent très bien avec et ne cessent de les valoriser. Les premières deviennent des « plantes pompiers » pour leur capacité à dépolluer la terre. Ainsi là où étaient entreposés des sacs de nitrate, la petite ciguë – connue pour sa toxicité – avec ses faux airs de persil, mais aussi les orties ont été les premiers colons. « Aujourd’hui, on voit les résultats, se réjouit Alain. Elles font la place à des trèfles, des brachypodes, des molènes, une camomille, du lotier, des vesces et des luzernes, du millepertuis… ». Certains jardiniers pensent que la présence d’orties signifie une terre pauvre et y ajoutent du fumier espérant attirer de “belles” plantes. « Or c’est tout le contraire, en amendant le sol on provoque au contraire une véritable crise de foie ! » s’amuse Céline.
Côté insectes, ce sont les abeilles sauvages qui sont les grandes amies du jardin. Le lierre, qui forme de hautes colonnes sur des arbres morts, s’enroule aussi autour des vivants. Ses fleurs constituent la nourriture principale des collètes, une espèce d’abeille sauvage. « Il fournit aussi une protection contre la chaleur, un rôle d’isolant en quelque sorte. Et sur les fruitiers ses substances fongicides préviennent certaines maladies. Bref c’est tout sauf un parasite », argumente Céline. Un peu plus loin, une mare où poussent des carex, des trèfles d’eau et de beaux ményanthes, a été creusée. On peut regarder comment les abeilles s’appuient sur les algues pour s’abreuver, tandis que les oiseaux ont préféré l’endroit sablonneux, sous le regard appuyé d’un énorme insecte en matériaux de récupération sorti de l’imagination d’Alain. Ainsi la mare exerce sa vocation à multiplier la biodiversité.
Les abeilles… tout un monde sauvage
Il existe des centaines d’espèces d’abeilles, pour la plupart solitaires et qui ne produisent pas du tout de miel. Elles sont généralement de petite taille et recherchent pour y faire leur nid une fissure dans un mur, un tunnel dans la terre, des tiges sèches et creuses. L’abeille à miel, vit en colonies et forme des essaims en mai. Céline et Alain les accueillent, non pas pour la production de miel, mais uniquement pour la pollinisation, dans des ruches construites sans cadres, de forme octogonale : « L’intérieur de nos ruches est une colonne vide, qu’on laisse aux abeilles le soin d’organiser en construisant leurs alvéoles. Elles disposent de plusieurs entrées dans la ruche ce qui leur permet d’échapper au frelon asiatique qui dans une ruche classique attend souvent les abeilles à l’entrée ». Alain et Céline ont également monté un réseau de passionnés qui récupèrent les essaims dans la nature afin de protéger la spécificité des abeilles mellifères sauvages.
À l’écoute de ce petit monde
Le mot « biodiversité » traverse ce jardin, accompagné par l’idée qu’il faut observer les évolutions que propose la nature . « Jardiner moins et observer plus » aime à répéter le paysagiste Gilles Clément dont Céline a suivi l’enseignement à l’École nationale supérieure du paysage de Versailles. En suivant ce précepte, le désherbage s’apparente plutôt à une enquête botanique.
Après avoir identifié la plante, Céline met de côté la vergerette ou la potentille pour réaliser une teinture, mais aussi l’achillée millefeuille ou la verveine officinale dont elle aime parfumer ses tisanes. Ce n’est donc pas ennuyeux de désherber. Les zones enherbées sont fauchées avec précaution, pas trop bas (environ à 10 cm) et de façon tournante, c’est-à-dire qu’Alain ne fauche pas tous les ans exactement au même endroit. Ainsi la chaîne alimentaire subit moins de dégâts, les oiseaux continuent à se nourrir d’invertébrés et les sauterelles et grillons de tiges et de feuilles.
Les multiples coins et recoins du jardin se prêtent ainsi à une compréhension fine de la biodiversité. Le potager caché derrière une clôture de bois mort est un petit monde en soi, comme la mare et ses alentours ou le sous-bois de pruniers. Près de la serre, un beau massif de consoude de Russie (Symphitum officinalis) côtoie les euphorbes chasse taupe. De multiples complémentarités sont ainsi à l’œuvre pour créer une cohabitation merveilleuse.
La germandrée iranienne (Teucrium hyrcanicum)
Pline raconte qu’un prince troyen Teucer fut le premier à utiliser un Teucrium. Ce genre comprend environ 260 espèces de vivaces, que l’on trouve principalement en Méditerranée. Elles ont des propriétés médicinales analogues (spasmolytiques, toniques) encore peu documentées, et la germandrée petit-chêne a été retirée du marché en France. En gélule homéopathique, on pourra indiquer la germandrée maritime (Teucrium maritimum) en cas de rhinite allergique et de polypes nasaux. Au jardin, l’été, la germandrée d’Iran forme de longs épis floraux rouge pourpre… « Sans doute que ses minuscules graines sont arrivées ici avec les nuages », se plaît à dire Céline Locqueville.
Infos pratiques
Comment y aller : En voiture, prendre l’autoroute A7, sortir à Joigny. Le jardin se trouve à 20 kilomètres en passant par La Ferté-Loupière. En train, la gare d’Auxerre est à 20 kilomètres.
Infos adresse : Saint-Aubin-Château-Neuf, 89 110 Le Val d’Ocre. Visite sur rendez-vous : écrire à contact@petitesruches.fr. Une date vous sera rapidement proposée. Prix : adultes 7 e, enfants 3 e.
Activités : Des ateliers sont organisés autour de l’apiculture écologique, des plantes sauvages et autres savoirs (vannerie, teintures végétales). Site : petitesruches.fr
Se loger : Chambres d’hôtes dans une ferme ancienne. Une nuit, 2 personnes, petits-déjeuners compris : 65 e. toursdarbonne.fr