Le jardin de curé de Chédigny : charme et spiritualité
© Virginie Quéant
Lancée en 2016, la réhabilitation du jardin de curé du presbytère de Chédigny a abouti à la création d'un lieu unique en France. D'une part parce qu'il témoigne d'un patrimoine peu ou mal connu, d'autre part en raison de sa situation originale, au cœur d'un village qui est lui-même… un jardin !
Juste derrière l’église, l’imposant tilleul de l’Aiglon, planté en 1811 pour célébrer la naissance du fils de Napoléon, offre son ombre bienfaitrice avant que l’on entre dans le jardin de curé de Chédigny, côté potager. On y retrouve Xavier Mathias, maraîcher bio dans le village, connu pour ses plaidoyers en faveur des légumes anciens et autres approches permacoles. Ici, il a participé à la création du potager et s’est passionné pour cette aventure patrimoniale et botanique menée avec le journaliste Philippe Ferret et Denis Retournard, ancien responsable des collections fruitières du Jardin du Luxembourg, à Paris. Mais un jardin de curé, c’est quoi au juste ? « Il y a beaucoup de folklore autour de ce terme, nous répond Xavier Mathias. Il reste assez difficile à définir pour une raison simple : un jardin de curé situé à Lille ne ressemblait pas à un autre situé à Marseille. Pas le même sol, ni le même climat. Il n’y avait pas non plus les mêmes moyens selon les diocèses, ni les mêmes volontés de faire vivre ces jardins. On ne peut donc pas dégager un modèle unique. » À Chédigny, faute de suivre des plans qui n’existent pas, on a choisi de respecter l’esprit des jardins de curé.
Autosuffisance alimentaire et sens du sacré
Le développement de tels jardins aurait répondu à une volonté de l’Église de se montrer sous un visage plus simple que celui qui lui valut de vives critiques dans les dernières années de l’Ancien Régime. « Elle a mis en avant des curés botanistes, poursuit Xavier Mathias. Ils savaient lire, étaient en lien avec les missionnaires qui ramenaient des plantes exotiques. Pour l’époque, c’est comme s’ils avaient eu Internet ! Charge à eux d’aller vers une forme d’autosuffisance alimentaire. Et, si possible, de vendre les excédents de leur production. »
À Chédigny, une fois passé le potager où poussent de nombreux légumes anciens – et où l’on peut aussi croiser quelques races locales de lapins (gris de Touraine) et de poules (gélines de Touraine) –, on chemine sous la longue voûte végétale qui le sépare du reste du jardin. Des rosiers et des clématites y sont palissés, ainsi que des pommiers et des poiriers dans sa partie centrale. Elle ouvre sur le carré de l’apothicaire, bordé de santolines grises et d’alchemilles. Au centre, le bassin en forme de baptistère accueille l’eau, élément symbolique et essentiel à la vie. Puis, à l’intersection de deux allées, voici le jardin de la croix, où un rosier du Bengale rouge symbolise le sang du Christ. Tout autour se mélangent légumes perpétuels et fleurs vivaces.
En descendant les allées, on croisera quelques curiosités rapportées des croisades, comme le lys de la madone, ou des importations exotiques des missionnaires de retour d’Asie, tel l’olivier de Chine. Le long du mur, près du clos de la Vierge, douze fusains du Japon benkomasaki figurant les apôtres voisinent avec des fruitiers et des rosiers grimpants. À droite de la statue, des buis évoquent l’éternité. Autour, une végétation où domine le blanc, couleur de Marie. « Globalement, rappelle Xavier, les fonctions du jardin étaient de “nourrir et soigner le corps et l’esprit. On n’est pas si loin de la permaculture ! »
Un jardin productif
Chédignois depuis toujours, Pierre Louault, maire pendant 40 ans, a toujours vu de nombreuses personnes, y compris des paroissiens, s’activer dans le jardin. Aujourd’hui, celui-ci est entretenu par Clément Barret, chef jardinier de la commune depuis 2019. Ses fleurs embellissent l’église et la récolte de légumes est revendue en paniers. « En pleine saison, on sort trois paniers trois fois par semaine », explique-t-il. Régulièrement, de nouvelles plantations renouvellent le jardin, tandis que, du fait de la politique « zéro phyto » et « zéro mécanisation », le sol est protégé par un paillage important. « En termes de temps passé, conclut Clément, les 1 800 m2 du jardin nous mobilisent autant que les trois hectares d’espaces verts de tout le village ! »
Village ou jardin ? Les deux !
En effet, en 1998, Pierre Louault, alors maire, décida de faire aménager les trottoirs de son village en plantant des rosiers grimpants (voir photo ci-dessus) dans le but d’embellir les rues et d’améliorer le cadre de vie des habitants. Trois ans plus tard, un chantier coupa le village pendant six mois et plus aucune voiture ne traversa les rues, à la grande joie des habitants ! Non seulement la déviation fut maintenue autour du village, mais la réflexion fut poussée plus loin et les trottoirs supprimés pour intensifier les plantations de rosiers, mais aussi de vivaces, bulbes et graminées. Tant et si bien qu’en 2013, Chédigny obtint le label « Jardin remarquable », fait unique en France pour une commune. Véritable jardin dans le jardin, celui du presbytère fait lui aussi figure de rareté !Omar Mahdi
La phacélie (Phacelia tanacetifolia)
La phacélie à feuilles de tanaisie est une herbacée annuelle de la famille des hydrophyllacées. Sur sa haute tige poilue s’accrochent des feuilles aux airs de fougères miniatures. Très appréciée des abeilles et jardiniers, elle forme un engrais vert réputé : véritable « insecticide » naturel, elle attire des prédateurs des pucerons, carpocapses et cochenilles, et empêche les « mauvaises » herbes comme le chiendent de s’installer. Par ailleurs, des semis d’automne de phacélie feront une parfaite couverture hivernale, permettant de ne pas laisser votre sol à nu tout en l’enrichissant.
La consoude officinale (Symphytum officinale)
La consoude officinale est une plante vivace de la famille des boraginacées. Ses grandes feuilles sont rêches au toucher, et ses fleurs en clochettes blanches, violacées ou roses apparaissent dès le mois de mars et jusqu’en août. Sa réputation médicinale est vieille de plusieurs siècles. En utilisation externe, on apprécie ses propriétés astringentes et cicatrisantes, mais aussi anti-inflammatoires, émollientes et adoucissantes. Comestible, son goût lui vaut parfois le surnom de « sole végétale » et on peut faire des beignets avec ses feuilles. à consommer avec modération, car elle contient des alcaloïdes nocifs pour le foie.
Comment y aller ?
- Par le train : Paris Montparnasse-Tours, puis bus jusqu’à Chambourg-sur-Indre, à 4 km de Chédigny.
- En voiture : Depuis Paris, prendre l’A10 direction Orléans puis Tours, sortie 18 Amboise, N10 direction Amboise puis D31 direction Loches jusqu’à Sublaines, puis D25 jusqu’à Chédigny.
- Adresse et infos : Jardin du presbytère, 37310 Chédigny. Ouvert tous les jours de mai à septembre, 10 h-13 h et 14 h 30-18 h 30. Tarif : 3 E.
Où dormir ?
- Chambres d’hôtes Le Clos aux roses, 2, rue du Lavoir, 37310 Chédigny, à partir de 70 € la nuit. Tél. 02 47 92 20 29. leclosauxroses@gmail.com