Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes
De l'ombre à la lumière

De l'ombre à la lumière, extraits

EXTRAITS :

« La boisson que l’on consomme pendant la cérémonie est en fait une décoction préparée à partir de deux plantes psychotropes, utilisées dans les rituels de soin chamaniques depuis des générations par les Indiens d’amazonie : l’ayahuasca, qui est la liane banisteriopsis caapi, et la chacruna, un petit arbuste, Psychotria veridis. Il est incroyable que les Indiens aient réussi cette combinaison si parfaite, étant donné les millions de plantes que compte la forêt amazonienne. Cela dit, leur connaissance de la forêt et de la pharmacopée qu’elle contient s’appuie sur une véritable osmose avec la nature, et un respect que les Occidentaux ne possèdent plus.

(…….)

Première session d'Ayahuasca

Dans le cadre des soins à Takiwasi, les patients prennent aussi de l’ayahuasca dans une perspective de découverte de soi-même. La plante permet de faire un voyage intérieur, d’introspection, en même temps qu’elle aide à la connexion avec le monde spirituel. L’ayahuasca révèle des informations sur soi-même, sur des présences qui rôdent autour de soi et qui peuvent s’incruster ; ou bien elle fait ressortir des éléments résultant d’actions passées, en l’occurrence, ici, la toxicomanie. Le voyage de la toxicomanie fait aussi que l’on s’est ouvert et que l’on a accumulé toutes sortes d’énergies négatives qui peuvent parfois rester tapies dans l’ombre. La plante aide le patient à en prendre conscience et à s’en détacher.

Ma première session est dirigée par José et Javier. Elle ressemble à celle à laquelle j’ai déjà assisté. À vingt heures, ils nous appellent, nous, les patients. Nous sortons du dortoir avec notre couverture ; à la queue leu leu, nous traversons le champ, sous un beau ciel étoilé. Les odeurs de l’amazonie sont prégnantes, on entend couler la rivière. Nous nous présentons de l’autre côté du terrain, devant la maloca. une grande maloca ovale, en brique jusqu’à mi-hauteur, puis en bois tressé, avec des poutres couvertes d’un feuillage touffu.

Nous nous installons en demi-cercle contre le mur, sur de gros coussins posés sur des nattes. José est au milieu du cercle. Edgard, un patient, est en face de moi. On perçoit à la fois une tension et de la tranquillité. Je suis assis à ma place, en tailleur. Je ferme les yeux doucement, je prends ma respiration, je me tranquillise.

Le voyage va commencer. José a un petit regard malicieux : « ¿ listos ? Tout le monde est prêt ? » Il ouvre sa bouteille, commence à chantonner avec son tabac dans la main droite, sa bouteille dans la main gauche. Il souffle sur le tabac, l’allume, souffle de la fumée dans la bouteille. Chacun vient prendre son verre d’ayahuasca. José m’appelle, remplit le verre à ras bord. Javier me regarde et me souhaite un bon voyage. Je bois, puis je retourne m’asseoir à ma place. Une personne boit après moi, Javier éteint la bougie et la cérémonie commence.

Après vingt minutes de silence, José entonne les chants, et les effets arrivent d’un coup. Je pars dans mon voyage, collé au mur, incapable de bouger pendant les deux premières heures. Puis je redescends et je regarde. Entre deux bâillements, une pluie de couleurs et de formes géométriques se présente devant moi, avec une intensité qui me touche au plus profond. Et, soudain, je pars dans l’espace. J’ai une vision magique où je me retrouve assis sur un trône avec des gardiens à mes côtés, et je prends conscience que je suis chez moi, que je suis dans ma maison, et que j’ai trouvé ma place dans le voyage.

Edgard, lui, est en plein conflit intérieur. Il essaie de lutter contre quelque chose. Il souffre. Et je vois, je vois vraiment, au-dessus de lui, un énorme esprit, comme une sauterelle avec une trompe sur la tête, qui suce son énergie. Cette entité, dans le langage shipibo, on l’appelle Mawayunshi, elle se manifeste lors des prises d’ayahuasca.  (…)

La session finie, Javier vient me voir et me dit : « Hermano, Frère... », terme qu’il ne réemploiera jamais, mais qui restera gravé en moi. Il m’embrasse et me serre dans ses bras. C’est une confirmation supplémentaire que j’ai trouvé ce que je cherchais.

La diète

La diète est vraiment un élément fondamental de la médecine traditionnelle amazonienne. (…)

Je m’explique : le principe fondamental de cette médecine, appelé végétalisme, repose sur le principe que certaines plantes, dites plantes maîtresses, sont des guides spirituels. Elles sont médicinales, mais sont considérées comme ayant un esprit propre, qui fait partie de leur essence. L’apprentissage consiste donc à établir et à développer un lien avec l’esprit de la plante qui deviendra, une fois la diète accomplie, un allié. Cet allié pourra alors se manifester durant les cérémonies pour transmettre des informations et aider à soigner les patients.

Tous les êtres vivants interconnectés

Généralement, il y a différentes phases dans une cérémonie d’ayahuasca. Bien entendu, je ne parle ici qu’à partir de mon humble expérience à Takiwasi et avec les Shipibo et les Quechua Lamista qui, bien que partageant une même structure dans leurs cérémonies, ont une connaissance et un art de chanter différents de bien d’autres Indiens. Dans l’utilisation traditionnelle de l’ayahuasca, de nombreux groupes indigènes ont une approche différente de celle à laquelle j’ai été exposé. Mais la cérémonie se divise généralement en une première phase où l’ivresse se manifeste, ce qui permet au guérisseur de lire les énergies présentes dans la pièce et chez les patients. Grâce à son expérience et à son apprentissage, le guérisseur observe dans l’ivresse la manifestation de ces énergies, et établit un diagnostic. La deuxième phase commence ensuite avec une série de chants qui augmentent les effets de la plante ou harmonisent l’énergie dans la salle.

Puis la troisième phase est consacrée aux soins : le guérisseur appelle le patient qui vient s’asseoir devant lui, et il chante pour lui. La guérison intervient à travers le chant. (….)

Les concepts indigènes, que je ne comprends pas mais dont je ressens les effets, pénètrent dans mon corps, avec des visions de couleurs et d’animaux. J’entends que Guillermo monte de plus en plus dans les aigus et, devant moi, au-dessus de moi, je sens une ouverture. un champ lumineux, bleu clair et comme étoilé, descend en pluie sur ma personne, et m’illumine du crâne à la plante des pieds. Je suis inondé de lumière. Cela n’a rien à voir avec les kaléidoscopes lumineux, les formes géométriques, la présence de plantes ou de serpents, les perspectives de famille ou le voyage intersidéral, et les visions du monde ou les perspectives sur des personnes ou des émotions que j’ai pu expérimenter jusque-là.

Je suis littéralement submergé par cette illumination. Je me concentre, je respire profondément et me laisse emporter par la lumière qui m’envahit jusqu’au plus profond de mon être. (…)

Quelle expérience je viens de vivre, quelle beauté et témoignage de notre interconnexion ! Humains, animaux, plantes, éléments, tout être vivant, tout ce qui a une vie est interconnecté. C’est une grande danse qui tourne autour de nous et que nous ne voyons pour ainsi dire jamais... ou presque ».

De l'ombre à la lumière, de Metsa et François Demange, Mama Édition, 20€ ou 9,99€ en Ebook

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