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Maladies de l’ombre, des traitements à explorer (1/3)
Ni rares, ni orphelines, mais néanmoins répandues, plusieurs maladies laissent l’allopathie, et surtout les patients désemparés. Maladie de Lyme, fibromyalgie, rectocolite hémorragique ou Crohn… Autant de pathologies à la symptomatologie et au diagnostic complexes. Pourtant, de nombreuses pistes naturelles se dessinent pour apporter des réponses en complément ou en lieu et place des traitements allopathiques. Reste à se faire entendre distinctement par les autorités compétentes.
Fibromyalgie : un grand mystère et des patients au milieu du gué
Douleurs squelettiques et musculotendineuses, asthénie et fatigue musculaire, problèmes de sommeil : c’est le cortège typique des symptômes associés à la fibromyalgie. L’absence de marqueurs biologiques distincts rend ce syndrome d’origine multifactorielle difficile à identifier, d’autant que le tableau clinique est complexe, associant fréquemment une liste d’autres problèmes : troubles sensoriels et cognitifs (audition, vision, mémoire, concentration), migraines, dépression et anxiété, colopathie fonctionnelle, palpitations, troubles génito-urinaires…
Si la fibromyalgie a déjà donné lieu à des milliers de publications scientifiques, elle reste difficile à diagnostiquer et encore plus à soigner, suscitant scepticisme et incompréhension. « Pourtant, nous avons maintenant des critères clairs pour établir qu’il s’agit de fibromyalgie, mais encore trop de patients sont mal diagnostiqués : maladie de Crohn, sclérose en plaques, rhumatisme inflammatoire, dépression… Ce qui conduit parfois à la prescription de traitements médicamenteux lourds et inadaptés », explique Anne Dumolard, rhumatologue au Centre de la douleur du CHU de Grenoble et auteur de « Comprendre et reconnaître la fibromyalgie pour mieux la soulager ». « On est dans un déni sociétal et politique absolu, alors qu’il s’agit d’un syndrome extrêmement difficile à vivre, avec de forts impacts sur la qualité de vie et l’autonomie, les liens familiaux, la vie professionnelle… Mais on n’en meurt pas et on n’est pas contagieux, donc on est censés faire avec », déplore quant à elle la présidente de l’association Fibromyalgie France, Carole Robert, une « résignée positive » de 64 ans qui milite de longue date pour la reconnaissance du syndrome. Les choses commencent pourtant à bouger, comme en témoigne une commission d’enquête parlementaire sur le sujet rendant ses conclusions en ce mois d’octobre, ainsi qu’une expertise collective en cours de l’Inserm. Mais des réponses satisfaisantes ne sont pas pour demain : « Aujourd’hui, les ressources de l’allopathie – anti-inflammatoires, antidouleurs, antidépresseurs, anti-épileptiques – restent à mon sens largement insuffisantes ou inadaptées, avec des effets secondaires parfois supérieurs au bénéfice », précise Anne Dumolard, qui suit ses nombreux patients fibromyalgiques avec un accompagnement global faisant la part belle à l’alimentation, à la remobilisation du corps et à la psychologie.
« C’est typiquement la maladie qui peut répondre à des thérapies non médicamenteuses… Il faut être volontaire, essayer des choses et ne pas attendre le médicament miracle. Pour ma part, j’en avais marre d’avaler des médicaments sans succès », confie Carole Robert. Les origines de la maladie demeurent à ce jour mystérieuses : anomalie musculaire, hormonale, immunitaire, neurovégétative, causes virales… En regard de ces différentes hypothèses, beaucoup de réponses naturelles méritent d’être creusées, bien que la phytothérapie ait à ce jour encore une place marginale dans les approches non médicamenteuses. Sur les mécanismes de perception excessive de la douleur, l’utilisation locale d’huiles essentielles pourra certainement moduler le message douloureux, tandis que plantes ou acides aminés permettront de corriger les déséquilibres en neurotransmetteurs caractéristiques de la maladie.
Mais la gestion du stress et la capacité à la mise à distance psychologique de la douleur jouent aussi un rôle majeur, raison pour laquelle des pratiques comme la méditation de pleine conscience, l’art thérapie ou la musicothérapie sont particulièrement intéressantes. Deux techniques d’autorégulation du cerveau, le neurofeedback et l’hypnose, ont également montré des effets encourageants. En outre, la mobilisation physique douce sous toutes ses formes (activité physique, marche, balnéothérapie…) est nécessaire pour contrer fatigue et douleurs. Il en est de même pour la restauration du sommeil, généralement fragmenté et peu réparateur pour les fibromyalgiques, en état constant d’hypervigilance nerveuse. Ici, certaines plantes du sommeil méritent d’être testées, en particulier celles ayant un effet sur le neurotransmetteur GABA, comme la passiflore ou l’eschscholtzia. On pensera aussi à la L-théanine, un acide aminé extrait du thé vert.
Un autre grand axe de recherche concerne l’impact des polluants alimentaires et environnementaux sur le stress oxydatif et l’inflammation chronique, deux phénomènes entretenant douleurs, asthénie et fatigabilité musculaire. L’attention à son alimentation est dès lors centrale, un grand nombre de fibromyalgiques notant une aggravation de la douleur ou de la raideur avec certains aliments. Une synthèse scientifique de 2010 pointe notamment le bénéfice parfois observé du régime végétarien sur les symptômes. Mais pour augmenter la capacité antioxydante et détoxifiante du corps, on pourra aussi trouver des points d’appui avec des compléments alimentaires comme la coenzyme Q10, la propolis brune et l’algue verte d’eau douce chlorelle.
Gérer la douleur
On sait que l’amplification des messages douloureux est notamment liée à l’activation de certains de nos récepteurs nerveux (NMDA). En massage dans de l’huile végétale à hauteur de 10 à 30 %, l’huile essentielle de lavande vraie pourra atténuer cette hyperalgie, car ses propriétés anxiolytiques se conjuguent à l’effet antalgique de son linalol, un agoniste des récepteurs NMDA. Une étude clinique a par ailleurs montré l’effet de pommades à la capsaïcine issue du piment de Cayenne (Capsicum frutescens) sur les scores des douleurs de patients fibromyalgiques.
Rééquilibrer ses neurotransmetteurs
Les personnes souffrant de fibromyalgie ont une production altérée de trois neurotransmetteurs centraux dans la stabilité de l’humeur et du sommeil, la gestion du stress, la cognition et la perception de la douleur (sérotonine, noradrénaline et dopamine). C’est la raison pour laquelle on prescrit souvent aux patients des antidépresseurs. Deux précurseurs de sérotonine naturels et efficaces sont l’acide aminé tryptophane ou la plante africaine Griffonia simplicifolia, riche en 5-HTP. Pour reconstituer les stocks de dopamine ou de noradrénaline mis à mal par le stress chronique, on pourra essayer des cures de l’acide aminé tyrosine ou de safran cultivé (Crocus sativus). Citons aussi le millepertuis (Hypericum perforatum) qui a montré un effet équivalent sur le ressenti de la douleur à un antidépresseur tricyclique dans une étude clinique sur des fibromyalgiques. Concernant cette plante, attention aux risques d’interactions avec les médicaments.
La litsée citronnée pour retrouver l’optimisme
L’huile essentielle de litsée citronnée (Litsea citrata) est un atout dans la prise en charge de la fibromyalgie et des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Puissant antiinflammatoire et myorelaxant, elle soulage une rectocolite hémorragique (RCH) ou une maladie de Crohn et diminue les douleurs des spasmes ou tétanies musculaires de la fibromyalgie. Tonique digestive, elle facilite la digestion et stimule l’appétit. Calmante, elle apaise les angoisses, améliore la qualité du sommeil et a une action antidépressive. On l’utilise diluée dans une huile végétale (5 à 8 %), en massage sur le ventre après le repas en cas de MICI ou sur les zones douloureuses en cas de fibromyalgie (éventuellement combinée à de la lavande vraie). En olfaction, avec de la marjolaine à coquilles, elle équilibre le système neurovégétatif.
Force musculaire
Le D-ribose augmente la production d’ATP dans les muscles. Ce glucide présent dans les plantes aide à lutter contre l’asthénie. Une étude de 2006 a montré que la prise de 5 g de D-ribose trois fois par jour pendant deux semaines améliorait énergie, sommeil et bien-être chez les patients.
Pour améliorer la fonction mitochondriale, pensez à la co-enzyme Q10, souvent à des niveaux bas chez les fibromyalgiques. Elle augmente la force musculaire et fait baisser la fatigue. Selon une recherche de 2012, ses vertus antiradicalaires soulagent aussi les céphalées chez les fibromyalgiques.