Défendre les arganiers
L’arganier, endémique des régions arides du Sud-Ouest marocain, est une ressource précieuse pour les Berbères. Or, en 50 ans, les forêts d’arganiers ont beaucoup reculé. Heureusement, des actions de préservation se mettent en place pour sauver cet arbre, qui freine aussi la désertification.
Au total, trois millions et demi de Marocains vivent de l’arganeraie. Cet arbre extrêmement résistant à la sécheresse possède des rameaux épineux, des feuilles persistantes et des racines qui peuvent atteindre 25 mètres. Le bois, très dur, sert pour la construction et le chauffage, le feuillage et les fruits pour l’alimentation du bétail. En Europe, on connaît surtout l’huile d’argan, extraite des amandons et utilisée par les femmes pour leurs soins corporels et capillaires, car elle est riche en vitamine E. Avec l’engouement pour cette huile, les modes de production ont beaucoup changé, faisant peser une vraie menace sur l’arganier. Près de six cents hectares disparaissent chaque année, entraînant l’accentuation de la désertification.
Toutefois, depuis 2014, l’arganeraie est classée au patrimoine culturel de l’humanité par l’Unesco. Une protection qui arrive à temps. Elle se traduit d’abord par des programmes de plantation. Ainsi, « la Direction régionale des eaux et forêts, qui lutte contre la désertification du Haut Atlas, s’est fixé comme objectif, de planter 13 806 ha d’arganiers à l’horizon 2024 », précise Katim Alaoui, directrice générale de la fondation Mohammed VI pour la sauvegarde de l’arganier. D’ores et déjà, des pépinières permettent la plantation de 220 000 arbustes par an. D’autres projets sont mis en oeuvre, comme le développement de filières de gestion durable de l’huile d’argan. Des partenariats public-privé avec de grandes marques de cosmétiques telles qu’Yves Rocher visent à recueillir des fonds : sur chaque produit à base d’argan vendu, un euro est reversé aux plantations d’arganiers.
Les coopératives féminines qui ont vu le jour il y a une vingtaine d’années sont en première ligne pour la défense de l’arganier. Au nombre de 150 aujourd’hui, elles ont été dotées de fours solaires par le Ministère de l’Agriculture pour éviter l’abattage des arbres. Cet équipement permet aussi la scolarisation des petites filles, qui auparavant devaient faire des kilomètres pour aller chercher le bois. Par ailleurs, depuis 2012, un label « produit du territoire » offre au consommateur une traçabilité du produit et aux femmes une meilleure rétribution. Enfin, des recherches sont menées sur les propriétés des produits dérivés de l’arganier. Des universitaires se sont intéressés à l’extraordinaire vitalité des caprins nourris de tourteaux d’argan. Ils ont découvert dans leur composition une action anti-inflammatoire. Un médicament à base d’argan devrait être prochainement commercialisé.
Surexploitation
Quand on l’exploite de façon traditionnelle, un arganier fournit seulement 1 litre par an ! « Or, depuis une dizaine d’années, avec l’engouement pour l’huile d’argan, on ne respecte plus le cycle de production », explique Katim Alaoui directrice générale de la fondation Mohammed VI pour la sauvegarde de l’arganier. Ainsi, les fruits cueillis avant terme sur l’arbre limitent la régénération de l’espèce. En montagne, la forêt est soumise au surpâturage et à une surexploitation du bois. Par ailleurs, les arganiers sont aujourd’hui en concurrence avec la plantation de vergers.