L’avenir de l’herboristerie
en discussion au Sénat
Le sénateur Joël Labbé, à l’initiative d'une Mission d’information sur le métier d’herboriste, présentera ses recommandations au début de l’automne. Retour sur deux mois d’auditions au Sénat, auxquelles nous avons assisté, qui ont permis à une cinquantaine de professionnels de se positionner sur l’avenir d’une filière de plus en plus populaire.
Ce mois de septembre 2018 marquera peut-être un tournant pour l’herboristerie : Joël Labbé va en effet présenter ses conclusions concernant le développement de la filière de l’herboristerie à ses collègues sénateurs en séance plénière. De fin mai à fin juillet, cet élu du Morbihan a organisé une quinzaine d’auditions donnant la parole à de nombreux professionnels : des producteurs de plantes médicinales, des pharmaciens (représentants de l’Ordre inclus), des membres de la Direction générale de la santé ou encore des responsables d’écoles d’herboristerie (voir encadré p. 11) et des laboratoires. La Mission d’information sur le développement de l’herboristerie et des plantes médicinales, des filières et métiers d’avenir a ainsi pu aborder les nombreux enjeux portés par le métier d’herboriste .
Durant les auditions, le soutien à la production française des plantes médicinales est apparu tout à la fois nécessaire et souhaitable : elle constitue en effet un débouché intéressant pour les agriculteurs, affirment la productrice Nadine Leduc comme le pharmacien et président de la Société française d’ethnopharmacologie, Jacques Fleurentin.
La question d’un éventuel statut des herboristes a suscité, en revanche, davantage d’interrogations. Les Conseils de l’Ordre des pharmaciens et des médecins s’y sont montrés totalement hostiles. Les premiers, représentés par le Dr Jean-Marcel Mourgues considèrent que « les herboristes entraineraient une perte de chance pour les patients, car les pharmaciens sont bien plus à même de les conseiller ». Les autres intervenants ont, au contraire, avancé de nombreux arguments en faveur de la réhabilitation de ce métier, dénonçant, à l’instar de l’avocate Isabelle Robard, les aberrations et les contradictions de la législation actuelle. D’autre part, les résultats d’une enquête réalisée par Carole Brousse, docteur en anthropologie sociale, et Jean-Baptiste Galle, pharmacien et docteur en chimie des substances naturelles, ont permis de mesurer l’attente sociétale : « 88,2 % des consommateurs estiment que le réseau des pharmaciens n’est pas suffisant pour distribuer des plantes médicinales. Et 91 % sont favorables au rétablissement d’un diplôme et d’un statut d’herboriste. »
Lors de ces auditions, l’idée de définir trois profils correspondants à différents niveaux de formation est revenue à plusieurs reprises : le pharmacien-herboriste, l’herboriste de comptoir et enfin le paysan-herboriste, avec pour chacun un territoire de conseil bien délimité. Le sénateur Joël Labbé reste « convaincu et déterminé à faire reconnaître le métier, et lucide sur les attentes sociétales ». Ayant auditionné Dominique Crémer, herboriste diplômée en Belgique, et Caroline Gagnon, présidente de la Guilde des herboristes du Québec, il a la conviction qu’en France aussi, ce métier peut cohabiter avec la médecine et la pharmacie.
Des écoles mobilisées
Les cinq établissements appartenant à la Fédération française des écoles d’herboristerie (FFEH) sont concernés en premier lieu par la mission d’information. Ils ont donc été auditionnés par les sénateurs. Françoise Pillet, directrice adjointe de l’École lyonnaise des plantes médicinales (EPLM), a souligné la forte demande : « Cette année, 1 300 élèves sont inscrits dans nos écoles, contre seulement 480 en 2008. Entre 70 % et 80 % d’entre eux ont un objectif professionnel. » Marie-Jo Fourès, de l’école bretonne Cap Santé, a témoigné de l’étendue des débouchés : « Avec notre école, nous répondons aux besoins de formation des producteurs de plantes médicinales comme des structures de commercialisation, des personnels paramédicaux ou d’Ehpad, etc. » Enfin Nathalie Havond, pour l’école Inderplam, a insisté sur le fait que les élèves devaient connaître la tradition et les données scientifiques.