Sénat
Mission d’information
sur l’herboristerie : toujours pas de consensus
La mission d’information du Sénat portant sur « le développement de l’herboristerie et des plantes médicinales, une filière et des métiers d’avenir » a présenté son rapport hier matin. Trois mois d’investigations, un travail de fond, des débats animés… mais un statut d’herboriste en France qui reste toujours en friche.
« Nous avons adopté le rapport à l’unanimité », a affirmé Joël Labbé lors de la présentation à la presse du travail de la mission sénatoriale sur les métiers de l’herboristerie. L’unanimité, oui, mais sans réel consensus.
On le savait, le statut des herboristes est un dossier sensible. Pour rappel, depuis la suppression de cette profession en 1941, sous le régime de Vichy, les herboristes exercent dans une sorte de no man’s land réglementaire. En principe aujourd’hui, seuls les pharmaciens d’officine sont autorisés à vendre les plantes médicinales inscrites à la pharmacopée.
Au Sénat ces derniers mois, c’est toute la filière qui a été passée en revue à travers plus d’une centaine d’auditions : représentants de syndicats, de laboratoires, d’herboristes et de producteurs de plantes médicinales, mais également universitaires, professionnels de santé et acteurs étrangers ont été entendus par les sénateurs.
Pourtant, cette « mise à plat » complète de la chaîne de valorisation du végétal, de la tradition à la modernité, laisse encore les herboristes en attente d’une reconnaissance légale concrète.
Soutenir une filière porteuse
Dans son rapport remis le 26 septembre, le sénateur écologiste se concentre sur les enjeux de la production de plantes médicinales. « Aujourd’hui, 80 % des plantes vendues sur notre territoire sont importées, alors que nous avons en France métropolitaine et Outre-mer un patrimoine exceptionnel », regrette-t-il.
Et de présenter ensuite un résumé des aspects porteurs de la filière, tels le développement de la production sur des territoires agricoles désertés et les intérêts en matière de santé publique, de biodiversité et de protection des cultures par l’usage de produits naturels. Autant de points qui résultent de savoir-faire précieux issus de traditions ancestrales.
La mission a ensuite émis plusieurs recommandations, notamment :
- Aider la production agricole de plantes médicinales, qu’il qualifie de « modeste mais dynamique, freinée par la concurrence de pays aux coûts de production moindres » ;
- Développer une « filière d’excellence », avec la mise en place d’un label Plantes de France ;
- Augmenter la part des surfaces cultivées en agriculture biologique jusqu’à 50 % ;
- Soutenir la recherche agronomique ;
- Valoriser les ressources, en particulier celles des territoires d’outre-mer représentant 80 % de nos richesses végétales ;
- Promouvoir la filière des plantes médicinales et à parfums d’outre-mer.
Une reconnaissance… des contradictions du secteur
Sur l’avenir des métiers de l’herboristerie, la mission n’a pas véritablement tranché. Qu’ils soient « de comptoir » dans les boutiques spécialisées, pharmaciens-herboristes en officine ou encore paysans-herboristes, les professionnels n’obtiennent pas, avec ce rapport, une clarification du cadre légal de leurs fonctions.
Le rapport reconnaît pourtant les contradictions et les problématiques du domaine, aussi bien sur l’aspect réglementaire – une plante médicinale pouvant relever de plusieurs statuts, du complément alimentaire au médicament – qu’au niveau des professionnels de santé qui ne sont pas en phase avec l’attrait du public pour les plantes médicinales.
« Il faut que les médecins soient mieux formés pour qu’ils puissent donner des conseils en phytothérapie », a souligné Joël Labbé, constatant par ailleurs que les pharmaciens voient leur monopole aspiré par les ventes Internet. « Aujourd’hui, 90 % des huiles essentielles sont vendues hors officines », a-t-il précisé.
Mais ces constats ont surtout mis en évidence les divergences de points de vue au sein de la mission. Et plusieurs sujets de crispation : doit-on mettre les herboristes sous la tutelle des pharmaciens ? Une complémentarité entre les médecins, les pharmaciens et les herboristes est-elle envisageable ? Comment assurer une sécurité sanitaire suffisante au niveau de la vente de ces produits ? Comment aboutir à une harmonisation européenne en matière de formation ?
Une seule proposition concrète
La seule proposition concrète de la mission porte finalement sur le souhait de réexaminer la liste des 148 plantes « libérées » du monopole pharmaceutique pour y intégrer des plantes d’outre-mer ou celles reconnues pour agir sur « les petits maux du quotidien ».
Toutefois, l’absence de consensus ne signe pas l’arrêt du travail engagé par la mission. « Il faut aller plus loin (…). Nous sommes en situation d’urgence, il est temps de se bouger et de le faire collectivement », a martelé Joël Labbé.
Le sénateur entend réunir un groupe de travail pluripolitique et ouvert aux acteurs de terrain, avec l’ambition ferme de légiférer sur le devenir des plantes médicinales et celui de ceux qui les vendent. Le sénateur appelle ainsi à « un vaste débat public dont vont s’emparer les citoyens ».
Reste à espérer que ces mois d’investigations marqueront un tournant décisif dans la structuration concrète et rapide de la filière. Car seul un vrai consensus pourra redonner à l’herboristerie la juste place qu’elle mérite en France.
En attendant, n’hésitez pas à signer cette pétition qui continue de tourner pour soutenir la filière herboriste et le maintien de ce savoir ancestral.