Plantes
Colchique : toxique, mais pas que...
Connu pour sa toxicité depuis l'antique époque du philosophe grec Théophraste, le bulbe de colchique est traditionnellement utilisé contre les crises de goutte et pourrait devenir un futur médicament anti cancéreux. A utiliser toutefois avec précaution !
Au même titre que le safran, de la même famille, le colchique servait, dans l'Antiquité, d'épice et de colorant. Mais pas seulement ! Longtemps, le tubercule de colchique a aussi été utilisé comme poison violent. Selon le naturaliste grec Théophraste, les esclaves mangeaient de petits fragments de tubercule afin de se rendre malades et inaptes au travail.
Un bulbe traditionnellement utilisé contre crises de goutte et rhumatismes
La théorie des signatures, qui énonce que l'apparence du végétal indique l'organe qu'il peut soigner, veut que le bulbe de colchique évoque précisément un orteil goutteux. Dès le 2ème siècle après JC, l'écrivain grec Lucien de Samosate est le premier à mentionner l'usage de cette plante, alors appelée "bolbos" qui était précisément utilisée à cet effet. Les anciens rebouteux conseillaient également « en cas de cors aux pieds de mettre une fleur de colchique sur la plaie ». De nos jours, près de 19 siècles plus tard, un alcaloïde extrait du bulbe de colchique d'automne (Colchicum autumnale L.), la colchicine, est devenu un remède commercialisé contre les crises de goutte et les rhumatismes.
Bien que les preuves scientifiques de son intérêt dans les crises de goutte aiguës restent limités, de fortes doses permettraient de diminuer les douleurs. Comme le rappellent des scientifiques indiens ayant compilé la littérature scientifique à son sujet, « bien que le colchicine soit l'un des plus anciens médicaments actuellement utilisés, ses propriétés, ses effets métaboliques et ses actions moléculaires sont encore mal compris. » Ses rôles thérapeutiques potentiels dans la polyarthrite rhumatoïde et les maladies non rhumatismales comme la péricardite, l'athérosclérose et la cirrhose du foie sont actuellement toujours à l'étude.
Une potentielle activité anti-cancer
Etant donné que la colchicine bloque la réplication cellulaire, les scientifiques travaillent en ce moment à son utilisation comme agent anticancéreux, mais son extrême toxicité rend son usage difficile. De nombreux analogues de la colchicine ont été synthétisés dans l'espoir de développer de nouveaux médicaments contre le cancer et des recherches sont en cours sur des produits efficaces (notamment pour trouver des formulations de colchicine moins toxiques). A suivre donc.
En attendant, la plante est à utiliser avec une extrême précaution, voire à éviter, compte tenu de sa toxicité, même à faible dose. Il a même été rapporté des cas de confusion entre un bulbe d'oignon et un bulbe de colchique qui, après ingestion, ont entraîné des calvities totales !
"From poison to drug: new recipes discovered containing colchicine as a remedy for Podagra in Rome and Byzantium", Clin Exp Rheumatol. 2019.
"Colchicine dans le traitement des poussées aiguës de goutte", revue des preuves scientifiques, Cochrane, août 2021.
"Anticancer potential of alkaloids: a key emphasis to colchicine, vinblastine, vincristine, vindesine, vinorelbine and vincamine", Cancer Cell Int., 2022
"Potential anticancer role of colchicine-based derivatives: an overview", Anticancer Drugs, 2017.