Santé
L'iode alimentaire, un essentiel en complément
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Si l'iode est encore extrait des algues aujourd'hui, c'est surtout de roches sédimentaires que l'on en tire la majeure partie. Faiblement présent dans notre alimentation continentale, l'iode est pourtant essentiel à notre santé et à la prévention de certaines maladies graves. Faisons le point sur les compléments alimentaires à base d'iode.
L'iode se trouve naturellement dans l'eau de mer, dont il faudrait des quantités extraordinaires pour le récupérer. Mais le chimiste Bernard Courtois découvrit, pendant la période napoléonienne, que l'on pouvait l'extraire des algues en versant de l'acide sulfurique sur du charbon de poudre d'algues, utilisé pour fournir les canons. L'expérience provoqua le dégagement d'une fumée colorée qui donna son nom à ce nouvel élément chimique, iodes signifiant « couleur de la violette » en grec.
« En 1829, la première usine d'extraction d'iode fut créée au Conquet, suivie par de nombreuses autres sur le littoral breton dans les décennies suivantes, raconte l'Écomusée des goémoniers et de l'algue de Plouguerneau (Finistère). Les algues, brûlées dans des fours en pierre à flanc de dunes, formaient des pains de soude à partir desquels on extrayait l'iode marin qui servait principalement à la fabrication de la teinture d'iode. Néanmoins, il fallait 25 tonnes de laminaires fraîches pour obtenir 15 kg d'iode. La découverte d'un nouveau procédé d'extraction de l'iode plus rentable au Chili à la fin du XIXe siècle a peu à peu entraîné le déclin de cette activité. »
Deux sources d'iode, marine et rocheuse
Aujourd'hui, le forage des roches caliches au Chili et l'exploitation des saumures des champs pétrolifères et gaziers aux États-Unis et au Japon constituent les principales sources d'iode au monde, servant l'industrie pharmaceutique et alimentaire. L'iode marin, tiré des algues françaises et écossaises telles que les laminaires, se retrouve principalement dans les compléments alimentaires qui peuvent aussi contenir de l'iode issu des roches. De manière générale, on regroupe sous l'appellation « iode alimentaire » ou « iode 127 » l'iode consommable. « Mais il faut savoir le consommer », prévient le Dr Reliquet, médecin généraliste à Lille, auteur du récent Les Pouvoirs de l'iode (éd. Guy Trédaniel) :
« L'iode est un oligoélément essentiel à notre santé, mais comme élément chimique il est très volatil ; il suffit qu'un poisson ou un crustacé soit trop chauffé pour qu'il s'en échappe. Il suffit aussi que votre sel iodé soit conservé dans une salière en métal pour qu'il se sublime, en clair qu'il passe de l'état solide directement à l'état gazeux et que votre salière n'en contienne rapidement plus. De manière générale, on ne peut pas compter sur l'alimentation occidentale pour nous apporter une bonne dose d'iode, d'où l'intérêt des compléments alimentaires », conclut le praticien.
Marées basses : un bol d'iode pur ?
En 2008, le Breton Philippe Potin de la station biologique de Roscoff-CNRS, accompagné d'une équipe de chercheurs, observe que lors des marées basses, quand les algues sont exposées à un fort taux d'ensoleillement et à la dessiccation (assèchement), elles relâchent de grandes quantités d'iode, formant alors comme des nuages protecteurs dans l'atmosphère. Bien présent dans l'air côtier, l'iode purifie l'air en agissant sur certains polluants (ozone), d'où l'intérêt de respirer l'air de la mer de temps en temps !
L'homme, la faune et la flore souffrent de carences
Un faisceau d'arguments épidémiologiques confirme la nécessité de l'iode pour la santé. « Elle est essentielle à la synthèse des hormones thyroïdiennes, impactant le bon développement des cellules in utero, la prise de masse musculaire, la régulation du cholestérol et de l'humeur, la vitalité mentale… », détaille le Dr Reliquet.
Ce dernier explique aussi que nombre de femmes originaires d'Okinawa ayant migré en Amérique du Nord après guerre ont développé un cancer du sein. « Pour cette population connue pour en être préservée, le passage d'une alimentation riche en poissons crus et en algues riches en iode à une alimentation occidentale qui en est peu pourvue, y est pour quelque chose ! », affirme-t-il. De plus, une carence grave peut causer divers troubles mentaux comme le crétinisme, autrefois observé chez les populations éloignées des régions maritimes, notamment en montagne.
L'Anses recommande un apport journalier moyen en iode alimentaire de 12,5 mg, une dose que l'on pourra adapter en fonction de sa situation et sous contrôle médical. Le Dr Reliquet nous indique qu'il est possible d'effectuer en laboratoire un bilan d'iodurie (non remboursé par la Sécurité sociale) basé sur des urines récoltées pendant 24 heures, car les carences en iode peuvent varier selon le sexe, l'âge, le poids, l'alimentation de chaque individu… Une manière de redonner à l'iode une juste place dans notre organisme.
Recette de mère Nature // Déclinaisons autour de l'iode
Un régime iodé ?
Si nous retrouvons l'iode dans les produits laitiers, les fruits et légumes, les céréales ainsi que le sel de table et l'eau potable, les sources les plus importantes restent les poissons, viandes et œufs (soit 22 % des apports iodés chez l'adulte occidental). Pour un apport plus important, il faudrait s'astreindre à une alimentation piscicole à base d'aliments frais et crus fortement supplémentés en algues, tels que le kombu japonais et l'algue wakamé, une alimentation que l'on retrouve en Corée et au Japon.
En complément alimentaire
La dose moyenne recommandée est de 12,5 mg par jour (généralement, une capsule) pour un regain d'énergie physique et mentale dès les premières prises. La régulation de l'hypothyroïdie s'observera à plus long terme, la prise d'iode pouvant s'étaler sur des années. Par ailleurs, cet élément est un allié essentiel de la grossesse, pour accompagner le développement fœtal. Le Dr Reliquet préconise les formats capsulés car les versions liquides peuvent tacher les dents. Les compléments alimentaires d'iode sont à distinguer des extraits d'algues marines, moins pourvus en cet élément.
Teinture et remèdes inspirés
La teinture d'iode est composée de 5 à 10 % d'iode dans de l'alcool. Utilisée comme antiseptique, elle est très asséchante et teinte la peau. On peut l'appliquer pure en compresse une fois par jour, mais on l'utilise plus couramment avec de l'eau tiède pour la diluer, ce qui la fait mousser. Idem en usage vétérinaire. Attention, il ne faut pas associer la teinture d'iode à d'autres désinfectants au mercure.
Astuce : Pour retirer d'éventuelles traces laissées par la teinture sur la peau, l'alcool à 70° est assez efficace mais vous pouvez aussi appliquer une pâte composée de bicarbonate de soude et d'eau, à rincer après quelques minutes de pause.