Christophe de Hody « La ville n’est pas faite que de béton »
Faire découvrir la nature en ville… Une gageure… À laquelle s’emploie, depuis quatre ans, Christophe de Hody. Ce naturopathe transmet aux Parisiens son savoir sur les plantes. Dans les différents parcs et bois d’Île-de-France, il fait découvrir une nature urbaine, certes, mais riche en espèces comestibles et médicinales. Il nous a accueilli « chez lui », au bois de Boulogne.
Plantes & Santé Comment expliquez-vous votre besoin de nature ?
Christophe de Hody Depuis tout petit, je passe mon temps dehors, que ce soit chez mon père, qui avait une ferme en vallée de Chevreuse, ou chez ma mère, qui habitait à Ville-d’Avray près des étangs de Corot. Je construisais des cabanes dans les arbres.Mon père m’a fait découvrir quelques plantes comestibles : on grignotait des fruits, on préparait des salades de pissenlit et des soupes d’orties… J’ai beaucoup souffert sur les bancs de l’école car je trouvais inhumain de rester assis toute la journée. Je n’étais pas l’élève le plus agréable pour les profs ! J’ai fait en sorte d’avoir mon bac, comme pour sortir de prison. Alors que mes amis se préparaient à intégrer des écoles de commerce, je me suis organisé pour voyager. Je suis parti pendant un an : j’ai notamment fait du wwoofing (travail bénévole dans des fermes bio, ndlr) en Australie.
P. & S. …donc sur les terres de la permaculture ?
C. H. Oui ! J’y ai beaucoup appris sur les plantes médicinales. Les Australiens sont très ouverts aux médecines naturelles, et c’est comme ça que je me suis passionné pour la naturopathie. J’ai longtemps hésité entre la permaculture et la naturopathie : aider la nature ou aider l’humain ? À mon retour, j’ai opté pour des études sur les plantes médicinales en commençant par l’Imderplam à Montpellier.
P. & S. Quand on aime la nature, comment en arrive-t-on à poser ses valises à Paris et à se dire qu’on va monter une activité autour des plantes en ville ?
C. H. D’abord, je suis d’ici, je suis un citadin. Bien qu’aimant être dehors, j’aime la ville car j’aime les gens. J’ai besoin de rencontrer de nouvelles personnes, de co-créer, de co-évoluer avec d’autres personnes. Je trouve extraordinaire de pouvoir montrer aux Parisiens que leur ville n’est pas faite que de béton. L’Île-de-France est d’ailleurs dans la moyenne française en termes de bétonisation : il y a beaucoup de forêts, beaucoup de parcs, beaucoup de nature au bout du compte. En dehors du plein centre-ville, on trouve une riche biodiversité, comme ici, au bois de Boulogne.
P. & S. Lorsqu’on cueille en ville, comment éviter les désagréments que sont la pollution et les déjections animales ?
C. H. On ne doit pas cueillir en bord de route. Pour ce qui est des arbres qui y poussent, on peut tout de même cueillir les feuilles qui viennent de sortir et n’ont pas eu le temps d’être souillées par les pots d’échappement. Si un parc est très fréquenté, il peut y avoir beaucoup de chiens et de rats. Il y a alors un risque de contamination microbienne. Mais ce n’est pas exclusif aux plantes sauvages, car ces animaux vont aussi dans les potagers. Le danger n’est pas énorme et il existe aussi à la campagne avec les animaux d’élevage (vaches, moutons…). Dans ce cas, il faut cueillir au-dessus de 50 cm et faire cuire les plantes. Enfin, concernant la pollution des sols : il ne faut pas cueillir toujours au même endroit. Si le spot qu’on a choisi est pollué, on accumule les mêmes polluants dans son corps. On peut aussi apprendre progressivement à reconnaître les plantes bio-indicatrices : l’euphorbe épurge, la renouée du Japon ou la datura stramonium sont les signes d’une pollution aux métaux lourds, etc. Et heureusement, à Paris, les parcs ne sont plus traités aux pesticides.
P. & S. Que voulez-vous transmettre à vos stagiaires ?
C. H. Après une de mes balades, les gens ne voient plus leur environnement de la même manière. Ils ont forcément retenu le nom d’au moins trois plantes. J’aime leur transmettre l’idée que, dans toute cette masse verte, il y a un énorme pourcentage de possibilités d’usages. Par exemple, tous ces kilos de marrons d’Inde peuvent être ramassés et utilisés pour concocter un remède. Je veux leur transmettre non seulement l’autonomie, mais aussi le plaisir. Je leur fais reprendre goût à la nature en prenant conscience de tout ce qu’elle peut nous offrir, et en apprenant toutes ces petites techniques qui évitent d’acheter ses produits. Je veux montrer que ce n’est pas compliqué. L’idée est d’amener les gens vers le bien-être, la naturopathie étant justement l’idée d’un bien-être global. Les citadins, en particulier, ont besoin de se reconnecter à la nature et de passer du temps dans de beaux endroits. La nature, pour moi, il n’y a rien de plus beau.
P. & S. Vous proposez des stages originaux : cuisine en association avec des grands chefs, herboristerie dans les bois… Comment imaginez-vous ces formules ?
C. H. J’ai effectivement commencé à travailler avec un chef étoilé du Corot, un restaurant qui se trouve à Ville-d’Avray. Nous avons créé l’atelier « Saveurs et nature ». Après une balade botanique autour des étangs de Corot, les participants mangent des plats élaborés avec ces plantes. La benoîte urbaine fait des merveilles dans sa cuisine ! (Lire recette cicontre.) On en profite pour parler des techniques culinaires de ce chef, qui se spécialise dans la cuisine nature. Il cherche à être le plus local possible, avec des produits d’Île-de-France et des plantes sauvages de la forêt qui entoure le restaurant. J’organise aussi des ateliers d’herboristerie en extérieur, dans le bois, au cours desquels j’apprends à réaliser des teintures alcooliques, des macérats huileux… Pour tous ces ateliers, j’essaye à chaque fois de me mettre à la place des gens et de me demander ce qu’ils voudraient faire. Je m’efforce d’être généreux dans ce que j’offre : il faut que ce soit une expérience humaine, et pas une conférence à la parisienne, dont on part dès qu’elle est finie. Souvent, les gens qui s’intéressent au végétal sont sympas ! Ils sont nature, ils sont bienveillants. Même s’ils ne le sont pas, ils prennent cette casquette pendant le temps de l’atelier.
P. & S. Quel est votre lieu de cueillette de prédilection en région parisienne ?
C. H. C’est le parc de Versailles, où l’on trouve une abondance de plantes. J’aime le contraste entre le beau château et la nature qui l’entoure, laissée à elle-même et vraiment riche.
Parcours
2004 Wwoofing (travail bénévole dans des fermes bio) en Australie.
2005 Formation d’un an à l’école des plantes de Montpellier (Imderplam) sur les plantes médicinales.
2008 BTS « Paysages, jardins et botanique » à l’École du Breuil (Paris).
2010 Diplôme de naturopathie au CENATHO (Paris).
2014 Formation d’herbaliste à l’École des plantes médicinales de Lyon.
À faire - Boisson d’hiver à la benoîte urbaine
Au bois de Boulogne, on trouve des hectares de benoîte urbaine (Geum urbanum). Elle est abondante dans toute la France, et on la trouve surtout, comme son nom l’indique, dans les espaces marqués par les activités humaines. L’odeur de sa racine est caractéristique, proche de celle du clou de girofle : comme ce dernier, elle contient de l’eugénol, molécule à la fois aromatique et antiseptique. Une qualité appréciable en hiver, saison durant laquelle on est confronté à de nombreux microbes. Cette racine est également astringente, antidiarrhéique, cicatrisante et stomachique. Christophe de Hody propose une recette de jus de pomme chaud à la benoîte urbaine :
Ingrédients
• 1 l de jus de pomme
• 1 poignée de racines secondaires (sans le pivot central)
Préparation
1. Mixer les racines avec le jus de pomme
2. Porter à légère ébullition pendant 10 minutes.
3. Filtrez. C’est prêt !