COP21 : Rencontres autour du vivant (1)
Depuis 1982, Jean-Paul Thorez, agronome, auteur du Guide du jardinage biologique (éd. Terre vivante), note les observations qu’il fait dans son jardin. Rien de tel pour mesurer les effets du changement climatique…
P & S En trente ans, qu’est-ce qui a changé ?
Jean-Paul Thorez Globalement, le paysage que je voyais de ma fenêtre début mai est celui que je vois maintenant début avril. Le lilas, qui fleurissait chez moi en Normandie autour du 5 mai fleurit maintenant autour du 5 avril. Je récolte mes pêches en septembre alors que je les récoltais en octobre et les gelées arrivent de plus en plus tardivement.
Ce que je produis le mieux aujourd’hui, ce sont les figues, les pêches et les kiwis qui profitent de l’hiver moins froid, alors que la Normandie est une région de pommiers.
P & S Quelles conséquences cela a-t-il sur la nature ?
J-P. T. Pour qu’une plante fleurisse, il lui faut un signal qui lui dise que l’hiver est passé. S’il n’y a pas ce signal parce que les températures sont douces, elle peut fleurir de manière anarchique. Le rythme des plantes va impacter le rythme des animaux : d’abord les insectes, puis les insectivores qui sont liés aux insectes pour leur survie. S’ils ont l’habitude de pondre à la même date, leurs œufs risquent d’éclore quand il n’y aura plus assez de nourriture. Les animaux à sang froid, dont la vie est dépendante des températures, sont aussi très sensibles à ce changement. Dans mon jardin, les crapauds ont vu leur date de reproduction avancer de douze jours en douze ans. Cela peut exposer davantage leurs œufs aux gelées tardives. Certaines espèces s’adaptent plus facilement au changement climatique. C’est le cas de celles qui migrent, comme les oiseaux ou les papillons qui vont monter vers le nord si le climat est trop chaud au sud. Mais les arbres, dont les semences se propagent de proche en proche, sont plus vulnérables.
P & S Peut-on prévoir ce qui va se passer demain ?
J-P. T. On ne sait pas trop quelles seront les conséquences. Toutefois, les modèles scientifiques montrent qu’on trouvera moins de hêtres en plaine et davantage en montagne d’ici la fin du XXIe siècle, car cet arbre aime bien les étés frais et humides. En revanche, on trouvera des chênes verts jusqu’en Normandie.