La farine de gaudes : parfumée et digeste !
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Blonde comme les blés, la farine de gaudes provient du maïs grillé. C'est un produit rustique bien connu dans l'est de la France, mais aussi au sein de l'industrie alimentaire qui l'utilise comme exhausteur de goût. Elle revient aujourd'hui dans les commerces bio comme une alliée pour une cuisine et une pâtisserie gourmandes, nourrissantes et digestes !
Quoi de plus curieux (et appétissant ?) qu’un gâteau tiède au parfum de pop-corn chaud ? C’est exactement ce que j’ai goûté lors d’un séjour chez un couple d’amis à Aix-les-Bains : un moelleux à la farine de gaudes ! Cette dernière désigne une farine de maïs grillé. Que dis-je ! « torréfié », me reprend Johanna. « Ce n’est pas très connu dans ta région, me confirme-t-elle, car c’est une farine de l’Est ». Après recherches, j’en trouve au « Moulin de Versailles » mais Élisa Chaudé, meunière avec son mari au sein de cette entreprise familiale, tient à être transparente : « Nous ne fabriquons pas la farine de gaudes que nous vendons. Nous en importons une petite quantité pour fournir certains restaurants et boulangeries. C’est un produit trop peu connu ! ».
Grains séchés et torréfiés
C’est donc dans l’est de la France que je retourne à la pêche aux informations, précisément dans le Jura. Avec le Val de Saône, la Bresse et l’Isère, cette région connaît la culture du maïs depuis le XVIIe siècle. Cette céréale y est venue remplacer les bleds de façon durable (le terme bleds – généralement au pluriel – désignait les cultures céréalières annuelles et les terres labourées qui les rapportaient). Et la farine de gaudes s’est imposée. Pour la fabriquer, les grains de maïs sont traditionnellement séchés et torréfiés dans des fours à bois, puis la mouture est réalisée à la meule de pierre. Jadis, les épis de maïs entiers étaient broyés ; une façon de ne rien perdre de la matière première. « Autrefois, cette farine était mélangée avec de l’eau et du lait chaud pour en faire une bouillie colorée au goût de noisette, très nourrissante. Elle constitua, pendant plusieurs siècles, la nourriture de base de notre région, avec le pain. Toutes les bouillies étaient appelées « gaudes », mais ce nom est aujourd’hui réservé à la farine de maïs torréfié », me raconte Lucie Taron, meunière au Moulin Taron à Chaussin (Jura), le dernier moulin de fabrication artisanale de farine de gaudes en France.
L’industrie agroalimentaire l’ajoute depuis bien longtemps à différentes préparations pour tirer parti de son goût. Elle s’est inspirée des boulangeries traditionnelles, dont certaines continuent de mettre en valeur la farine de gaudes dans...
leurs recettes. C’est le cas de Quentin Bourgeois, boulanger-biscuitier de père en fils. Son père, Patrick Bourgeois, désormais retraité de la boulangerie-biscuiterie Les Gaudélices à Taussiat (Ain), nous raconte les débuts de sa spécialisation en farine de gaudes : « J’ai commencé à travailler cette farine en remettant au goût du jour une vieille recette de biscuits. Mais ils s’émiettaient, ce qui les rendait invendables. Il a fallu trouver le bon dosage avec de la farine de froment pour réaliser ces biscuits, qui ont une jolie couleur beige et un goût caractéristique de noisette caramélisée, secs ou moelleux, sucrés ou salés. C’est le même principe pour la fabrication du pain à la farine de gaudes. »
Fécule et semoule
L’amidon (ou fécule) de maïs – aussi connu sous le nom de la marque Maïzena – est obtenu par broyage de la seule graine du maïs (débarrassée du germe interne). Elle est donc moins riche que la farine de gaudes, et surtout moins goûteuse puisqu’elle n’a pas subi de torréfaction. Employée en remplacement de la farine de blé dans certaines pâtisseries, mais aussi pour épaissir des sauces, elle a l’avantage de posséder un goût neutre. Quant à la polenta, elle désigne aujourd’hui de la semoule de maïs moulue plus ou moins grossièrement (autrefois, elle pouvait être fabriquée à partir d’autres céréales comme l’orge). Ses purées granuleuses et autres galettes épaisses grillées ou frites ont constitué la nourriture de base des régions les plus pauvres d’Italie jusqu’au milieu du XXe siècle. Généralement fade, la polenta existe aussi en version torréfiée, en France, au Moulin Taron qui en a fait sa spécialité.
Une part de gluten réduite
Cette farine possède l’avantage du maïs : elle ne contient pas de gluten. Cependant, comme elle a besoin d’être associée à un réseau glutineux pour l’obtention d’une texture qui se tient, les produits à la farine de gaudes contiennent quand même du gluten. Mais moins ! Car la part de farine classique remplacée par de la farine de gaudes réduit automatiquement la quantité de gluten de la recette. Enfin, Lucie Taron de détailler : « Comme nous faisons la mouture des grains de maïs (sans OGM) dans leur totalité, notre farine bénéficie des valeurs nutritionnelles de cette céréale : des matières grasses en quantité modérée, et très peu d’acides gras saturés, de sucre et de sel. C’est donc une farine qui tient au corps sans être délétère pour la santé ».
Découvrir la farine de gaudes fut donc, pour moi, comme plonger la tête la première dans la gueule ouverte d’un four à pain le matin. Et cuisiner avec cet ingrédient rare, c’est ajouter la touche diététique et originale qui manque souvent à nos préparations céréalières… Une belle coïncidence : gaudere signifie « se réjouir » en latin.
Recettes de mère Nature
- Entrée : Le potage de gaudes salé ou sucré du Moulin Taron
Délayer au fouet 60 cl d’eau chaude avec 80 g de farine de gaudes et 2 pincées de sel, jusqu’à homogénéisation du mélange. Mettre sur le feu et remuer de temps à autre pendant 2 heures (plus on cuit, plus la soupe épaissit !). En fin de cuisson, ajouter 10 cl de lait entier et 2 cl de crème entière. Saler ou sucrer selon les goûts et servir tiède.
- Plat : La panure à la farine de gaudes du Moulin Taron
Pour une panure très croustillante au fumet inégalé, remplacer la chapelure ou la farine de blé par de la farine de gaudes. Déposer les filets (poisson ou poulet) dans cette farine, puis dans un œuf battu et à nouveau dans la farine de gaudes (facultatif). Faire cuire dans une poêle bien chaude et huilée. En Bourgogne-Franche-Comté, ce sont les cuisses de grenouilles que l’on prépare ainsi.
- Dessert : Le moelleux ultra-simple de Johanna
Mélanger énergiquement 180 g de beurre avec 130 g de sucre blanc ou brun semi-complet. Incorporer 3 œufs en mélangeant bien après l’ajout de chaque œuf de manière à homogénéiser la pâte. Ajouter 100 g de farine T65 et la même quantité de farine de gaudes, puis 1 cuillerée à soupe de levure chimique, 2 pincées de sel et 60 g de lait d’amande (ou de vache). Mélanger à nouveau afin d’obtenir une texture lisse. Verser dans un moule beurré et fariné et enfourner à 160 °C. 45 minutes plus tard, c’est prêt !
- Goûter : Les crêpes à la mode bressane de Patrick Bourgeois
Ajouter 25 g de farine de gaudes à 325 g de farine de blé classique puis battre avec 10 œufs frais. Une fois la pâte bien lisse, incorporer 1,25 litre de lait au choix. Allonger avec un peu d’huile végétale et une pointe de sel. La pâte est prête ! Laisser reposer un minimum de 30 minutes avant de faire cuire vos crêpes dans une poêle bien chaude et graissée.
En règle générale
Quelle que soit votre préparation culinaire, remplacer 3 à 10 % de votre farine de blé classique par de la farine de gaudes.
Conservation
En période chaude (d’avril à septembre), elle se conserve au frais (frigo ou cave). Au-delà de 12 mois, elle perd de son goût.