Le rhassoul : une argile pour plus d'éclat !
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En arabe, rhassoul signifie « se laver ». Ce mot désigne aussi une argile d'origine marocaine, incontournable dans les rituels de beauté des femmes au Maghreb. Il est réputé pour favoriser un nettoyage en profondeur de la peau et des cheveux. Mais pour l'adopter, il ne suffit pas de l'essayer…
Le rhassoul ne fait pas partie de la culture française. Je l’ai découvert dans un hammam à Marrakech, au Maroc, il y a vingt ans. J’étais jeune, j’avais une peau fine et fragile et dans mon souvenir, on avait frotté mon corps avec cette boue argileuse. J’en étais ressortie écarlate… « La peau des Françaises n’a pas l’habitude de ce type de soin purifiant, m’explique Jeanne, responsable des soins à la Sultane de Saba, un institut de beauté parisien spécialisé dans les soins orientaux. Surtout que les femmes du Maghreb n’y vont pas de main morte quand il s’agit de gommage ! Si vous essayez le rhassoul aujourd’hui, je suis sûre que vous aurez un autre ressenti, car nous proposons ici, depuis 21 ans, des soins adaptés. »
Me voilà entre les mains expertes de Jeanne. Après être passée au hammam pour dilater les pores de ma peau, je lui confie mes bras rugueux pour commencer. Tout d’abord, elle les exfolie légèrement avec un gant typiquement marocain de kessa (en fibres de viscose). Ensuite, elle m’enveloppe d’une boue tiède, constituée d’un mélange de rhassoul, d’eau florale de géranium et de rose, et de beurre de karité fondu. L’odeur est irrésistible et l’application apaisante. Elle me laisse ainsi un petit quart d’heure, enroulée dans une grande serviette. Enfin, je peux me rincer à l’eau tiède et apprécier la douceur de ma peau.
Un puissant nettoyant
Comme toutes les argiles, le rhassoul est composé de silice (55 à 60 %), fer, calcium, sodium, zinc, phosphore et potassium, ainsi que de provitamines. Il compte parmi les argiles les plus riches en magnésium, avec un taux variant entre 22 et 25 % (proche de celui de l’argile montmorillonite). Son avantage ? Un taux d’oxyde d’aluminium proche de zéro, ce qui en fait une argile très pure. Sa particularité ? Il contient des saponines, des molécules émulsifiantes que l’on retrouve dans certains végétaux. « En plus de ses agents moussants, le rhassoul possède une qualité d’adsorption supérieure à celle des autres argiles, optimisant les échanges (ions, minéraux, sébum) avec la peau. Le rhassoul débarrasse celle-ci de ses impuretés et de son excès de sébum tout en la rechargeant en oligoéléments. En plus, il n’attaque pas le film lipidique et resserre les pores de la peau. Elle en...
ressort plus propre, douce et éclatante. Idem pour les cheveux gras ! », détaille Cécile Baudet, auteure de En forme grâce à l’argile (Terre vivante).
Si Jeanne m’a fait un gommage avant d’appliquer le rhassoul, c’était pour optimiser le contact entre celui-ci et la peau, et faciliter sa reminéralisation. « Vous avez pu constater qu’il pouvait convenir aux peaux sensibles et sèches ; il faut simplement l’utiliser en masque, et toujours en association avec un corps gras, qui pénètre et nourrit lui aussi la peau. Les seules contre-indications concernent finalement les peaux irritées ou lésées, et les cheveux très secs », développe Huy Cheng, esthéticienne et formatrice à la Sultane de Saba.
Et les hommes ?
Au Maghreb, les hommes vont aussi au hammam ! Traditionnellement, ils se font frotter le dos et le visage à la force de la pulpe des doigts, jusqu’à ce que leur peau pèle et se débarrasse des peaux mortes. L’utilisation du rhassoul et du savon noir est réservée à certaines cérémonies, avant un mariage par exemple, ou bien intégrée à des versions occidentalisées des rituels de beauté. En France, on peut effectivement se procurer des savons à barbe à base de rhassoul. À la maison, mon homme lui trouve tout de suite un intérêt : en savon solide, c’est bien plus pratique que le rhassoul en poudre…
Une source marocaine à préserver
Son unique source connue – les carrières Tamdafelt à Boulemane – se trouve en bordure du Moyen Atlas au Maroc, à 200 km au sud de Fès, dans une région volcanique. On date sa formation à l’ère jurassique, mais c’est au Moyen Âge que la carrière a commencé à être exploitée pour le commerce. Après avoir conquis l’Orient, le rhassoul est entré sur le marché occidental comme produit exotique. Récolté et séché, il est conditionné sous différentes formes : en poudre, en mottes (toba), en plaquettes (m’sick). Cécile Baudet nous précise que ces dernières formes – plus compactes – sont très intéressantes car moins le produit est volatil, plus il conserve ses propriétés… et plus son utilisation est facile, puisqu’un morceau de la taille d’un sucre peut absorber l’équivalent d’un petit verre d’eau et se transforme facilement en boue. Mais ses recherches sur le rhassoul la conduisent à nous avertir : « Le gisement de rhassoul n’est pas illimité. Il convient de ne l’utiliser que ponctuellement, car ni la peau ni les cheveux n’ont besoin d’une purification plus fréquente. Rappelons qu’autrefois les femmes n’allaient au hammam qu’une fois par semaine. »
Traditionnellement, le rhassoul est employé en savon pour le corps, en shampoing et en masque, plus rarement en cataplasme aux vertus cicatrisantes et en bain (quelques cuillerées dans une eau chaude) contre les petits eczémas. Toutes ces utilisations demandent cependant de prendre le temps d’expérimenter son application sur une petite partie du corps, d’observer, avant de l’associer à d’autres produits (eaux florales, huiles végétales, beurres…), et d’ajuster les doses si nécessaire. L’essayer, c’est avant tout l’adapter !
Rituels au rhassoul
Shampoing pour cheveux normaux à gras
Mélanger 2 c. à s. de rhassoul avec 1 c. à s. d’hydrolat de sauge et un peu d’eau tiède, de façon à obtenir une pâte assez consistante pour tenir sur les cheveux. Il faudra l’appliquer sur cheveux mouillés et essorés, sans insister sur les longueurs, puis faire mousser en massant à la racine et laisser reposer. Le rinçage (avant que la boue sèche) doit être abondant. Pour les cheveux normaux, il faut ajouter au mélange du gel de lin ou d’aloe vera. Et ne pas oublier de terminer par un masque hydratant !
Masque pour peaux grasses et acnéiques
Faire gonfler 2 c. à s. de rhassoul dans un bol d’eau minérale coupée avec un hydrolat de géranium (environ 2 c. à s.). Laisser reposer une vingtaine de minutes. Appliquer à la main sur le visage en insistant sur la zone T, et sur le corps en insistant sur les parties grasses (nuque, épaules…). Laisser reposer 15 minutes avant de rincer à l’eau claire. Terminer par l’application d’une crème visage ou corps adaptée à votre peau.
Masque adoucissant pour peaux normales
Préparer le rhassoul dans ½ bol d’eau minérale tiède additionnée d’un peu d’hydrolat de rose. Laisser gonfler 20 min, ajouter jusqu’à 6 c. à s. de beurre de karité fondu et tiède, en ajustant selon la sécheresse de votre peau. Appliquer à la main en massant et laisser agir sous une serviette tiède. Rincer abondamment au bout de 10 minutes. Terminer par l’application d’une huile végétale : amande douce ou argan pour le corps, abricot ou germe de blé pour le visage.
Pour toutes ces recettes, utilisez des contenants en verre ou en terre cuite, et des instruments en bois ou en silicone, car ce sont des matières stables qui n’interfèrent pas dans les échanges d’ions entre le rhassoul et l’environnement.
Attention à l’eau de rhassoul : Si l’eau de rhassoul est buvable, les études sur l’utilisation en interne portent surtout sur l’argile verte. Aussi, contre les désordres intestinaux (et la turista), choisissez plutôt une argile montmorillonite.
Conservation : Dans un récipient fermé, à sec et à l’abri de la lumière. Ne jamais réutiliser un rhassoul ayant déjà servi.
Précautions : En cas de contact avec les yeux, rincer pendant plusieurs minutes en écartant les paupières.