Un esprit et un corps zen avec le thé matcha
D'un vert flamboyant et d'un goût unique, le thé matcha ne peut être confondu avec un simple thé vert. En Occident, on le consomme avec gourmandise, en boisson lactée et en pâtisserie. Qu'en est-il des traditions ? Que nous apprennent-elles sur lui et sur nous ? De la Chine au Japon, le matcha est un produit d'exception qui se déguste pur et lentement…
À priori, j’aime le thé matcha mais j’en bois rarement ailleurs que dans un coffee-shop ou au restaurant. Son prix, encore plus élevé quand il est issu d’une filière bio car celle-ci est peu développée, m’a toujours dissuadée d’en acheter. Maki Maruyama, membre du Syndicat du thé et des plantes à infusion (Stepi) et directrice de la maison de thé japonais Jugetsudo, implantée depuis plus de 50 ans au Japon et 16 ans à Paris, nous en explique les raisons : « Le matcha provient d’une culture de thé vert qui demande plus de temps et de soins que les autres. Quant au service traditionnel (fouet en bambou, bol en grès…), assez onéreux aussi, il symbolise le savoir-faire ancestral. Certains artisans renommés fabriquent parfois cent bols pour n’en garder qu’un seul ! Mis à l’honneur lors des cérémonies du thé, il représente l’histoire et la philosophie du thé matcha… »
Lorsqu’on parle de thé vert, et notamment de thé matcha, on pense inévitablement au Japon. Mais l’origine de ce dernier, comme celle du théier (Camellia sinensis), est attribuée à la Chine et à la dynastie des Zhou (1046-256 av. J.-C.). S’il n’est pas directement mentionné dans l’ouvrage de référence datant du VIIIe siècle Cha Jing (Le Classique du thé, Lu Yu), il y est question d’une préparation à base de thé en poudre que le célèbre poète Lu Tong évoque également dans ses écrits. Sous la dynastie Song (960-1279), ce thé en poudre entre dans des cercles de l’élite intellectuelle et monastique et les moines l’emportent avec eux au Japon, où ils développent sa culture et son art, et lui donnent le nom de « matcha », une association de matsu (« broyer ») et de cha (« thé »). Alors utilisé pour favoriser la concentration, le matcha intègre les rituels de méditation mais n’est accessible qu’à des cercles religieux et fortunés. Ce thé vert résulte d’un procédé spécial qui en explique la rareté et le prix. Les théiers sont couverts avec de la paille ou des tissus noirs afin de les protéger de la lumière directe durant une vingtaine de jours avant la récolte de leurs feuilles, qui sont transportées rapidement pour cuisson à la vapeur afin d’éviter leur oxydation. Les feuilles sont ensuite séchées et broyées...
, traditionnellement à la meule de pierre et dans de grosses meuleuses aujourd’hui. La finesse du grain de cette poudre et la vivacité de sa couleur verte en résultent. « Mais c’est surtout son goût “umami” qui détermine sa qualité, souligne Maki. Décrit par le chercheur japonais Kikunae Ikeda, il doit être savoureux et rassasiant. Les Occidentaux, qui ne possèdent pas le terme “umami”, décrivent le matcha comme amer et iodé, et redoublent de créativité pour se familiariser avec en y ajoutant du sucre, du lait… Consommé ainsi, il s’éloigne toutefois de la philosophie véhiculée par cette boisson et par les cérémonies du thé. »
Matcha versus café noir
Le matcha contient de la caféine en quantité légèrement variable selon la qualité du produit, mais globalement équivalente à celle du café. Concrètement, un bol de thé matcha (avec 2 c. à café de matcha) apporte autant de caféine à l’organisme qu’un expresso (« caféine » et « théine » étant deux mots différents pour décrire la même molécule). Cependant, la libération de la caféine dans le corps avec le matcha est plus progressive qu’avec le café, grâce à l’effet modérateur de la L-théanine. Ressenti : autant de concentration, moins de nervosité, plus de zen !
Stimulant et apaisant à la fois
Maki me tend un carré de chocolat à croquer avant de me proposer de goûter le thé matcha, qu’elle m’a préparé dans les règles de l’art : « Au Japon, le sucré peut être associé au thé matcha, mais seulement comme un “à-côté”. On le compare souvent à un bon expresso ! Il a aussi un effet stimulant mais à la différence du café, ce n’est pas une infusion. Avec le matcha, on bénéficie de l’entièreté des feuilles de thé broyées qui contiennent beaucoup d’acides aminés et d’antioxydants. » Outre sa teneur en acide glutamate, impliqué dans le bon fonctionnement des fonctions cérébrales, le matcha contient de la L-théanine, un acide aminé contribuant à la fois à stimuler l’intellect et à le canaliser. En outre, il possède des catéchines et de la chlorophylle, des alliés contre le stress oxydatif et les inflammations. S’il arrive que certains Japonais se gargarisent avec du thé vert pour lutter contre des inflammations de la gorge, ils n’utilisent pas pour cela le matcha, car celui-ci est trop précieux.
Maki me guide pour poser le bol de matcha sur la paume de ma main gauche et l’enrouler de ma main droite avant de le porter à mes lèvres. L’idée de lâcher le bol me rend nerveuse. Chaque geste compte. « Prendre soin d’un matériel précieux invite à se concentrer et à se connecter au moment présent, qui permet ensuite de mieux apprécier le produit et son effet stimulant. C’est une voie d’apprentissage qu’on enseigne à l’école dès l’adolescence. Au Japon, on ne s’offre la cérémonie du thé matcha qu’occasionnellement, pour célébrer un événement, un changement de saison… ». En Occident, où le matcha s’est installé dans le secteur de la grande consommation, le préparer et le boire en conscience et avec modération rendrait ce produit meilleur pour nous et pour la planète.
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S’approprier avec simplicité la tradition du thé matcha
Cette préparation est tout à fait réalisable sans le matériel traditionnel : il vous faudra principalement un bol de taille moyenne (en terre cuite, faïence, porcelaine) et un petit fouet. Choisissez une poudre de matcha en magasin bio ou spécialisé.
Verser 2 c. à café rases de poudre de matcha dans le fond d’un bol. Ajouter 60 ml d’eau bouillie puis légèrement refroidie, en fouettant vigoureusement pour éviter les grumeaux. Continuer environ 15 secondes avec un mouvement de la main ondulant, jusqu’à l’apparition d’une mousse onctueuse à la surface de la boisson. Déguster lentement, en tenant le bol à deux mains. Bien qu’il n’y ait pas de contre-indication au thé matcha, la coutume veut qu’on n’en consomme pas plus de trois bols par jour.
Conservation : Vous pouvez laisser le thé matcha dans son sachet d’origine, dans une boîte métallique hermétique. Il peut être conservé ainsi 6 mois. Lorsque sa couleur pâlit, il faut le boire rapidement.
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Préparer un thé matcha comme indiqué ci-dessus et en mettre 28 g de côté. Parallèlement, faire chauffer au bain-marie 3 g d’Olivem 1000 (une cire émulsifiante végétale), 9 g d’huile végétale (HV) de jojoba et 5 g d’HV de chanvre. Retirer du feu et réchauffer ensuite quelques minutes le thé matcha mélangé avec 5 g de gel d’aloe vera. Hors du feu, verser lentement cette préparation dans la première (encore chaude), sans cesser de remuer pour que l’émulsion prenne (texture mayonnaise) : si ce n’est pas le cas, vous pouvez remettre le tout quelques minutes au bain-marie et fouetter. Laisser refroidir un peu avant de compléter le mélange avec 6 gouttes de Cosgard (conservateur), 3 gouttes d’HE de camomille noble, 3 gouttes de basilic à linalol et 2 gouttes de romarin à cinéole. Verser dans un pot de 50 g stérilisé à l’alcool à 70° dénaturé et laisser refroidir avant de mettre le couvercle. À tester sur un bras avant de l’appliquer sur le visage matin et soir.