L’épeautre, une céréale à redécouvrir
Les blés vêtus, communément appelés épeautre, sont sources d’énergie, de lipides, de minéraux, mais aussi de protéines et d’acides aminés. Leur très grande richesse en font un aliment de choix, surtout pour les personnes anxieuses.
Un vent de mode souffle sur les céréales. On trouve aujourd’hui du sarrasin et du quinoa, de l’avoine et du millet… Et surtout de l’épeautre. On compte plus d’une quinzaine d’espèces de céréales proches parentes du blé commun. Communément, les blés vêtus sont appelés “épeautre”, le terme englobant trois espèces : le petit épeautre ou engrain (Triticummonococcum), l’épeautre de Tartarie ou amidonnier (Triticumdicoccum) et le grand épeautre (Triticumspelta). Or toutes ces espèces n’ont pas la même valeur alimentaire.
À chaque variété, son utilité
Selon certains, l’engrain ou “petit épeautre” dérive, par sélection progressive, de l’espèce sauvage de blé, dont le site naturel se situe au Moyen-Orient. De là, via la Turquie, l’engrain apparaît en Europe au Néolithique. C’est à cette période qu’il surgit en Provence.
Cultivé pratiquement en continuité depuis l’Antiquité, il fait véritablement partie du patrimoine céréalier de la Haute Provence où il a survécu. De cette origine rustique, l’engrain, comme on le nomme à l’époque, a conservé une caractéristique essentielle : sa grande robustesse, surtout quand il est cultivé dans des zones montagneuses sèches à climat rude.
C’est l’espèce dont on parle le plus souvent quand on utilise le terme “épeautre”. Cette espèce a été développée par l’homme et n’existe pas à l’état sauvage. Il semble que, selon certains auteurs, ces grains conviennent particulièrement bien à l’alimentation des volailles en satisfaisant leur appétit plus rapidement.
L’épeautre de Tartarie, ou amidonnier, est différent. C’est une céréale adaptée à un climat semi-aride comme celui des prairies de l’ouest canadien et américain. Sa principale qualité est la résistance à la sécheresse. Il est utilisé en remplacement de l’avoine pour l’alimentation animale.
Grand vainqueur : le petit épeautre !
Aujourd’hui “le petit épeautre” fait partie du patrimoine alimentaire culturel de Haute Provence où il figure autant à la table des paysans que dans les menus gastronomiques. Cette ambivalence vient du fait que, sous un goût agréable, cette céréale a un haut rendement énergétique. Les Anciens avaient déjà constaté cette valeur puisqu’ils la considéraient comme une céréale chaude ou tempérée, alors que les autres céréales, hormis le froment et l’avoine, étaient des céréales froides.
Cette valeur énergétique est due à une alchimie végétale particulière. Comme beaucoup d’autres, le petit épeautre est riche en glucides : 75 % pour 100 g (blé, 67 %). Cette richesse vient du fait que la plante est adaptée aux terrains secs, pauvres, pierreux. Elle compense sa difficile croissance par une accumulation d’éléments de construction, de réserve et d’énergie. Or, à eux seuls, les glucides représentent la moitié de nos ressources énergétiques alimentaires, notre “carburant”. Les grains de petit épeautre ont ainsi une bonne valeur calorique, supérieure à toutes les autres céréales.
De l’énergie, des lipides et des minéraux
Sa teneur en lipides, deux fois celle du blé, participe pour environ 10 % à l’apport journalier, ce qui n’est pas négligeable.
Sa composition en éléments minéraux est aussi intéressante et bien équilibrée. Ainsi, 100 g de petit épeautre contiennent 4 fois plus de magnésium que son équivalent en riz brun et cinq fois plus que 100 g de steak. De plus, l’absorption du magnésium est favorisée par la présence de protéines végétales. Le petit épeautre, toujours pour 100 g, apporte le quart de la ration journalière conseillée en calcium, l’équivalent de deux verres de lait.
Pour le phosphore, ce n’est pas mal non plus : sa teneur est de plus ou moins 50 % supérieure à celle du blé et représente cinq fois celle du soja. Or, le phosphore favorise la fixation du calcium ! 100 g de petit épeautre couvrent la moitié du besoin journalier en phosphore. Côté zinc, il en contient six fois plus que le riz brun et 30 % de plus que le blé. Ce n’est pas étonnant que les consommateurs de petit épeautre disent en sortant de table : “Ça tient bien au corps” !
Des protéines et des acides aminés
Avec ses 12 % de protides, 100 g de petit épeautre apportent à l’organisme sa ration quotidienne de protéines, équivalente à deux œufs. Enfin, et ce n’est pas le moins important, ces protéines contiennent les huit acides aminés essentiels. Les acides aminés sont les constituants des protéines. Il en existe 22, dont 8 sont dits essentiels car l’organisme ne sait pas les synthétiser lui-même. En règle générale, les protéines d’origine végétale ne contiennent pas ces 8 acides aminés essentiels. Il leur manque notamment de la lysine, raison pour laquelle on les associe à des légumineuses, qui en contiennent beaucoup, dans l’alimentation traditionnelle : riz et lentilles en Inde, blé et pois chiches dans le couscous…
Le petit épeautre se distingue, car il contient de la lysine. Sa teneur en lysine est le double de son équivalent en graines de sésames. Il est également assez riche en proline. Cet acide aminé est un “antigel” végétal. Métabolisé par l’homme, il se transforme en hydroxyproline, un “anti-gel” de la cellule humaine. On comprend dès lors pourquoi les Anciens considéraient le petit épeautre comme une céréale chaude.
Une céréale contre l’anxiété
Cette céréale rustique contient également de l’acide g-amino-buty-rique ou GABA. Ce composant provoque une diminution de l’activité neuronale. C’est le principal neuromédiateur inhibiteur cérébral, il régule les autres systèmes de transmission nerveuse. Il joue un rôle prépondérant dans la prévention de l’anxiété.
Si on ajoute à ce tableau, déjà élogieux, sa parfaite digestibilité, on conçoit que le petit épeautre ait été une céréale maîtresse dans l’alimentation du monde antique. Aujourd’hui, ces qualités suscitent à nouveau un grand intérêt...