Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

La sobre richesse de l'orge

les bienfaits de l'orge

L’orge fut l’une des premières céréales à être domestiquée. Elle fut cultivée tant dans le Croissant fertile que sur les bords du Nil. Sa culture gagna ensuite le nord de l’Europe puis l’Asie orientale. Il atteignit ainsi la Carélie (Finlande orientale) en 4200 av. J.-C., puis la Corée à la fin du deuxième millénaire avant J.-C. Traditionnellement, on consomme l’orge en grains de deux façons, soit perlé, soit mondé. L’orge mondé est celui dont la première enveloppe extérieure a été retirée, mais qui conserve le son et le germe. L’orge perlé a quant à lui subi plusieurs abrasions qui lui donnent l’apparence d’une perle. Il n’a plus le germe.

S’il est évident que le vin se produit à partir du raisin, les réponses, lorsque j’ai demandé autour de moi avec quoi était faite la bière, étaient plus évasives : du malt ? Du houblon ? De l’orge ?

Il se trouve que la bière, premier alcool jamais consommé, est principalement composée d’orge (qu’on laisse germer pour faire du malt), et d’un peu de houblon. Et bien qu’il soit toujours recommandé de boire avec modération, l’orge est bon pour la santé.

Allons donc à la rencontre de cette plante qui fait chanter et bavarder dans tous les débits de boisson de la terre.

Nourrissant depuis la nuit des temps

Pour le lauréat du prix Pulitzer Jared Diamond, la domestication de l’orge depuis 13 000 ans aurait contribué à la supériorité démographique et technique des civilisations qui l’auraient employée.

Considérée comme la première boisson alcoolique, la bière était déjà fabriquée par la mère de toutes les civilisations, Sumer. Les Sumériens la préparaient en faisant fermenter du pain d'orge dans de l'eau. Ils conçurent une dizaine de types de bière et commencèrent à l’exporter chez leurs voisins, dont les Égyptiens. Peu alcoolisées, certaines de ces bières tenaient lieu d'aliment, notamment auprès des populations pauvres, qui pouvaient se les procurer à un prix modique.

En effet, chez les Babyloniens, successeurs des Sumériens en Mésopotamie, la bière était épaissie avec de la farine, puis mise à fermenter une seconde fois. On buvait cette mixture ou on la faisait cuire, comme un pain ou un gâteau. De plus, on consommait le résidu de malt provenant de la première fermentation.

Même chose au Moyen Âge : on ne filtrait pas la bière, qui était fabriquée avec des légumineuses, de l'orge et d'autres céréales – les affamés pouvaient trouver dans leur chope de quoi calmer leur faim. Rétrospectivement, on a pu se demander si l’agriculture n’a pas été inventée juste pour fabriquer ce breuvage alors miraculeux… Au point que l’orge fut une des premières monnaies employées.

L’orge est devenue une nourriture de base de la cuisine tibétaine dès le Ve siècle avant J.-C. ce qui a permis à cette civilisation de connaître son essor et de se défendre. Elle est encore aujourd’hui consommée au Tibet : la farine d’orge, nommée tsampa, est grillée et mélangée à du beurre pour former une pâte que l’on mange en boulettes.

À la fin de l’antiquité, Pline l’Ancien remarqua le caractère particulièrement nourrissant de l’orge, soulignant que les gladiateurs étaient nommés initialement hordearii, c’est-à-dire mangeurs d’orge. Toutefois, à son époque, l’orge avait déjà été remplacée par le blé dans leur nourriture.

Les Romains attribuaient une fonction religieuse au farro, qui a donné en français le terme de farine, et en breton celui de far. Si cette plante a été identifiée comme l’amidonnier, les Romains considéraient que l’orge en était l’équivalent et qu’elle pouvait le remplacer dans tous les cas.

Les vestales, des prêtresses vierges, étaient ainsi chargées de récolter, de griller et de piler les épis durant certains jours précis, puis d’ajouter à la farine une saumure faite à partir de sel brut pilé au mortier, cuit au four puis dissout dans de l’eau puisée à une source permanente.

Le mélange formait une farine rituelle, nommée mola salsa, que l’on répandait sur la tête des animaux voués au sacrifice. Aussi le terme « immoler » signifiait-il originellement « badigeonner de mola ».

Au Moyen Âge, il était considéré comme plus sain de boire de la bière – qui se trouvait stérilisée par le processus de cuisson et de fermentation – que de l'eau, celle-ci n’étant que rarement propre à la consommation. Une légende du XVe siècle, celle deSaint Arnoul, l’illustre.

Ce bénédictin flamand, évêque de Soissons, devenu plus tard le saint patron des brasseurs, constata lors d'une épidémie de choléra que les buveurs de bière souffraient moins de coliques que les buveurs d'eau. Pour convertir ses ouailles à la bière, il en brassa une cuve sous leurs yeux en utilisant sa crosse pour remuer le liquide doré, puis bénit la cuve. Selon la légende, ils acceptèrent d'en boire et échappèrent tous au trépas...

Toutefois, dès le Moyen Âge européen, le pain fabriqué à partir d’orge et de seigle (le pain noir), fut considéré comme une nourriture paysanne, tandis que le pain fabriqué à partir du blé était consommé par les classes plus aisées. C’est à partir du XIXe siècle que l’orge recula au profit de la pomme de terre dans l’alimentation européenne.

Mille façons d’en consommer

L’orge mondé est le plus nutritif, tandis que l’orge perlé sert à moudre des farines ; on l’utilise également dans les salades composées ou dans les potages.

Les Grecs anciens en fabriquaient une galette, qu’ils appelaient maza, et qui n’est pas sans rappeler le pain de Pâques de leurs voisins hébreux, la matza. En Afrique du nord, on fabrique encore de la semoule d’orge.

La confiserie nommée « sucre d’orge » porte ce nom parce que sa recette traditionnelle consistait à mélanger du sucre avec de la tisane d’orge. Aujourd’hui, même si le nom est demeuré, l’orge n’entre plus de manière courante dans sa fabrication.

Outre la bière et le whisky, il existe encore plusieurs autres aliments et boissons à base d’orge, parmi lesquels le lait malté, dont Robert Johnson, génie du blues, tira une chanson, et qui consiste dans un gruau en poudre fabriqué à partir d’orge malté, de farine de blé et de lait entier, le tout lyophilisé. Il servait de complément alimentaire courant dans les États-Unis du début du XXe siècle.

Le vin d’orge existe quant à lui depuis la Grèce antique, mentionné par Xénophon et Polybe. Mais peut-être avez-vous entendu parler du café d’orge ou caffè d’orzo ? Il s’agit d’un substitut au café que l’on fait boire aux enfants en Italie parce qu’il ne contient pas de caféine, et que l’on buvait aussi en France sous l’occupation, faute de café. On le retrouve au Japon sous le nom de mugicha, et en Corée sous celui deboricha.

Un homme bien nourri en vaut deux

Le terme « orge » est apparu dans la langue française écrite au XIIe siècle. C'est une adaptation ancienne du nom latin de la plante, hordeumLorsqu’on se réfère à la plante, l’orge est au féminin, mais lorsqu’on se réfère au grain, il est masculin.

La consommation de grains d’orge entiers serait reliée à un risque moindre de maladies cardiovasculaires et de diabète, de certains cancers et d’obésité.

Ces vertus seraient la conséquence de la « synergie » entre les nombreux composants des produits céréaliers à grains entiers, tels que les fibres, les antioxydants, les vitamines et les minéraux.

Comme ces éléments sont principalement situés dans le son et le germe, il vaut mieux, pour profiter de ses vertus nutritives, manger l’orge mondé que l’orge perlé.

L’orge contient des antioxydants, la vitamine E et des flavanols.

Ces derniers réduisent les dommages causés par les radicaux libres, des molécules impliquées dans l’apparition des maladies cardiovasculaires, de certains cancers et d’autres maladies liées au vieillissement. Des études scientifiques tendent à montrer l’effet positif de l’orge dans la prévention de ces maladies.

Plusieurs recherches ont attribué aux fibres de l’orge un effet bénéfique sur latolérance au glucose chez des personnes en santé, des personnes en surpoids, ainsi que chez des diabétiques de type 2.

Ces études ont en effet démontré que la consommation de différents produits à base d’orge (grains, farine, flocons) atténuait l’augmentation des concentrations sanguines de glucose et d’insuline après un repas.

Lorsque nous allons faire nos courses, où que nous nous rendons à la boulangerie, tout ce qu’on nous propose, c’est du pain fabriqué avec du blé – souvent un blé très pauvre en minéraux d’ailleurs, contrairement à celui de nos ancêtres. De même lorsque nous mangeons des pâtes.

La farine de blé augmente la glycémie, ce qui peut conduire à une intolérance au glucose, puis celle-ci peut ensuite évoluer vers un diabète de type 2. La consommation de l’orge, qui favorise une bonne tolérance au glucose, n’est pas à négliger.

Pour ce qui est des autres apports nutritionnels, l’orge, s’il est faible en protéines, est riche en minéraux.

60 grammes d’orge contiennent 60% des AJR (apports journaliers recommandés) en manganèse, 60% en molybdène, 42% en sélénium et en fibres, 34% en cuivre, 34% en vitamine B1, 23% en phosphore, 23% en chrome, 20 % en magnésium, et 18% en vitamine B3.

Prêts pour une cure d’orge ? 

L’orge était si estimée des médecins de l’Antiquité que le père de la médecine, le grand Hippocrate, lui consacra tout un livre. Il la prescrivait dans le début de toutes les maladies aiguës sous forme de ptisane légère ou encore de krithôdès, qui était une décoction plus épaisse.

La ptisane était faite à partir d’orge mondé, macéré cru dans l’eau puis frotté en main jusqu’à ce qu’il n’ait plus d’écorce extérieure, ou pilé dans un mortier. Ensuite, les Grecs faisaient réduire cette mixture jusqu’à obtenir un suc, jus ou lait, qu’ils prenaient pour lutter contre les fièvres aiguës et pour nourrir les malades.

Galien, l’autre grand médecin de l’Antiquité, fut aussi un partisan fervent de la ptisane, comme le Byzantin Paul d’Egine, qui la compléta en y ajoutant divers légumes.

Durant l’ère moderne, on attribua à l’orge des vertus adoucissantes et émollientes en même temps que pectorales et calmantes. Sa décoction était réputée pour « concilier le sommeil » et sa farine pour faire des cataplasmes maturatifs. Déjà, à cette époque, on différenciait l’orge mondé de l’orge perlé.

Tous les illustres médecins des XVIIe et XVIIIe siècles, Van Swieten, Sydenham, de Haen, Stoll, ont recommandé l’orge dans les maladies inflammatoires, les maladies de foie, la dysenterie, la cystite ou encore les débuts de rhume.

On la considérait comme un excellent reconstituant et, associé au lait, l’eau d’orge étaitla boisson des tuberculeux. La fameuse « tisane de Tissot », remède contre « l’inflammation de poitrine » n’était rien d’autre qu’une décoction d’orge, parfumée au jus de citron ou à la gelée de groseille.

Plus près de nous, l’abbé Kneipp recommanda l’eau d’orge chez les anémiques, les fiévreux et les dyspeptiques.

De nos jours, on a distingué avec précision les propriétés de l’orge selon ses divers stades de germination. L’orge est encore réputée pour être nourrissanterafraîchissante,émolliente et diurétique, ce qui veut dire qu’elle facilite l’évacuation de l’urine et des selles.

Le malt, c’est-à-dire l’orge germée et séchée, telle que l’emploient les brasseurs, est antiscorbutiquetonique et revitalisant. Recommandé aux dyspeptiques, il facilite aussi la digestion des bouillies ordinaires des nourrissons et des malades. On le préconise contre le rhume et les affections catarrhales simples.

Les touraillons, les petits germes détachés du malt et éliminés par la brasserie, sont réputés contre la diarrhée. Ils contiennent un principe antiseptique, isolé en 1906 par Léger pour son action spécifique contre le choléra.

La drèche, qui est le résidu du malt épuisé par l’eau, est prônée contre les rhumatismes et les douleurs névralgiques. Quant à la levure de bière, elle mérite bien plus que quelques lignes… Je vous la réserve pour une prochaine fois.

En usage externe, l’eau d’orge s’emploie encore à la campagne pour laver les ulcères, et la farine sert à confectionner des cataplasmes pour mûrir les furoncles et soulager les œdèmes, les rhumatismes et les lumbagos.

L’orge entre ainsi dans la composition de nombreux complément alimentaires, mais pour ma part je préfère le prendre pur, sous la forme d’extrait d’orge vert. C’est excellent aussi bien pour ses nombreuses substances nutritives que pour  éliminer les toxines et réguler les problème de transit. Un véritable purifiant naturel ! Vous trouverez celui des laboratoires SFB à bon prix (voir le carnet d'adresse).

Pour les Hippocrates amateurs

Il est relativement simple de se confectionner de l’eau d’orge. 20g d’orge mondé par litre d’eau suffisent, selon la recette préconisée par Galien. Il suffit de faire macérer deux heures l’orge à l’eau froide, puis de porter doucement à ébullition et de laisser bouillonner à petit feu. Avec l’orge perlé, moins nutritif, mais aussi moins dur, il faut utiliser 30 à 50 grammes par litre d’eau.

L’infusion de malt facilite grandement la digestion des repas à base de féculents, à raison d’une tasse après chaque repas. À cette fin, comptez une cuillerée à soupe de malt par tasse d’eau chaude non bouillante. Laissez infuser 10 minutes au bain-marie, puis passez et sucrez.

Enfin, vous pourrez toujours vous fabriquer des cataplasmes à l’orge. Il suffit d’appliquer de la farine d’orge en bouillie, épaissie au feu, ou encore d’utiliser de l’orge mondé ou perlé très cuit.

Aussi, quand tout le monde ne jure que par le blé, ne serions-nous pas plutôt avisés de nous rabattre sur l’orge ?

 

Carnet d’adresse:

Extrait d’orge vert

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