L'intoxication alimentaire, ça peut s'éviter
Nausées, diarrhées, vomissements dans les heures qui suivent le repas ? Vous êtes peut-être victime d'une intoxication alimentaire. Le plus souvent sans conséquences graves, elle peut parfois être dramatique, notamment chez les plus fragiles. Comment l'éviter ? On vous explique tout.
De toxi-infections alimentaires collectives (Tiac) en rappels de produits suspects, ces derniers mois ont été émaillés d'affaires qui nous rappellent que ce que nous mangeons peut parfois nous rendre malades. « Si elles sont médiatisées, ces affaires restent exceptionnelles, note le Pr Laurent Beaugerie, hépato-gastro-entérologue, car les contrôles sont nombreux. » La majorité des intoxications alimentaires sont plutôt dues à des erreurs de la part des consommateurs.
Les salmonelles, listéria, Escherichia coli ou Campylobacter – les agents pathogènes les plus fréquemment incriminés – se trouvent « naturellement » dans les produits alimentaires bruts du quotidien (coquille des œufs, peau des fruits et légumes…) et/ou prolifèrent parce que nos aliments sont mal conservés, cuisinés ou que nous consommons des aliments avariés. Avec une mention spéciale pour les produits laitiers non pasteurisés (fromages au lait cru et lait cru notamment), qui représentent les principales sources d'intoxication alimentaire en France et sont de fait déconseillés (sauf parfaitement cuits) aux femmes enceintes, aux enfants et aux personnes âgées ou immunodéprimées.
Farine, pas si blanche
La farine peut être contaminée directement depuis le champ de culture des céréales ou dans les endroits de stockage. Une étude parue en 2017 dans le New England Journal of Medicine rappelle ainsi qu'une vague d'intoxication alimentaire avait été déclenchée en Angleterre par la consommation de pâte à cookie non cuite. « C'est aussi dans la farine de pizzas que, début 2023, la bactérie Escherichia coli, hautement contaminante et particulièrement délétère, s'est développée, constate le Pr Beaugerie. Il ne faut jamais consommer de la préparation pour gâteau ou de la pâte crue ou insuffisamment cuite. »
DLC, une information capitale ?
La DLC (date limite de consommation) s'applique pour les aliments que l'on stocke impérativement au réfrigérateur. La mention « À consommer jusqu'au… » doit impérativement être respectée. Seule exception ? Les yaourts (pas les desserts lactés, vérifiez bien les...
mentions), qui peuvent être consommés jusqu'à trois semaines après la DLC sans risque d'intoxication alimentaire (sauf aspect ou odeur suspecte) car les ferments limitent le développement des germes pathogènes. La DMM (date de durabilité minimale) permet d'être moins strict sur le calendrier. Ces produits estampillés « À consommer de préférence avant… » ne présentent en effet pas de risque si on les consomme après la date mentionnée.
Attention toutefois, la sécurité alimentaire n'est plus garantie une fois le produit ouvert (ou décongelé), et les bactéries peuvent s'y développer. Outre les bons gestes d'hygiène dans la cuisine (mains lavées avant de cuisiner et de manger, réfrigérateur régulièrement nettoyé, etc.), il est recommandé d'utiliser immédiatement les aliments décongelés et de consommer dans les trois à cinq jours tous les produits périssables entamés (plats traiteur, mayonnaise fraîche – la version industrielle étant pasteurisée, elle peut se conserver trois à quatre semaines), mais aussi les préparations maison. Il faudra veiller à ce que les restes soient emballés hermétiquement et séparément (ne jamais stocker du cru et du cuit ensemble), entreposés à 4 °C maximum.
Enfin, un plat qui traîne sur le plan de travail est un lieu de vie idéal pour les pathogènes. La bonne pratique ? Ne jamais dépasser les deux heures avant de remettre au frais tout ce que l'on a cuisiné, y compris les aliments à première vue inoffensifs ! « Un reste de riz, de semoule ou de pâtes qui traînent sur le comptoir peut être aussi dangereux qu'une préparation à base d'œufs crus ! », précise notre expert.
Fruits et légumes : il faut les rincer !
Les fruits et légumes seraient responsables de 46 % des intoxications alimentaires. Pour ne pas prendre de risque quand on les consomme crus, la solution est simple : un lavage soigné.
- On rince à grande eau avant même d'éplucher.
- On frotte avec ses mains pour débarrasser les surfaces des résidus de terre.
- On fait tremper dans une eau vinaigrée (1 dose de vinaigre pour 19 doses d'eau) tous les légumes à feuilles et les fruits et légumes consommés sans être épluchés.
Attention également aux graines germées. Il faut impérativement désinfecter le germoir, se laver les mains avant et après manipulation et bien les rincer avant consommation.
La cuisson, un rempart de choc
Bonne nouvelle : les bactéries ne supportent pas la chaleur. « En cuisant nos aliments à 100 °C, nous pouvons tuer toutes les bactéries pathogènes, sauf les formes les plus résistantes du bacille du botulisme », explique le Pr Beaugerie. Le plus efficace est donc de cuire les aliments à cœur ou de favoriser les préparations au four. Cela vaut aussi pour le réchauffage des plats : on remet donc sur le feu sauces, soupes, currys et autres préparations contenant du liquide, au moins jusqu'aux premiers bouillons, en remuant pour que la température soit homogène, et les gratins ou blanquettes de légumes se font à nouveau dorer au four (minimum 10 minutes à 180 °C). Vous utilisez un micro-ondes ? Adoptez un réchauffage en deux temps et remuez entre les deux.
Reste le problème des formes résistantes du botulisme (bactérie Clostridium botulinum), qui « ne peuvent être détruites qu'à 110-120 °C, et prolifèrent dans un milieu sans oxygène, comme les conserves ou produits sous vide », indique le Pr Beaugerie. Si les conserves industrielles (chauffées à très haute température) ne posent pas problème, et que l'on ne prend pas de risque avec les confitures maison (il suffit d'ébouillanter les pots) car les fruits sont acides – un pH inférieur à 4,6 empêche la prolifération de la toxine botulique –, il est conseillé d'utiliser un autoclave ou un stérilisateur pour les bocaux de légumes maison.
Dans tous les cas, on se sert d'ustensiles et pots parfaitement propres, de caoutchoucs neufs et d'aliments non abîmés et correctement lavés. Et à la moindre odeur suspecte à l'ouverture, mieux vaut jeter. D'ailleurs, cette précaution de bon sens vaut pour l'ensemble des aliments : des moisissures, une altération de l'aspect (changement de couleur par exemple), une odeur désagréable ou tout autre signe qui vous semble suspect doivent vous alerter ! De la même façon, les contenants doivent être sans défaut : un bocal fissuré, une conserve gonflée, l'opercule d'un yaourt bombé, des traces de rouille, un emballage qui n'est plus étanche n'assurent plus la sécurité des aliments.
À lire
Manger sans s'empoisonner, par Margaux de Frouville et Laurent Beaugerie, Flammarion.