Dépression et alimentation, les liens se resserrent
De nombreux travaux scientifiques l'affirment : trop d'aliments ultra-transformés nuisent à notre santé mentale. Mais des études montrent aussi qu'une bonne hygiène alimentaire réduit les risques de dépression. Voici les conseils de spécialistes pour corriger le tir et ainsi améliorer notre humeur.
Alors que la santé mentale vient d’être érigée « grande cause » de l’année 2025, force est de constater qu’elle n’est pas au mieux de sa forme. Selon une étude d’Axa Prévention réalisée en avril 2024, 36 % des Français se disent en détresse psychologique, un chiffre qui atteint même les 56 % dans la tranche d’âge des moins de 25 ans. Il est estimé que 15 à 18 % d’entre nous connaîtront au moins un épisode dépressif dans leur vie. Les dysfonctionnements du système nerveux central sont généralement incriminés, avec des anomalies dans la sécrétion des neurotransmetteurs et des perturbations de l’axe entre l’hypothalamus, l’hypophyse et les glandes surrénales qui gère la réponse au stress. Mais de nouveaux travaux amènent à élargir cette vision. Et concluent que non, tout n’est pas que « dans la tête », mais peut-être aussi dans notre assiette…
« Des études montrent que la consommation excessive d’aliments de pauvre qualité nutritionnelle – tels que les boissons sucrées, les aliments frits riches en graisses animales et en sel – favorise l’inflammation, y compris cérébrale », notait lors d’une récente journée d’étude le Pr Marion Leboyer, psychiatre et présidente de FondaMental, fondation scientifique de soin et de recherche dédiée aux maladies mentales. Cela affecte directement la santé mentale. « Près de 40 % des patients déprimés présentent une inflammation chronique de faible intensité, avec des marqueurs inflammatoires élevés dans le cerveau, le sang et le système digestif », constate-t-elle. Le rôle de la dysbiose (perturbation du microbiote intestinal) et de la perméabilité intestinale, favorisée notamment par la malbouffe, est également pointé du doigt. Une coexistence entre dépression et trouble fonctionnel intestinal est ainsi établie dans 30 % des cas. Le lien avec le syndrome métabolique (obésité, résistance à l’insuline, hypercholestérolémie, hypertension) et les maladies cardiovasculaires est également souligné.
Food4Mood, l’appli qui vous aide à changer
Codéveloppée par la fondation FondaMental, le centre australien Food and Mood et DietSensor, cette appli mobile permet d’appliquer les conseils...
de psychiatrie nutritionnelle de façon personnalisée, pour prévenir ou gérer la dépression. Elle aide à choisir les aliments pour concevoir des repas anti-inflammatoires et bénéfiques pour l’humeur. Elle vous propose des recettes adaptées à vos goûts et besoins. Elle vous guide si vous avez des pathologies associées telles que le diabète, l’hypertension ou l’hypercholestérolémie. Elle permet d’évaluer votre progression avec le score PHQ-8 (mesure de la sévérité de la dépression) et le score Medas (mesure de l’adhésion au régime méditerranéen). Elle vous coache dans la reprise d’une activité physique. Le tout pour 60 € par an, soit environ le prix d’une consultation chez un diététicien.
Phytonutriments protecteurs
Impossible donc de passer à côté du contenu de notre assiette dès lors qu’il s’agit de cultiver notre bien-être mental, voire de soigner la dépression ! Valentina Andreeva, épidémiologiste à l’Inserm, rappelle notamment le rôle des phytonutriments dans la protection contre les maladies mentales. « Particulièrement abondants dans les fruits, les légumes, les céréales complètes, les légumineuses, les noix et l’huile d’olive, les polyphénols jouent un rôle important dans l’axe intestin-cerveau », note-t-elle. Quant aux caroténoïdes, présents à profusion dans les légumes verts et orange, leur effet antioxydant protège les cellules cérébrales du stress oxydatif. Les glucosinolates des crucifères participent à la détoxification de l’organisme et pourraient prévenir le déclin cognitif lié à l’âge. Tous ces aliments apportent leur lot de fibres, qui nourrissent les bonnes bactéries intestinales, en prévention de la dysbiose. Un apport indispensable, car 80 % de la sérotonine, neurotransmetteur améliorant l’humeur, est fabriqué par les bactéries de notre microbiote. D’où l’appellation « deuxième cerveau » pour désigner l’intestin.
Pensez à boire !
Nous sommes globalement sous-hydratés, alertent les diététiciens et nutritionnistes. Et derrière une sensation de faim peut tout à fait se cacher, en réalité, un besoin de boire. Le cerveau, organe très riche en eau, est l’un des premiers à souffrir en cas de déshydratation, même légère : sensation de fatigue, maux de tête, difficulté à se concentrer ou à mémoriser sont le prix à payer… Alors, pour ne pas assoiffer vos neurones, pensez à boire un minimum de 1,5 litre d’eau par jour si vous êtes peu actif et jusqu’à 2,5 litres les jours où vous pratiquez une activité physique.
Des objectifs simples et réalistes
Côté lipides, il faudra mettre l’accent sur les bons gras, telles les graisses monoinsaturées de l’huile d’olive, anti-inflammatoires et protectrices des fonctions cérébrales. Les graisses polyinsaturées (oméga-3 et oméga-6) des noix, graines et poissons gras favorisent la capacité du cerveau à se réorganiser (neuroplasticité), sont anti-inflammatoires et diminuent les symptômes de dépression. « À l’inverse, un excès en graisses saturées et graisses trans augmente l’inflammation et les pathologies, dont les maladies cardiovasculaires et la dépression », poursuit la chercheuse. On limitera donc la consommation de viande rouge, le beurre et les produits laitiers gras. Et on fera l’impasse sur les aliments ultra-transformés.
« Changer le contenu de notre assiette peut faire toute la différence dans notre ressenti mental et émotionnel », note pour sa part Tetyana Rocks, professeure de nutrition au Food and Mood Centre de l’université Deakin en Australie. « Fixez-vous des objectifs simples et réalistes, tenables sur le long terme », conseille-t-elle. Par exemple, opter pour l’huile d’olive extra-vierge comme matière grasse principale ; consommer une poignée de noix et de graines et un fruit en collation ; ajouter de la couleur à vos plats en incorporant des légumes rouges, verts et orangés (poivrons, carottes, patates douces, brocolis, épinards ou courges) ; planifier un repas végétarien et deux autres à base de poissons gras (sardines, maquereaux) dans la semaine. Autant de conseils qui épousent les recommandations du régime méditerranéen, reconnu préventif des maladies psychiatriques.
Face à ces nouvelles données, la fondation FondaMental appelle au développement d’une psychiatrie nutritionnelle, reconnaissant l’alimentation comme un levier essentiel pour lutter contre les troubles de l’humeur. Ce qui voudrait dire sensibiliser les patients mais aussi les professionnels de santé...
Les meilleurs aliments pour la bonne humeur
- Les myrtilles pour les flavonoïdes et la vitamine C, antioxydants
- Le chocolat noir pour le magnésium
- Les poissons gras pour les oméga-3
- L’huile de colza pour les oméga-3
- L’ail pour les prébiotiques, et pour son rôle de prévention cardio-vasculaire
- La banane pour les prébiotiques
- Les tomates pour le lycopène et le bêtacarotène, antioxydants
- Les choux pour les glucosinolates, détoxifiants
- L’orge et l’avoine pour les fibres et le bêta-glucane, qui nourrissent le microbiote
- Les lentilles et autres légumineuses pour les fibres, les vitamines du groupe B, le magnésium, le zinc…