Légumineuses, les protéines du futur
Haricots, lentilles, pois secs, fèves, pois chiches... Ces légumineuses, appelées légumes secs en cuisine, sont peut-être la clé des déséquilibres alimentaires dont nous souffrons, au Nord comme au Sud. Ces graines aux couleurs et aux formes variées, riches en nutriments, constituent une excellente source de protéines dès lors qu’on apprend à bien les consommer.
La FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) a proclamé 2016 « Année internationale des légumineuses ». Pour l’ONU, pas de doute : elles constituent une famille d’aliments stratégique capables d’améliorer l’équilibre nutritionnel dans les pays pauvres comme dans les pays riches : « Elles sont une solution parfaite soit lorsqu’on mange trop – l’épidémie d’obésité frappe plus de 500 millions de personnes – soit lorsqu’on ne mange pas assez, comme les 800 millions de personnes qui souffrent de la faim de manière chronique. » En effet, elles représentent une source de protéines qui apportent peu de matières grasses, contrairement à la viande consommée à outrance dans les pays dits « développés ». Elles sont généralement bon marché, capables de pousser partout, et ne nécessitent que relativement peu d’intrants agricoles.
Les légumineuses sont parmi les végétaux les plus riches en protéines, avec des teneurs comparables à la viande et au poisson : les haricots, les lentilles, les pois secs, les fèves ou encore les pois chiches contiennent entre 20 et 25 % de protéines – qui, rappelons-le, nous sont indispensables – contre 16 à 25 % pour les produits carnés. Le soja et le lupin en renferment même davantage, de 35 à 45 %. Par ailleurs, les protéines issues des végétaux présentent l’avantage d’être moins acidifiantes que celles présentes dans la viande. « Elles contiennent en effet plus de sels minéraux alcalins », explique le médecin Lylian Le Goff.
Une association nécessaire
Cependant, les légumineuses ne sauraient à elles seules procurer un apport protéique satisfaisant, car elles sont pauvres en acides aminés soufrés, notamment en cystine et en méthionine, des acides aminés dits « essentiels » – que le corps humain ne sait pas synthétiser. Or, comme un langage a besoin de tout son alphabet pour être exprimé correctement, notre organisme a besoin de tous les acides aminés pour fabriquer ses protéines. La clé du problème n’est pas bien loin, présente dans toutes les traditions alimentaires : il s’agit de la fameuse association entre les légumineuses et les céréales. Ces dernières sont en effet riches en acides aminés soufrés. Et plus qu’une association, on peut parler de complémentarité, car ce qui manque aux céréales, la lysine, se trouve en abondance dans les légumineuses. Les haricots secs, les pois chiches et les lentilles font ainsi partie de plats combinés, de l’Amérique du Sud à l’Asie en passant par le pourtour méditerranéen.
Dans le détail, une part de légumineuses est bien complétée par deux parts de céréales, car les premières renferment deux fois plus de protéines que les secondes. « Le renouvellement des protéines corporelles après un repas nécessite un apport équilibré en acides aminés, en particulier pour les acides aminés essentiels », confirme Stéphane Walrand, spécialiste des légumineuses à l’Inra. S’il précise que cet équilibre doit se faire sur un repas, d’autres spécialistes estiment qu’il pourra être atteint tout au long de la journée.
Un apport en fibres exceptionnel
Cependant, l’association entre les céréales et les légumineuses pour obtenir un apport en acides aminés optimal ne doit pas virer à l’obsession : l’alimentation doit aussi procurer du plaisir et laisser libre cours à l’imagination et au mariage des saveurs ! En outre, les légumes secs...
ont bien d’autres propriétés, notamment un apport en fibres exceptionnel. Si vous mangez régulièrement de légumineuses, il est donc inutile de vous complémenter en son de blé. Or les fibres participent à la santé cardiovasculaire et à la prévention contre le diabète. Les fibres solubles diminuent la cholestérolémie tandis que les insolubles préviennent les cancers colorectaux.
Une richesse minérale
Les légumineuses contiennent aussi de nombreux minéraux – fer, potassium, calcium, sélénium, magnésium – ainsi que des polyphénols et des vitamines B. Les fèves et les pois chiches contiennent ainsi autant de calcium que le fromage blanc. Dans de nombreuses cultures, on combine naturellement les légumineuses avec des aliments riches en vitamine C – curry de lentilles arrosé de jus de citron ! – ce qui permet de mieux absorber le fer.
Chaque légume sec a sa particularité. La fève est très riche en protéines avec un taux moyen de 25 %. Du côté des fibres, c’est le haricot sec qui détient la palme. Les lentilles sont riches en fer et en vitamine B2 et ont l’avantage de ne pas provoquer de gaz, contrairement aux haricots. Le soja fait figure d’exception, car il procure tous les acides aminés essentiels. Cependant, il est riche en phytoestrogènes, d’où une consommation prudente chez les femmes ayant eu un cancer du sein.
La diversité des légumineuses est telle que les consommer revient à encourager la biodiversité agricole. Or ces plantes sont une bénédiction pour les sols, qu’elles enrichissent en azote grâce à une association avec des mycorhizes racinaires.
Mode d’emploi - De la nécessité du trempage
On reproche souvent aux légumineuses de contenir des inhibiteurs enzymatiques (présents dans les graines pour retarder la germination) et de l’acide phytique, deux types de substances accusés de ralentir la digestion ou de réduire notre capacité à absorber des minéraux essentiels à la santé, tels que le zinc ou le calcium. Le trempage permet d’y remédier en accélérant la germination, comme le fait la pluie pour les végétaux. Ce proccesus va naturellement neutraliser les inhibiteurs. Immerger les légumineuses permet aussi d’activer la phytase, une enzyme qui neutralise l’acide phytique. « Ce qui est encore plus efficace quand on parle d’assimilation des minéraux, c’est de cuisiner les légumineuses avec un peu d’oignon ou d’ail afin d’éliminer l’effet anti-nutriment », ajoute le docteur Laurence Froidevaux, spécialiste en nutrition végétale.
Lentilles aux épinards et au gingembre - POUR 4 PERSONNES
Ingrédients
• 200 g de lentilles vertes du Puy
• 400 g d’épinards en branches ou hachés surgelés
• 1 oignon piqué de deux clous de girofle
• 1 carotte
• 4 cm de racine de gingembre
• 1/2 bouquet de coriandre
• 1 pincée de piment de Cayenne
• jus de 1 citron
• 2 cuillères à soupe d’huile d’arachide
• sel et poivre • 1/2 boîte de lait de coco ou 1 petit pack de 20 cl (facultatif).
Méthode
1. Peler la carotte. Rincer les lentilles à l’eau froide.
2. Les mettre dans une petite casserole, sans sel, avec l’oignon et la carotte entière.
3. Recouvrir d’eau froide. Porter à ébullition puis baisser le feu et couvrir. Vérifier la cuisson au bout de vingt minutes (cinq minutes de plus peuvent être nécessaires).
4. Retirer l’oignon et la carotte, saler et remuer. Laisser reposer 5 minutes et égoutter.
5. Dans une poêle ou une sauteuse de 26 cm, verser l’huile et faire chauffer doucement.
6. Déposer les épinards surgelés, couvrir et laisser dégeler dix minutes en remuant régulièrement.
7. Râper le gingembre, rincer la coriandre et la ciseler.
8. Lorsque les épinards sont décongelés, ajouter le gingembre râpé, la coriandre et le piment de Cayenne. Mélanger.
9. Rajouter les lentilles égouttées. Mélanger encore avec deux spatules.
10. Ajuster en sel et en poivre. Verser le jus de citron, le lait de coco, mélanger et servir bien chaud.
Crêpes fourrées à la pâte d’azuki - POUR 10 CRÊPES FOURRÉES + 1 POT DE CONFITURE
Pour les crêpes
• 200 g de tofu soyeux
• 20 g de purée de noisette
• 10 g de sucre de coco
• 20 g de kinako (poudre de soja grillé)
• 50 g de farine de riz complet
• 10 g d’arrow-root
• 1 pincée de sel fin
• 1⁄2 cuillère à café de levure sans gluten
• huile de cuisson.
Pour la confiture
• 100 g de haricots azuki pesés secs
• 100 g de dattes Medjool pesées dénoyautées
• 3 cm d’algue kombu séchée
• 1 cuillère à café rase de vanille en poudre
• 1 cuillère à soupe de gros sel.
Les crêpes
1. Mixer le tofu soyeux dans un blender. Ajouter le sucre et la purée de noisette, mixer de nouveau.
2. Mettre la farine, le kinako, l’arrow-root, le sel et la levure dans un saladier et verser dessus la préparation au tofu. Mélanger.
3. Dans une poêle chaude et légèrement huilée, déposer une petite louche de pâte. Attendre quelques secondes que celle-ci adhère à la poêle puis, avec le dos de la louche,l’étirer pour former une petite crêpe épaisse.
4. Laisser cuire puis retourner et faire cuire la seconde face trois minutes.
La confiture
1. La veille, faire tremper les azuki dans une grande quantité d’eau avec une cuillère à soupe de gros sel. Après dix à douze heures de trempage, rincer et égoutter. Placer les haricots dans une casserole avec l’algue, la vanille et les dattes coupées en petits morceaux.
2. Couvrir d’eau jusqu’à 2 cm au-dessus des ingrédients
3. Porter à ébullition, placer un couvercle bien ajusté et laisser cuire une heure à feu très doux.
4. Retirer du feu et bien écraser dans la casserole.
5. Laisser refroidir avant d’en garnir les petites crêpes pliées en deux.
Cuisinez de grandes quantités !
Lorsque vous prenez le temps de faire cuire des légumineuses, faites-en pour plusieurs jours ! Le premier jour, vous pourrez les manger chauds avec des céréales et des légumes de saison. Vous pourrez ensuite les prendre en entrée, en salade avec une vinaigrette et du pain. Enfin, le dernier jour, les légumineuses peuvent être consommées en soupe ou mixées en pâte à tartiner sur des toasts pour l’apéritif, par exemple. Les légumineuses cuites se conservent cinq jours au réfrigérateur et de trois à six mois au congélateur.
Des épices contre les gaz
Le cumin est un ingrédient presque indispensable dans toutes les préparations de légumineuses pour éviter les gaz digestifs. D’autres épices et herbes sont également carminatives et neutralisent l’intervention des bactéries intestinales responsables de ces désagréments : le carvi, la coriandre, l’aneth, le gingembre, la citronnelle, la menthe, la noix de muscade, le basilic, la marjolaine, l’origan, l’anis vert ou encore le romarin. En Afrique du Nord, où ces épices sont largement utilisées, on jette l’eau de la première cuisson qui contient les substances alimentant les bactéries des ballonnements, puis on rajoute une eau propre pour commencer la préparation de l’assaisonnement.