Dans l’atelier de l’herboriste
L’herboriste est comme le peintre qui compose sa toile. Si vous avez un moment, je vous invite à entrer dans son atelier. Poussez la porte de l’herboristerie et découvrez la centaine de plantes médicinales précieusement stockées dans les bocaux et les sacs de jute.
Fleurs, feuilles, écorces, racines, tout est là. Faites une pause, appréciez les senteurs qui combinent substances aromatiques et épicées, et cette petite touche indéfinissable que j’appelle le « parfum d’antan ». Allez maintenant faire un tour du côté des mélanges. La tisane « bon sommeil » vous tend la main, une invitation dans les bras de Morphée pas plus tard que ce soir. La tisane « circulez y-a rien à voir » vous promet des jambes légères comme des plumes. La tisane « par ici la sortie » s’engage à vous faire retrouver un transit de bébé. Vous regardez la liste des plantes qui s’entremêlent dans les sachets. Comment sont-elles arrivées là ?
C’est l’herboriste qui les a choisies sur sa palette dans un exercice de grande acrobatie qui s’appelle « l’art de la formulation ». Comme tout art, la formulation d’une tisane nécessite un minimum d’organisation et de structure. Un équilibre des formes et des lignes est nécessaire. L’herboriste va composer en fonction d’un problème de santé spécifique. Il va tenter d’agir au niveau du terrain, des organes et des symptômes en un seul mélange pour vous faciliter la prise. Il n’a pas une grande marge de manœuvre, cinq à sept plantes tout au plus, sinon c’est une grande salade qui ne veut plus rien dire. Il va devoir faire des choix, garder l’essentiel, éliminer le superflu, épurer ses lignes et ses couleurs.
Mais attendez, ce n’est pas tout. Il doit aussi composer en fonction de vos papilles gustatives. Vous désirez un mélange pour soulager votre bronchite ? Certes la saponaire et le marrube sont expectorants, mais en trop forte quantité la première irritera votre système digestif et la seconde provoquera une rébellion de vos papilles, qui vous feront hurler : « Plus jamais ça ! » Il faudra marier ces deux avec l’eucalyptus et le thym pour l’aspect aromatique, la réglisse pour sa grande douceur.
Pensez-vous que son mélange sera figé pour l’éternité ? Il n’en est rien. Le peintre décidera parfois de retoucher sa toile. Peut-être la saponaire disparaîtra-t-elle pour céder la place à l’hysope, mieux tolérée par les estomacs fragiles. Peut-être l’eucalyptus fera-t-il une petite place aux bourgeons de pin sylvestre. L’herboriste sera à l’écoute et, dans son désir de vous accompagner vers une meilleure santé, il n’hésitera pas à se remettre en question.
L’artiste ira parfois plus loin et mêlera d’autres plantes afin de créer un bal des couleurs dans votre tasse : la fleur de mauve et son joli ton violacé, celle de bouillon blanc et son jaune tendre. Car le rituel de l’infusion, c’est aussi prendre le temps de s’occuper de soi, de regarder, de humer, de savourer la composition, comme on regarderait une toile lors d’une exposition, en laissant aller son imagination. Rendons hommage à l’artiste.