Vers un cannabusiness ?
L’année 2019 verra-t-elle enfin arriver l’autorisation du cannabis thérapeutique en France ? Ces derniers temps, plusieurs signes nous ont donné à espérer. Ainsi, fin novembre 2018, statuant sur la plainte d’une patiente, le Comité éthique et cancer n’a vu « aucune raison à s’opposer à l’usage du cannabis par des malades qui disent en tirer un bénéfice ».
Puis le Comité scientifique spécialisé temporaire a jugé « pertinent d’autoriser l’usage du cannabis à visée thérapeutique pour les patients dans certaines situations cliniques », point de vue auquel s’est rangée l’ANSM en début d’année.
Encadrer l'usage du cannabis thérapeuique
Le dossier semble cette fois sur la rampe de lancement pour rejoindre les 21 pays de l’Union européenne ayant d’ores et déjà légalisé le cannabis thérapeutique. Toutefois, gardons-nous d’être trop optimistes. En effet, reste à savoir quelle méthodologie sera retenue pour tester la plante.
Dans le domaine de la santé publique, obtenir un laissez-passer ne suit pas toujours les chemins les plus transparents. Ainsi le Sativex, premier médicament utilisant deux cannabinoïdes et ayant obtenu une autorisation en 2014, n’est toujours pas disponible. Prix trop élevé, lobbying de dénigrement ? Toujours est-il que les malades atteints de sclérose en plaques, à qui ce médicament était destiné, l’attendent toujours.
Par ailleurs, les auteurs de la réglementation disposent de nombreux moyens d’affaiblir l’intérêt thérapeutique. Ils pourraient ainsi imposer de ne pas l’utiliser en première intention, ou seulement quand les autres médicaments ont fait preuve de leur inopérance, ou encore restreindre la liste de ses indications. Les instances dirigeantes en France restent étonnamment frileuses dès lors qu’il s’agit de cannabis, quand elles n’optent pas pour le flou artistique ou l’hypocrisie totale.
Le cannabidiol (CBD), la molécule la plus prometteuse du cannabis (et qui, à la différence du THC, n’est pas psychoactive), pâtit lui aussi de cette situation. Pourtant, une récente synthèse de la littérature scientifique en démontre l’efficacité sur des maladies aussi variées que l’épilepsie, les douleurs chroniques, le glaucome, l’anxiété, la maladie de Parkinson, etc. Cette frilosité est d’autant plus étonnante que les spécialistes en pharmacologie sont formels : comparé à d’autres plantes, le cannabis a un profil de faible toxicité.
Des industriels plus que partants
Du côté des fabricants d’alcool, de soda ou de tabac, on ne se montre pas le moins du monde inquiet. Tous, au contraire, se mobilisent pour investir dans la production de cannabis, à l’instar du groupe propriétaire de la marque de bière Corona ou de Coca-Cola. Et les as du marketing de réfléchir à la meilleure campagne possible pour lancer de nouveaux produits bien-être contenant du CBD… Il est d’ailleurs intéressant de rappeler qu’à la fin du XIXe siècle, Coca n’avait déjà pas hésité à s’emparer de la cocaïne.
Ainsi, il y a fort à parier qu’en 2019, la légalisation du cannabis profite surtout à ces multinationales, véritables championnes en matière de substances psycho-actives. Et il est à craindre que le « cannabusiness » qui gagne le monde ne se fasse au détriment des utilisations médicales de la plante… Espérons tout de même que le cannabis soit plus employé à soigner l’humanité qu’à lui offrir des gadgets faussement bienfaisants.