Longue vie à l'homéopathie
Dur dur d’être une médecine douce ! Sentiment de déception profonde et de colère n’ont pas manqué de nous saisir, après la décision le 19 juillet de dérembourser l’homéopathie à partir de 2021. Quelques semaines plus tard, je dois dire que mon inquiétude a changé de nature. En effet, la vie de l’homéopathie n’a jamais été un long fleuve tranquille et cet épisode s’insère dans cette succession de revers et d’embellies qui caractérisent son développement. Depuis ses débuts il y a maintenant deux siècles, elle a toujours fait l’objet de vives critiques. Cela n’a toutefois pas suffi à empêcher la création du premier laboratoire homéopathique en France dès 1925. Et de faire inscrire, en 1938, ces préparations sur la liste des médicaments remboursables par le précurseur de la sécurité sociale. Dans l’Hexagone, l’homéopathie est une réalité tangible puisque 43 % des professionnels de santé la prescrivent (un chiffre qu’a même reconnu l’Académie nationale de médecine, qui y est hostile). Et il faut compter aussi avec les recherches dynamiques qui se poursuivent. Environ 2 000 souches peuvent ainsi être commercialisées pour des produits à la demande.
Une décision hautement symbolique
Il n’en demeure pas moins que l’atteinte portée à l’homéopathie fait mal. Car loin d’être seulement économique, la décision de la ministre est hautement symbolique. Et nous pouvons redouter que d’autres médecines alternatives, l’acupuncture ou le thermalisme par exemple, puissent être concernées à l’avenir.
Et puis quel mépris pour ces 4 000 médecins homéopathes ! Et quel retour en arrière que de l’avoir ainsi éreintée sur le plan scientifique ! Souvenez-vous, en 1984, les médicaments homéopathiques obtenaient le remboursement à 65 % et on acceptait que leur spécificité les dispense d’être évalués comme les médicaments allopathiques.
Ce coup porté à l’homéopathie est aussi plus profond car il revient à critiquer une conception de soin. En effet, cet art médical consiste en une approche holistique visant à guérir l’individu dans son ensemble et non la maladie. Pour reprendre les termes de la philosophe Cynthia Fleury*, nous avons ainsi affaire à un soin humaniste. Or cette démarche consistant à prendre le temps d’écouter le malade et le récit qu’il fait de sa maladie, n’a pas d’intérêt pour nos gouvernants. Pire, pour privilégier le geste médical orthodoxe qui passe par le médicament, on préfère se moquer du rapport personnalisé entre un médecin et son patient. Sans réaliser qu’en gommant cette dimension, on privilégie un système de soins dans lequel le patient est un assisté. La philosophe le rappelait récemment : « On ne soigne bien quelqu’un, qu’en essayant de faire valoir chez lui une capacité d’autosoin, pour qu’il se ressaisisse de sa puissance de soin, qu’il redevienne lui aussi une ressource. »
Les partisans de la médecine officielle préfèrent prendre des décisions de principe pour s’assurer de leur position dominante. Mais nous savons qu’il existe une autre réalité. Celle mise en œuvre sur les territoires par de nombreux talents de soignants investis qui prouvent tous les jours que les voies de la guérison sont multiples.
* Auteure de l’ouvrage Le soin est un humanisme, collection Tracts, éd. Gallimard, mai 2019.