La controverse de l'huile de palme
Le Conseil constitutionnel prend position contre l’huile de palme ! La plus haute juridiction française a en effet confirmé le 11 octobre dernier, la décision du Parlement de supprimer l’avantage fiscal concernant les biocarburants issus d’huile de palme. Ainsi a été retoquée la demande de Total dont la bioraffinerie de La Mède prévoit de transformer quelque 300 000 tonnes d’huile de palme par an en biodiesel pour les camions et les avions.
L’huile de palme a déjà fait couler beaucoup d’encre. Son utilisation exagérée et longtemps cachée dans l’alimentation (gâteaux, biscuits, sauce tomate, soupes lyophilisées, brioches…) suscita une première levée de boucliers. On se rendit compte que sa forte proportion d’acides gras saturés, sous forme hydrogénée, était nocive pour notre santé. Par ailleurs, les organisations écologiques démontraient son impact catastrophique sur l’environnement, notamment en Malaisie et en Indonésie, les deux premiers pays producteurs. En quelques années, cette dernière, a perdu 72 % de ses espaces forestiers. Les images de palmiers à huile alignés à perte de vue, remplaçant des forêts jungles, ont permis cette prise de conscience.
Les consommateurs européens ont ainsi pu obtenir que la mention de l’huile de palme devienne obligatoire fin 2014 et se sont mis à éviter ces produits alimentaires. Ce rejet a obligé nombre d’industriels de l’agroalimentaire à revoir leurs recettes. Et le « sans huile de palme » est devenu un argument marketing de vente en Europe.
On s’est réjoui un temps, tout au moins de ce côté de la planète… C’était sans parler de l’autre aspect de l’huile de palme. Certes au niveau mondial, l’alimentation reste son débouché principal, mais en France par exemple, 76 % de l’huile de palme consommée l’est sous forme de biocarburant ! Et la nouvelle usine de Total à La Mède ne va pas arranger les choses.
Pour Total, ce projet participe pourtant à la « volonté du groupe d’intégrer la question du climat dans sa stratégie ». On lit sur son site que cette « transformation s’inscrit dans une dynamique d’avenir, en phase avec la volonté du groupe de prendre une part active dans le développement des énergies renouvelables ». Pour les organisations écologiques, ces arguments ne tiennent pas : l’huile de palme durable (produite dans des exploitations respectant la biodiversité, les droits de l’homme, la non-déforestation) n’existe pas. Et de rappeler le manque d’efficacité des organismes certificateurs pour la garantir. D’ailleurs, la transparence dont fait preuve le groupe pétrolier, n’est en réalité guère rassurante. Il donne en effet les coordonnées GPS de ses différents fournisseurs, dévoilant ainsi, via Google Earth, les immenses surfaces de monocultures.
Quoi qu’il en soit, au-delà du projet industriel de La Mède, cette controverse autour de l’huile de palme en tant que biocarburant est révélatrice des dilemmes auxquels nous allons être de plus en plus confrontés. Si notre prise de conscience concernant la question climatique s’élargit, elle s’opère de façon différente suivant les points de vue. Comment pouvons-nous alors agir ? S’il n’est pas facile de répondre, il est clair aujourd’hui que les discours d’intentions ne suffisent plus. L’heure doit être à la mise en route d’actions dans le respect d’engagements concrets et durables.