Interdire l'herbe aux vaches ?
Une ordonnance pour brouter du pissenlit ? Une autorisation de mise sur le marché pour la tisane de foin ? Qu’en est-il de la coutume de l’est de la France où l’on nourrit le bétail avec du fourrage de frênes ? Condamnable ?
Depuis la Seconde Guerre mondiale, sous d’honorables prétextes de protection de la population et de santé publique on contrôle, on interdit, on punit l’utilisation des plantes médicinales pour la santé des hommes mais aussi des bêtes. Or dans ce domaine aussi, les éleveurs se réapproprient ce savoir de la pratique herboriste. Plus de mille d’entre eux ont signé une pétition demandant à l’État la mise en place d’une réglementation adaptée à l’utilisation des plantes en élevage sous forme d’auto-médicamentation.
Nous avons donc, d’un côté les éleveurs qui défendent l’herboristerie en élevage, s’appuyant sur une tradition millénaire d’utilisation des plantes pour soigner les bêtes, ainsi que sur la volonté plus récente de trouver un substitut aux antibiotiques. De l’autre le gouvernement et l’agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) qui mettent en avant la difficulté de valider des expérimentations de ce type, le risque encouru principalement par le consommateur en l’absence d’essais et continuant, par le fait, de considérer la pratique comme illégale.
Prétexte ou réel enjeu ? Si l’on est conscient qu’une plante n’est pas un simple cocktail de principes actifs, on comprend assez vite qu’il y a une réelle difficulté à faire entrer les plantes dans une législation se conformant à une forme mécaniciste de la médecine vétérinaire. Les plantes ne sont pas faites pour être appréhendées de façon symptomatique et leur extraordinaire pouvoir de guérison tient à la multiplicité de leurs effets thérapeutiques qui varient parfois d’un troupeau à l’autre, parfois d’un animal malade à l’autre. À l’image de la fleur de lavande qui servira tantôt à redonner du tonus à une vache après une mise bas, ou à calmer le prurit d’une génisse… Comment réglementer une telle diversité d’actions ?
La complexité du vivant ne peut pas être contenue dans une éprouvette de laboratoire. L’établissement d’un tel texte de loi demanderait pour bien faire plus qu’une « simple » étude pharmacologique, il faudrait faire appel à l’anthropologie, à l’histoire des pratiques d’élevage.
Ceci nous amène d’ailleurs à réfléchir à notre utilisation actuelle des plantes en élevage. Où en sommes-nous vis-à-vis des traditions de nos aïeux et aïeules, cherchons-nous vraiment à nous en inspirer ? Nous n’avons pas forcément conscience qu’arrivera le jour où la mammite à Escherichia coli deviendra résistante à l’huile essentielle de laurier noble tout comme elle l’est aujourd’hui à plusieurs antibiotiques. En effet, utiliser des plantes pour soigner ce n’est pas juste changer de substance active, c’est changer de philosophie, c’est comprendre la maladie autrement. C’est cela qui sera difficile à retranscrire dans un texte de loi et impossible à réglementer.
Mais rassurons-nous : dans le monde animal, la frontière entre aliments et médicaments est poreuse. Quand on parle d’herbivores, on parle bien d’animaux qui mangent des plantes. Alors gardons espoir et le sourire, car quelle que soit l’évolution de la législation française un agent du département des services vétérinaires ne pourra jamais demander à une vache son autorisation de brouter. Que leurs prairies soient riches en diversité végétale ! Elles savent bien mieux que nous tous réunis ce qu’il leur faut pour aller bien. Apprenons donc à les écouter !
Vous pouvez signer la pétition « Plantes en élevage » sur www.mesopinions.org