Avec le cèdre, ni dieu ni maître !

« Moi l'Éternel j'ai abaissé l'arbre élevé et élevé celui qui était bas » est-il écrit dans la prophétie d'Ézéchiel, avec un rameau de cèdre comme instrument divin.

Qui n'a jamais ressenti la majesté et la puissance de cet arbre, en levant le regard vers ses hautes branches et en voyant sa cime tutoyer les cieux ? De mémoire d'homme, le cèdre est associé au divin, à la spiritualité, voire au mysticisme dans toutes les confessions, depuis l'épopée de Gilgamesh en Mésopotamie en 2800 avant Jésus-Christ. Puisque Gilgamesh voulut défier les dieux en s'en prenant à leur gardien du bois des cèdres… pour son malheur. Espérant leur dérober l'éternité, il ne gagna qu'une longue désolation avec ses amitiés et ses amours englouties par sa témérité.

Le bois du cèdre, imputrescible a une durée de vie exceptionnelle du fait de sa grande résistance aux moisissures et aux parasites. Pour les homéopathes le médicament Cedrus libani aurait des propriétés décongestionnantes, quand cette congestion intéresse le haut du corps (maux de tête congestifs, à-coups tensionnels, saignements de nez) pourvu que le patient présente cette attitude de défi à l'autorité qui semble être sa grande caractéristique.

Défier ses maîtres, défier Dieu, défier les forces de la nature, quelle folie ! Mais quelle folie répandue ! Certes, c'est une folie parfois utile quand il s'agit de ne pas accepter un ordre injuste, choquant, inadapté. Alors, elle se révèle être une sagesse dont la véritable valeur sera reconnue plus tard, citée en exemple, médaillée.

Mais c'est une folie mortifère quand il s'agit d'un entêtement à défier l'indéfiable, les ouragans et les incendies, les soubresauts de la planète qui réagit à un aveuglement consumériste qui ne la respecte pas. Pour égaler Dieu, il ne suffit pas d'égaler sa puissance, mais aussi sa sagesse et sa profondeur de vue, la majesté s'accommode mal de l'ignorance, de l'arrogance, des négligences.

C'est un geste impérial et admirable que de savoir s'insurger contre une injonction stupide, dangereuse, dont les conséquences n'ont pas été mesurées à leur juste valeur. C'est ­Victor Hugo risquant l'exil ou Charles de Gaulle osant appeler à la résistance, ce sont ces militants s'enchaînant à des arbres menacés ou ces médecins dénonçant les mauvais choix mettant en péril le système de santé dans son entier.

Mais c'est une inconscience coupable d'ignorer les risques environnementaux qu'une course aveugle au profit, au progrès technique et à la croissance entraîne. Il faut plus que de l'aveuglement pour imaginer survivre aux ­destructions irréparables de l'environnement que la cupidité aura favorisé.

Car la nature telle l'Éternel de la prophétie choisira un rameau sur la cime du plus beau cèdre et en fera un arbre encore plus haut que les précédents. Tel qui se croyait grand se retrouvera très petit, et levant ses yeux vers les cieux, à travers les ramures, il contemplera la grandeur de l'arbre avec humilité.