Obscure clarté
Sirius, les constellations d’Orion ou de la Grande Ourse, la ceinture de la voie lactée… Désormais, un tiers de la population mondiale ne peut plus contempler un beau ciel étoilé. Les lampadaires, vitrines illuminées et néons publicitaires diffusent une telle quantité de lumière artificielle que cela nous empêche d’admirer les planètes au-dessus de nos têtes. Or le village espagnol de Lerín, en Navarre, est un des premiers lieux à obtenir une certification pour la qualité de son ciel nocturne. Ce titre honorifique a été décerné par Starlight, une fondation tout à fait sérieuse, signataire de la déclaration de La Palma où la contemplation du ciel la nuit est citée comme « un droit inaliénable de l’humanité ».
Pragmatique, Lerín y voit un moyen de se rendre attractif en développant l’astrotourisme, mais sur place on est aussi convaincu de la nécessité de réduire les illuminations en ville. Il en va de la protection de bon nombre d’insectes, oiseaux et petits mammifères qui se retrouvent piégés par les halos lumineux. Il en va aussi de notre santé, l’éclairage artificiel étant délétère pour la rétine et à l’origine de dérèglements de notre horloge interne. En France, l’Office pour la biodiversité a également alerté sur les conséquences d’un niveau élevé de pollution lumineuse, qui concerne désormais 85 % du territoire métropolitain.
Mais la débauche de lumière continue, malgré l’inquiétante flambée des prix de l’électricité. Finalement, par un tour de passe-passe gouvernemental, la hausse prévue pour les ménages au 1er février sera limitée à 4 %. Moins que les 35 % annoncés, mais tout de même !
Rien ne semble pouvoir remettre en question notre allégeance à la fée électricité. Il est vrai que ces dernières années, nous lui demandons d’être plus verte. C’est le pari de l’agrivoltaïsme, dont le principe consiste à protéger les cultures des changements climatiques tout en produisant une électricité propre. Grâce à des panneaux orientables en fonction du soleil, les plantes ou arbres fruitiers poussant dessous verraient leur « bien-être » amélioré en évitant les risques de grêle, les températures excessives, etc. On a très envie d’y croire… Les agriculteurs à la recherche de revenus, aussi. Mais n’allons-nous pas in fine favoriser la production électrique, aux dépens de la production agricole ?
Il me semble que tous ces projets lumineux ont surtout pour conséquence de nous aveugler et de nous pousser à un gaspillage scandaleux… sans parler, et ce n’est pas le moins triste, de nous priver de cette « obscure clarté qui tombe des étoiles ».