La justice à l'écoute
L’information n’a pas fait grand bruit. Le Conseil d’État, la plus haute juridiction jugeant les litiges entre les particuliers et l’administration, vient de reconnaître une nouvelle liberté fondamentale, le droit pour chacun « de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Si le Conseil d’État a rejeté la demande des requérants visant à suspendre des travaux routiers entrepris par le Conseil départemental du Var, cette décision fournit de nouvelles armes aux défenseurs de l’environnement en ouvrant le droit à une procédure d’urgence. Chacun peut, « notamment si ses conditions de vie ou son cadre de vie sont gravement et directement affectés, (…) saisir le juge des référés sur le fondement de cet article ».
L’institution judiciaire a tranché en faveur de l’environnement dans un autre procès emblématique, celui touchant les jardins partagés quasi centenaires d’Aubervilliers. Les huit militants qui avaient bloqué en février dernier le chantier de construction du solarium de la piscine olympique ont finalement été relaxés. Ils encouraient un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Après avoir invalidé le plan local d’urbanisme, et obligé la municipalité à arrêter les travaux, le tribunal a envoyé un nouveau signal défavorable à « la destruction d’un lieu source de production de légumes, facteur de lien social, puits de carbone et oasis en temps de canicule », comme le rappelait l’avocate des militants.
Ces derniers temps, il semble que les arguments des activistes de l’environnement soient mieux entendus par les tribunaux. Avec la loi « Climat et résilience » d’août 2021 introduisant les délits de mise en danger de l’environnement, de pollution des milieux et d’écocide, ainsi que la création de juridictions spécialisées en région, une véritable justice de l’environnement est sans doute en train de naître. Certes, cet enjeu représente encore une part minuscule des contentieux, et il est difficile de savoir comment la judiciarisation de ces litiges va évoluer, mais on peut tout de même s’en réjouir.
Dans d’autres pays, on assiste sur ces questions à une justice autrement expéditive. Selon le dernier rapport de l’ONG Global Witness, qui se bat pour la protection des espaces naturels dans le monde et dénonce la corruption associée au pillage des ressources, 200 défenseurs de la terre ont été tués en 2021, notamment au Brésil, Mexique, Philippines, Colombie et en Inde. Pour la plupart, ces crimes sont restés impunis.