Pour une protection rapprochée du vivant
Protéger 30 % de la surface des terres et des mers… Cette belle idée a été au centre des négociations lors de la Cop 15 sur la biodiversité qui s'est tenue en décembre dernier à Montréal. Il y a urgence : un million d'espèces sont en voie de disparation. Mais comment envisager cette protection ? À l'heure où nous bouclons ce numéro, nous ne savons pas encore si les 195 États et l'Union européenne ont pu se mettre d'accord sur un cadre de mise en œuvre de cet objectif. La question est en effet complexe et l'éventail des moyens large, depuis qu'à la fin du XIXe siècle on a commencé à prendre des dispositions protectrices des espèces. En 1872, la création du parc de Yellowstone aux États-Unis prévoyait que celui-ci soit « exempt d'exploitation mercantile ». Pour le parc national de la Vanoise, en Savoie, créé en 1963, seul le cœur de parc est protégé de façon stricte. C'est là toute l'ambiguïté. La directrice de l'ONG Bloom, Claire Nouvian, s'en indignait récemment, sur France Inter : « La France explique qu'elle protège déjà 30 % de ses mers, ce qui est faux. Elle n'en protège vraiment qu'à peine 0,1 % ». Autant dire quasiment rien.
Par ailleurs, nos connaissances et la façon dont nous envisageons une telle protection ne cessent d'évoluer. On sait aujourd'hui que ce ne sont pas uniquement les sites les plus riches en espèces endémiques menacées qu'il faut prendre en compte. Certains écosystèmes, peu remarquables de ce point de vue, le sont pourtant quand il s'agit de prévenir l'élévation du niveau de la mer, les glissements de terrain ou pour séquestrer du carbone. Ainsi, la biodiversité n'est plus vue comme un objet de musée, elle est porteuse de services écosystémiques, parmi lesquels on peut citer de nouvelles ressources alimentaires ou des médicaments. On estime ainsi que la moitié du produit intérieur brut mondial dépend d'écosystèmes en bonne santé.
Forts de toutes ces données, n'oublions pas le plus important. Même bien définie et mise en œuvre, la protection de la biodiversité n'aura que peu d'intérêt si elle ne nous amène pas à changer de regard sur la nature ; à intégrer le fait que l'humain n'a pas seulement besoin de ses richesses mais qu'il doit tendre à vivre dans la nature et, d'une certaine façon, comme elle… c'est seulement ainsi que nous pourrons emprunter le chemin résilient du vivre ensemble… dès 2023.