Merci les fleurs !
© AlpamayoPhoto
Récemment, l’Institut Curie organisait sa 19e campagne de mobilisation « Une jonquille contre le cancer ». Une fleur, pour soutenir l’aide à la recherche contre une maladie qui emporte chaque année 400 000 personnes, c’est un beau symbole. La jonquille, avec sa trompette centrale au milieu d’une corolle de six pétales, généralement jaune soleil, est pleine de vivacité. Le fait qu’elle se reproduise principalement par éclatement naturel de ses bulbes qui finissent par constituer d’immenses tapis dans les prairies et les sous-bois, m’a toujours étonnée. Et si, au cours d’une promenade, vous tombez sur un de ces paysages illuminé de jonquilles sauvages, limitez votre cueillette aux tiges en fleurs (et pas en bouton) et à 10-15 unités par personne.
Si l’on revient à l’aspect médical, la jonquille est directement impliquée dans la lutte contre le cancer. Elle contient de précieux alcaloïdes et l’un d’eux, la narciclasine, a des propriétés antitumorales marquées, ciblant une large variété de cellules cancéreuses. Selon une étude chinoise de janvier 2022*, elle représenterait une stratégie thérapeutique prometteuse dans le traitement de cancers du sein résistants au tamoxifène. D’autres fleurs sont d’ores et déjà partie prenante dans cette lutte. La pervenche de Madagascar, une plante subtropicale aux fleurs roses ou blanches joliment découpées, est utilisée en cas de leucémie. Les laboratoires Pierre Fabre en extraient un autre médicament contre les cancers bronchiques et certains cancers du sein.
Mais j’ai aussi vu fleurir l’espoir dans d’autres circonstances. Des fleurs ont porté des luttes, se sont retrouvées, belles et rebelles, au premier rang de révoltes… Je me souviens ainsi de cette photo prise à Minsk en août 2020, peu après la réélection contestée du président Loukachenko : une Biélorusse, un hydrangea blanc à la main, se tient juste devant les boucliers métalliques des unités spéciales de police antiémeutes. Je repense aussi aux œillets rouges des événements d’avril 1974 à Lisbonne entraînant la chute du dictateur Salazar. Et dont le chanteur Georges Moustaki fit le refrain d’une de ses chansons**.
Alors que débute la période faste des floraisons, alors que le « soleil réchauffe les pétales de mille fleurs merveilles », accueillons avec gratitude ces épanouissements… et prenons le temps de nous interroger, comme nous y invite l’écrivain Maurice Maeterlinck : « Savons-nous ce que serait une humanité qui ne connaîtrait pas la fleur ? »
* Dans Molecular Therapy–Oncolytics, janvier 2022.
** « À ceux qui ne croient plus voir s’accomplir leur idéal, dis-leur qu’un œillet rouge a fleuri au Portugal. »