Trois santés, une idée
En septembre prendra fin le programme conjoint européen One Health (« une seule santé »). Depuis cinq ans, 44 organisations et 22 pays planchent pour mettre en pratique ce concept ambitieux, qui postule que la santé de chaque être humain est interdépendante de celles des animaux et de l’environnement.
L’idée n’est pas totalement nouvelle, c’est en effet le b. a.-ba de la biologie que de considérer que tout est interconnecté dans le vivant. Mais cette idée, qui a émergé dans les années 2000, répond désormais à une urgence : de plus en plus de maladies infectieuses, à l’instar du Covid-19, sont dues à des maladies infectieuses passées de l’animal à l’homme, les zoonoses. Comment éviter à l’avenir de subir de telles crises sanitaires qui déstabilisent profondément nos sociétés ? Le mot d’ordre de One Health est d’inciter à l’interdisciplinarité : puisque les trois santés sont indissociables, il faut que médecins, écologues, éthologues collaborent pour répondre aux défis sanitaires qui peuvent toucher aussi bien la santé animale, humaine que végétale… D’ailleurs, le programme conjoint européen a travaillé de façon pluridisciplinaire sur les liens entre zoonoses et sécurité alimentaire, mais aussi sur la résistance aux antibiotiques.
En prônant une santé globale, l’approche One Health pousse aussi à une remise en cause de certaines pratiques. Ainsi, il est clair que l’élevage industriel, entre la pollution des nappes phréatiques et l’utilisation abusive d’antibiotiques, est fortement dommageable pour notre santé, celle des animaux et celle de la planète. D’ailleurs, le cadre One Health modifie notre vision des médicaments qui, de solutions aux problèmes sanitaires, deviennent également facteurs de risque.
Pour le moment, One Health reste surtout un outil conceptuel. L’approche n’est pas simple à mettre en œuvre et va forcément susciter des tensions. Le décloisonnement des disciplines ne va pas de soi, sans parler du vertige qui peut nous saisir quand on réalise la complexité de ces risques globaux. Mais c’est aussi la force de cette dynamique, que chacun peut potentiellement s’approprier pour en devenir acteur. Elle a le mérite de remettre au centre de nos préoccupations une richesse que nous n’apprécions pas toujours à sa juste valeur : la santé. Et nous fait comprendre que prendre soin de ce bien précieux de façon englobante, a contrario de la démarche individualiste actuelle, est aussi une célébration de la vie dans toutes ses dimensions.