Biodiversité
Plantes : objectif extinction zéro
© David Sucsy
C'est un fait incontestable, la diversité des plantes terrestres revêt une importance cruciale pour le bien-être de l'espèce humaine. Utilisées pour l'alimentation, la médecine ou d'autres domaines comme le textile, elles nous rendent également de nombreux services essentiels comme la fixation du carbone dans l'air que l'on respire, la propreté de notre eau ou encore le contrôle de l'érosion de nos reliefs. Malgré cela, des espèces végétales disparaissent chaque année. Entre 21 à 44 % des espèces de plantes vasculaires (c'est-à-dire des plantes à tige, feuilles et racines, ndlr) seraient actuellement menacées d'extinction, principalement à cause de l'utilisation des terres pour l'agriculture (notamment intensive), des maladies et des ravageurs invasifs. À cela s'ajoute le changement climatique lié aux activités humaines.
J'appelle donc de mes vœux la création d'objectifs nationaux et internationaux visant à une « extinction zéro » des plantes. Pourquoi « extinction zéro » et pas simplement « extinction réduite » ? Eh bien, non seulement la conservation de toutes les plantes ne nécessiterait pas vraiment plus de moyens que la conservation actuelle (en particulier pour les espèces rares, dont les populations à protéger sont peu nombreuses), mais il est également prouvé que les espèces rares contribuent de manière importante aux fonctions des écosystèmes et augmentent la résilience des communautés végétales face aux changements environnementaux futurs.
L’adonis flamme ou adonis couleur de feu (Adonis flammea) est inscrite dans la liste rouge des espèces menacées en France.
Plus de financements et du personnel qualifié
L'objectif d'extinction zéro pour les plantes étant potentiellement réalisable, un objectif moins ambitieux m'apparaît difficilement excusable. En effet, à l'heure actuelle, il n'existe aucune raison technique pour qu'une espèce végétale connue disparaisse. Nous disposons de tous les outils nécessaires. Nous avons simplement besoin de plus de financements et de personnels qualifiés. Non seulement les cryobanques de plantes devraient être plus développées, mais les plantes pourraient aussi être mieux conservées in situ, notamment via des actions locales efficaces comme la protection, l'amélioration et la restauration de l'habitat, la gestion des incendies, des herbivores et la lutte contre les mauvaises herbes, les ravageurs et les maladies.
Pour parvenir à l'objectif « zéro extinction » des plantes, il faudrait également achever l'inventaire mondial des plantes, notamment en numérisant les herbiers existants dans un grand herbier mondial en ligne. À ce propos, les collecteurs de plantes et les taxonomistes qui recensent les espèces dans des régions où personne ne le fait sont des héros botaniques et méritent d'être traités comme tels.
Si le « zéro extinction » peut apparaître comme un but lointain, des objectifs locaux sont réalisables dès aujourd'hui et s'avèrent particulièrement judicieux, car la grande majorité des espèces menacées sont des espèces endémiques nationales. Cela permettrait de combler les lacunes constatées actuellement au niveau mondial. Un projet aussi ambitieux requiert un objectif clair, c'est ce que je propose aujourd'hui.
Richard T. Corlett, professeur émérite du jardin botanique tropical de Xishuangbanna et chercheur honoraire aux jardins botaniques royaux de Kew.