Auprès de mon vieil arbre
Un peu partout en France, des citoyens prennent la défense des arbres. J’ai été frappée par Heidi, jeune femme de 20 ans qui s’était enchaînée au sommet du frêne centenaire de son village. Je suis admirative de l’engagement de Thomas Brail, jardinier arboriste, qui s’est perché en haut d’un platane planté en 1814, bloquant ainsi le projet d’aménagement et d’abattage de plusieurs arbres vénérables au pied de la tour Eiffel. Récemment, dans la lutte menée contre la construction de l’autoroute A69, les militants écologistes ont eu la bonne idée de donner des prénoms aux vieux platanes menacés.
Ces actions militantes ont ceci de remarquable qu’elles braquent les projecteurs sur cette entité si particulière qu’est un vieil arbre, ce roi du vivant qui ne mérite pas d’être englouti dans la logique des chiffres : un milliard d’arbres seront plantés d’ici 2032, a lancé le président de la République ; les projets de reboisement financés par des entreprises, qui augmentent ainsi leurs crédits carbone, se multiplient. Jusqu’au principe de compensation environnementale créé par la loi de 2016, qui conduit à une surenchère absurde. Par exemple, le concessionnaire Atosca promet de replanter cinq arbres pour chaque arbre sacrifié dans la construction de l’autoroute A69.
Mais comment peut-on mettre sur un même plan l’arbre qui a traversé des décennies, voire des siècles et celui tout juste sorti de la pépinière, chétif, taillé pour répondre aux contraintes du transport ?
Démultiplier les plantations n’a pas de sens si nous ne prenons pas conscience de l’importance de préserver les vieux arbres, dont le rôle est majeur. La botaniste et biochimiste Diana Beresford-Kroeger explique que ces arbres arrivés à maturité fournissent la totalité des nutriments essentiels au développement de l’ensemble du monde naturel. De son côté, le forestier Peter Wohlleben insiste sur leur capacité à stocker davantage de CO2 que leurs jeunes congénères.
Ces arguments ne sont pas entendus. Même en ville, où leur rareté devrait nous inciter à y faire attention, on les abat sans état d’âme, dès que l’on détecte la présence d’un parasite. En questionnant les raisons de telles décisions, je me suis souvent heurtée à des avis techniques bien peu étayés… et à l’indifférence. Les commanditaires et auteurs de ces abattages ne se montrent même pas désolés, n’imaginent pas que l’on aurait pu préserver ce spécimen dans la force de l’âge si on s’en était mieux occupé. À 120 ans, un arbre achève tout juste sa jeunesse !
Notre société est surtout séduite par la vitesse… Heureusement, elle compte encore bon nombre de flâneurs et de grimpeurs d’arbres invétérés.