Jean-Marie Pelt, l’espoir en héritage
J'ai rencontré Jean-Marie Pelt sur les bancs de la faculté de pharmacie où il enseignait la botanique, une discipline des plus rébarbatives pour certains, avec ses descriptions infinies des architectures florales.
Il la rendait vivante : il a su nous montrer que ce monde est unique et que les mêmes lois régissent le monde végétal, le monde animal et celui des hommes. Il quittait la description pour nous montrer que les plantes vivent en communauté, développant tantôt des attitudes de défense ou de coopération, tantôt des attitudes d’associativité ou d’individualisme, comme les hommes ont développé le libéralisme ou le collectivisme.
En nous faisant aimer et respecter les plantes, il nous a fait aimer et respecter les animaux et les hommes. Pendant quarante ans, nous avons collaboré et refait le monde. Également professeur de pharmacognosie (étude des plantes médicinales), Jean-Marie Pelt avait pressenti que l’écologie serait la discipline incontournable du XXIe siècle. Ainsi, il avait souhaité ouvrir un institut qui rassemblerait sciences de la vie et sciences de l’homme. C’est finalement à Metz que le pro- jet se concrétisera avec, en 1973, la création de l’Institut européen d’écologie (IEE). Le cloître franciscain des Récollets, qui date du XIVe siècle, fut alors restauré pour l’abriter.
Plusieurs thématiques y sont développées : l’écotoxicologie, l’écologie des milieux aquatiques, la microbiologie de l’environnement, l’ethnopharmacologie et l’écologie urbaine. Jean-Marie Pelt est le père de cette dernière discipline, et l’IEE a été un véritable laboratoire de pensées pour imaginer un aménagement écologique des centres-villes élaboré avec Roger Klaine. Premier adjoint à la ville de Metz de 1971 à 1983, il a pu mettre en place cette transformation dans la cité lorraine.
Après mes études en pharmacie et mon doctorat sur la médecine traditionnelle yéménite que je passai à sa demande, j’ai pu participer à la création de son laboratoire de recherches sur les plantes médicinales. Notre approche était tout à fait originale. Pour étudier une plante, on ne cherchait pas à identifier sa composition chimique comme le faisaient tous nos collègues, mais on vérifiait si ses indications thérapeutiques étaient efficaces. On a ainsi pu prouver la pertinence des savoirs traditionnels et confirmer leur efficacité dans 75 % des expériences. Nous avons ensuite créé une société savante: la Société française d’ethnopharmacologie. Président d’honneur, Jean-Marie Pelt avait présenté en septembre, comme chaque année, une conférence émouvante sur l’environnement et l’éthique aux participants de notre formation.
À l’instar de Malraux qui disait que « le XXIe siècle sera mystique ou ne sera pas », Jean-Marie Pelt a toujours été convaincu que notre siècle serait environnementaliste ou ne serait plus. Infatigable homme de synthèse, il a su aborder des thématiques très variées liées à l’environnement. Ainsi, dès 1997 il s’est fortement mobilisé contre le développement des plantes transgéniques alimentaires, prenant le risque de s’opposer à la science dominante et au pouvoir économique. Penseur humaniste, ardent défenseur de la nature et infatigable conférencier, il nous a fait prendre conscience des risques que court l’humanité à ne pas respecter la terre. Il venait d’achever un livre sur la biodiversité. Il nous a quittés le 23 décembre dernier, alors qu’il entamait un nouvel ouvrage autobiographique.