Dossier
Les champignons, une médecine à découvrir (4/5)
Anticancéreux, régénérants du système nerveux, protecteurs cardio-vasculaires… Nombre d'études prouvent désormais que les champignons méritent leur réputation d'aliments de longue vie et de protecteurs immunitaires. Voici un état des lieux du champ thérapeutique de ces espèces végétales, dont certaines sont encore peu connues en Occident. Et constituent une médecine à part entière.
Les champignons anticancéreux
Quelque 700 champignons possèdent des propriétés anticancéreuses a conclu une étude japonaise. Si en France, cette thérapeutique est loin d’être développée, l’Asie l’étudie et la pratique abondamment. C’est utilisée en tant qu’immunothérapie biologique en soutien des méthodes conventionnelles que la mycothérapie se montre particulièrement efficace. « Au minimum, les champignons réduisent la charge glycémique, cela évite la prolifération des cellules cancéreuses qui se nourrissent de sucre, ils apportent des antioxydants et soutiennent le système immunitaire », explique le pharmacien Rémy Ngo, auteur d’une thèse sur la mycothérapie. « Ils renforcent le système immunitaire affaibli par la radiothérapie et la chimiothérapie, ils potentialisent l’action antimutagène et anti-tumorigène », complète la chercheuse Hélène Daher, qui finalise sa thèse de pharmacie intitulée « Mycothérapie, cancer et immunité ». « Par contre, on prendra la mycothérapie entre les traitements allopathiques afin d’éviter toute interaction médicamenteuse », conseille Rémy Ngo.
Les études scientifiques, asiatiques pour la plupart, concernent de très nombreux champignons. C’est le cas par exemple du kawarataké au Japon ou yun-zhi en Chine ( Coriolus versicolor) ou du reishi ( Ganoderma lucidum) qui possèdent de puissantes propriétés antivirales, antitumorales en plus d’être des agents engendrant la mort des cellules cancéreuses. Au Japon dans les années 1970, un chercheur a découvert chez le Coriolus versicolor, deux principes actifs nommés PSK et PSP. Le polysaccharide PSK est d’ailleurs largement utilisé au Japon en immunothérapie dans le traitement de certains cancers, notamment celui du poumon, selon Hélène Daher.
Cependant, le Coriolus versicolor figure parmi les champignons médicinaux chinois interdits de libre commercialisation en Europe. On le trouve, soit dans la nature pour les spécialistes, soit en complément alimentaire mais en association avec d’autres champignons médicinaux.
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Le champignon du soleil booste l’immunité
Dans la région de Piedade, au Brésil, les autochtones développent peu de cancers et jouissent d’une étonnante longévité. Un phénomène dû, selon les scientifiques, à leur consommation d’un champignon endémique, l’agaric du Brésil (Agaricus subrufescens ou Agaricus blazei). Nommé champignon des dieux, il est aujourd’hui étudié et utilisé pour ses propriétés immunostimulantes. Il contient en effet la plus grosse quantité de polysaccharides aux vertus anticancéreuses, dont le L-agaritine en grande quantité (1 gramme par kilo), capable de stimuler les globules blancs de l’organisme, notamment les lymphocytes T et de neutraliser les cellules tumorales (en particulier les cellules leucémiques). Par ailleurs, il a démontré ses effets antidiabétiques, hypocholéstémiants et hypoglycémiants grâce à sa richesse en...
bêta-glucanes. Il possède aussi des propriétés anti-inflammatoires, antibactériennes et antivirales grâce à sa forte teneur en terpènes. L’hépatologue Bruno Donatini conseille d’en consommer 200 milligrammes deux fois par jour pendant au moins six mois afin d’obtenir des effets sur l’immunité antivirale et antitumorale. En France, il est vendu sous forme de complément alimentaire sous le nom de champignon du soleil.
Le bien connu shiitaké (Lentinula edodes), champignon le plus consommé au monde après le champignon de Paris, contient un lentinane, polysaccharide immunostimulant qui bloque la prolifération des cellules cancéreuses et a montré une efficacité dans les cancers digestifs (côlon, estomac). Il contient également du bêta-D-glucane utilisé en injection dans le cadre des traitements anticancéreux au Japon. Avec son goût de pomme de terre, le maitaké (Grifola frondosa) s’est montré bénéfique dans le traitement des cancers du sein et de la vessie. C’est également un tonique, adaptogène qui augmente la résistance de l’organisme à différents types de stress. Utile, quand on connaît l’état psychologique des patients en cancérologie. À l’instar de ces champignons, l’hydne hérisson, est capable d’activer l’apoptose (mort cellulaire). Il possède cinq polysaccharides qui montrent un intérêt contre les tumeurs des tissus conjonctifs, ainsi que des lectines (protéines) qui se sont avérées efficaces contre des cellules tumorales mammaires ou hépatiques. Aussi, le bien connu reishi ( Ganoderma lucidum), surnommé champignon de l’immortalité, « contient plus de 200 principes actifs parmi lesquels des triterpènes et les polysaccharides, principaux vecteurs de l’activité anticancéreuse », précise Hélène Daher. « En cas de chimiothérapie, je le conseille car son action régénérante hépatique, comparable à celle du desmodium, s’ajoute à son effet immunostimulant », explique le mycothérapeute Alain Tardif. Selon lui, « chez un patient qui présente un cancer évolutif, c’est souvent le champignon utilisé en priorité pour mieux tolérer le traitement, renforcer le foie et stimuler l’immunité, tandis que le maitaké sera davantage privilégié en phase de rémission. »
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Du maitaké contre le cancer du sein
Le cancer du sein est le cancer le plus fréquemment observé chez les femmes en France. Il représente d’ailleurs plus du tiers de l’ensemble des nouveaux cas de cancer chez la femme. Bonne nouvelle : « Des études ont révélé que les polysaccharides – dont le bêta-glucane du maitaké (appelé Grifola frondosa) –, induisent la mort des cellules cancéreuses du sein », explique la chercheuse Hélène Daher. En effet, ces polysaccharides ont la capacité de stimuler le système immunitaire, par l’activation des macrophages, des cellules T et des cellules tueuses naturelles (NK). D’autres recherches ont permis d’observer une réduction importante des tumeurs à la suite d’une consommation de maitaké durant plusieurs jours. Des preuves expérimentales qui démontrent le potentiel du champignon dans le traitement de ce cancer.
Son action peut également être complétée par le champignon du soleil (Agaricus subrufescens) ou le chaga (Inonotus obliquus). Plusieurs tests cliniques effectués au Japon, en Russie et en Chine sur le chaga démontrent que celui-ci transforme la bettuline du bouleau en acide bettulique, aux propriétés antioxydantes et antitumorales très puissantes. Son aspect fait d’ailleurs penser à une sorte de cancer du bouleau, illustrant l’ancienne théorie des signatures, qui fait le lien entre les maladies et l’apparence des végétaux. « J’ai des résultats remarquables chez des patients dont les tumeurs ont été réduites de moitié en l’espace de quatre à cinq mois », assure Alain Tardif. De plus, il favorise la cicatrisation des tissus infectés par la tumeur et permet de mieux supporter les traitements anticancéreux. En ce qui concerne les effets secondaires dus à la radiothérapie, Alain Tardif recommande la trémelle (Tremela fuciformis).
Renforcer son organisme face au VIH
En tant que stimulants du système immunitaire, les champignons sont intéressants en cas d’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Le pharmacien Rémy Ngo conseille un mélange de maitaké et de shiitaké : « Avec le complément alimentaire Stimyl, on observe une augmentation des plaquettes sanguines, en chute chez les patients. » Un autre complément, Immune Assist, mise sur les bêta-glucanes du Cordyceps sinensis. Aussi, d’autres polysaccharides, en particulier les sulfates de lentinane, de dextrane et de glycyrrhizine, ont une action antivirale contre le virus du VIH. On les trouve chez le pleurote en huître, l’amadouvier (Fomes fomentarius) ou encore le buna shimeji (Hypsizygus marmoreus).
Enfin, certains champignons comme le Cordyceps sinensis possèdent un effet antiprolifératif. « En plus d’être hypoglycémiant, il semble bloquer le métabolisme du cholestérol qui entre dans la composition de la membrane cellulaire, ce qui aura pour effet d’empêcher la division des cellules cancéreuses », explique le naturopathe. Enfin, le Phellinus linteus, également appelé mesima du sabot ou moisissure noire, est capable d’empêcher la formation de tumeurs métastasiques en perturbant l’agglutination des cellules cancéreuses.
De la cueillette à l’assiette
Bien choisir ses champignons
Certaines des substances qui composent les champignons sont connues pour capter des métaux lourds, mais aussi la radioactivité. C’est pourquoi il faut se montrer exigeant à l’achat. Sylvie Simonnet, naturopathe, spécialisée en mycothérapie, recommande de faire attention à leur origine. « Ce sont de véritables éponges. Méfiez-vous par exemple des shiitakés de supermarché, ils proviennent souvent de Pologne, une zone encore touchée par la radioactivité. » Préférez les champignons de votre terroir ou quand ils sont cultivés – ce qui se développe – choisissez un label bio. On les achète les plus frais possible (fermés) ou conservés réfrigérés. Quand ils sont emballés, le film plastique doit être perforé, afin de permettre une circulation d’air. En effet, de mauvaises conditions de conservation peuvent conduire à une intoxication alimentaire grave sans que l’apparence, l’odeur ni le goût des champignons ne soient changés. Pour les personnes tentées par la cueillette, le naturopathe Alain Tardif met en garde : « S’ils poussent trop proches d’une route, il peut y avoir un risque d’intoxication au plomb ».
À savoir : pour les conserver, la congélation ou la déshydratation sont des bonnes solutions.