Le figuier de Barbarie, piquant mais délicieux !
Il n'a rien à voir avec un figuier, si ce n'est que ses gros fruits sont comestibles. Cependant, n'approchez ces derniers qu'avec circonspection, car le figuier de Barbarie sait se défendre ! Voici comment s'y prendre.
La première fois que j’ai rencontré ce cactus, au-dessus du Lavandou, dans le Var, j’avais 19 ans et personne ne m’avait prévenu qu’il fallait s’en méfier à ce point ! Oh, je savais bien que ses fruits étaient couverts de minuscules épines nommées « glochides », et qu’on devait les manier avec précaution. Je me munis donc pour les décrocher de leurs « raquettes » d’un bâton dont j’avais fendu en trois l’extrémité, la maintenant ouverte avec de petits morceaux de bois. Le procédé fonctionna très bien : je ne me piquai pas en cueillant les belles figues de Barbarie violettes et dodues que la plante portait en abondance. Mais, première erreur, je les fis tomber dans un sac en toile dont l’intérieur se couvrit de petits piquants crochus qui traversèrent le tissu et s’incrustèrent dans mes doigts dès que je le manipulai – je dus, au final, jeter le sac…
Deuxième erreur, j’omis de vérifier qu’il ne restait plus un seul de ces poils terribles sur les fruits avant de les fendre en deux et d’en déguster la pulpe savoureuse – bien qu’emplie d’innombrables petites graines à ne pas avaler pour éviter le risque d’une occlusion intestinale. Résultat : je vécus pendant une semaine avec la sensation très désagréable d’avoir mordu dans une pelote d’épingles, dont une dizaine se seraient plantées dans mon palais d’où j’essayais constamment de les déloger avec ma langue. Je ne souhaite jamais revivre cette expérience.
Depuis, je prends grand soin de laver longuement les fruits sous le jet d’une douche afin de déloger tous les indésirables. Et ça marche. Après, je les pèle en en retirant le sommet avec un couteau bien aiguisé (la peau est dure), puis je les coupe en deux et déguste leur chair colorée, aromatique, sucrée et acidulée. La figue de Barbarie est un fruit sous-apprécié. Encore populaire en Afrique du Nord, on la trouve parfois sur les marchés, dans le Midi ou à Paris, à très faible prix – et soigneusement débarrassée de ses glochides. Rares cependant sont les personnes qui la connaissent. Elle se mange telle quelle, en dessert, mais ses nombreuses graines sont parfois jugées désagréables. On pourra faire cuire ces fausses « figues » avec un peu de sucre et les passer à travers un moulin à légumes à grille à gros trous pour éliminer les graines (une passoire trop fine serait bouchée par le mucilage de la pulpe), et cuire le jus obtenu en un sirop plus ou moins concentré.
Les fruits de cactus formaient une partie importante de l’alimentation des populations vivant dans les déserts américains. De nombreuses espèces donnent des fruits de taille et de qualité intéressantes. Nommés tunas en espagnol, ils servaient à préparer du miel de tuna, de la melcocha et du queso de tuna (des pâtes de fruits de consistance variable), fleurons de la gastronomie préhispanique que l’on peut toujours déguster dans quelques coins reculés du Mexique. Le figuier de Barbarie n’est pas qu’un arbre fruitier : c’est aussi un légume très apprécié en Amérique centrale. Les jeunes « raquettes » (qui sont en fait des tiges aplaties et capables de photosynthèse plutôt que des feuilles) se montrent très tendres dans leur prime jeunesse, et pratiquement dépourvues d’épines. C’est alors qu’il faut les récolter pour les cuisiner. Elles sont très riches en mucilage, substance gluante que l’on élimine partiellement par une ébullition dans de l’eau. Ensuite, les nopales, comme on les nomme au Mexique, sont cuisinés de diverses façons : le plus souvent, on les fait revenir à la poêle, avec des épices, parfois en omelette ou encore en salade.
Les cactus ne sont donc pas que des décors de westerns, mais avant tout des plantes d’une grande utilité, ayant permis à des peuples entiers de survivre dans des régions parmi les plus inhospitalières du globe.
Mon herbier
Le figuier de Barbarie (Opuntia ficus-indica) est une plante vivace de 1 à 2 m, voire davantage, d’aspect remarquable. Ses tiges aplaties, de couleur verte (car chlorophylliennes), sont formées d’articles charnus, ovales ou oblongs, dépourvus de feuilles mais couverts d’épines, portant à leur surface un faisceau de glochides barbelés aisément détachables. Elles deviennent ligneuses avec l’âge et peuvent former de véritables troncs. Les fleurs, disposées au bord des articles supérieurs, sont grandes (5 à 6 cm de diamètre), avec de nombreux pétales jaunes ou rougeâtres. Elles s’épanouissent de mai à juillet. Les gros fruits ovoïdes, ombiliqués au sommet, sont rougeâtres, violacés ou parfois jaunâtres. Ils sont charnus et juteux, parsemés de faisceaux de glochides, et renferment des dizaines de graines noires.
Recette sauvage : nopales à la mexicaine
Ingrédients :
- 500 g de jeunes nopales
- Eau
- Sel
- 1 piment frais
- 1 jus de citron
- 3 cuillerées à soupe d’huile d’olive
Préparation :
- Débarrassez soigneusement les tiges de leurs petites épines, s’il s’en trouve, en les brossant sous l’eau, puis coupez-les en morceaux et mettez à bouillir dans de l’eau salée pendant 5 minutes.
- Coupez le piment en petits morceaux et mettez-le dans le jus de citron avec un peu de sel.
- Égouttez les nopales, puis faites-les revenir à l’huile d’olive dans une poêle.
- Débarrassez-les dans le plat de service et versez dessus le jus de citron pimenté.