La moutarde, n'en prenez pas que la graine
La moutarde n’est pas seulement le célèbre et indispensable condiment de toutes les cuisines. C’est une plante très commune, que vous avez sans doute déjà rencontrée, sans même le savoir. Mais aussi un excellent légume, trop peu connu.
Comme tout un chacun, sans doute, je connais la moutarde depuis mon enfance… Sous forme de pots en verre, emplis d’une pâte jaune et piquante qui accompagnait les andouillettes dont raffolait mon père. Ce n’est que bien plus tard que j’appris que ce condiment puissant se préparait avec les graines de plusieurs plantes, cultivées dans ce but. Je découvris donc les petites billes jaunes de la moutarde blanche, celles sombres de la moutarde noire et les brunes de la moutarde de Chine ou de Sarepta. Les diverses moutardes du commerce résultent des mélanges en proportions variables des grains goûteux de ces trois espèces. Mais je me demandais d’où ils venaient…
Les vertus de la moutarde noire
Plus tard, lorsque ma passion pour les plantes put se donner libre cours, j’eus l’occasion de rencontrer la plante en vrai – la moutarde noire, du moins. C’est d’ailleurs une espèce très courante, qui entre dans la catégorie détestée des « mauvaises herbes », ou « adventices » comme on dit lorsqu’on châtie son langage… Je ne sais plus trop où je l’ai vue pour la première fois, mais je me souviens très bien que lorsque je vivais en Californie j’en faisais mes délices ainsi que celui de mes amis.
La moutarde noire est certainement l’un de mes légumes sauvages préférés, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle abonde dans ses terres remuées de prédilection, ce qui n’est pas un mince avantage : il n’y a aucun risque de voir diminuer ses populations, même par une ample cueillette. Et puis, elle est facile à reconnaître. On commence par l’identifier grâce à ses jolies fleurs jaune vif en bouquets colorés au sommet des tiges, puis elle vous tape...
dans l’œil et, dès l’année suivante, vous reconnaissez sans vous tromper ses grandes feuilles d’un vert sombre un peu découpées, d’aspect terriblement appétissant.
Mais c’est surtout parce qu’elle est bonne que je l’aime, je l’avoue. Crue, elle est piquante et relève les salades de son intéressante saveur. Mais comme de toutes les plantes de sa famille, les Brassicacées ou Crucifères, il ne faudrait pas en abuser, du fait de sa richesse en hétérosides sulfurés qui libèrent une essence irritante. Pour manger en quantité la moutarde noire, il faut la faire cuire et l’on peut la préparer de tellement de façons différentes que vous n’aurez que l’embarras du choix. Simplement cuites à l’anglaise (dans une grande quantité d’eau salée, puis rafraîchies à l’eau très froide) et servies avec un filet d’huile d’olive et un jus de citron, les feuilles de moutarde noire sont délicieuses. Vous en préparerez aussi, entre autres, des quiches, des gratins et des lasagnes « sauvages ». Mais pensez aussi aux jeunes pousses – la tige tendre avec les boutons floraux – que vous cueillerez au printemps. Je les apprécie juste cuites croquantes à la vapeur. Les fleurs décorent et aromatisent tous les plats auxquels vous penserez. J’en prépare une onctueuse sauce à salade en la mixant avec un yaourt, un peu de vinaigre, de l’huile d’olive et du sel. Son goût est à la fois fleuri et piquant comme… la moutarde. Avec les graines, vous pourrez d’ailleurs préparer une moutarde digne de ce nom en les écrasant et en les mélangeant avec un peu de vinaigre et du sel.
Son essence aromatique confère à la moutarde noire des vertus apéritives, digestives et antiseptiques, qu’elle partage avec tous les membres piquants de sa grande famille.
Herbier
La moutarde noire est une plante annuelle de 60 cm à 120 cm, vivant souvent en groupe. Sa tige dressée et rameuse présente des rameaux étalés. Les feuilles inférieures forment une grosse touffe à la base de la plante. Munies d’un épais pétiole, elles sont profondément divisées en segments un peu dentés, le terminal beaucoup plus grand que les autres. Les feuilles caulinaires, alternes, sont étroites et allongées, plus ou moins entières. Toutes sont d’un beau vert un peu sombre, luisantes, un peu charnues et couvertes de poils raides. Les fleurs, réunies en grappes allongées à l’extrémité des rameaux, portent 4 pétales jaunes en croix, comme c’est toujours le cas dans sa famille. Elles fleurissent d’avril à octobre. Les fruits sont des siliques dressées, appliquées contre les tiges, à bec allongé, remplies de petites graines sphériques, sombres. Présents en même temps que les fleurs, ils sont portés en dessous d’elles sur les rameaux. La moutarde noire se rencontre comme adventice dans les jardins, les champs, les terres remuées et les décombres.
Recette sauvage
Lasagnes vertes
Ingrédients
- 1 kg de lasagnes
- 500 g de feuilles de moutarde noire
- 3 oignons
- 5 gousses d’ail
- 3 c. à s. d’huile d’olive
- 4 tomates
- thym
- sarriette
- 200 g de mozzarella
- Portez de l’eau salée à ébullition dans une grande casserole, jetez-y les lasagnes par 5 à la fois. Égouttez-les dès qu’elles sont cuites (encore un peu fermes), passez-les rapidement sous l’eau froide et étalez-lez sur un linge en les séparant pour qu’elles ne collent pas entre elles.
- Faites cuire à l’eau les feuilles de moutarde noire, puis égouttez-les.
- Mettez à fondre, dans une cocotte, les oignons et l’ail dans 2 c. à s. d’huile d’olive. Lorsqu’ils sont revenus, ajoutez les tomates pelées et coupées en morceaux. Parfumez de thym et de sarriette et laissez réduire longuement à feu doux.
- Disposez dans un plat huilé : une couche de lasagnes, une couche de feuilles de moutarde hachées, une couche de sauce tomate, une couche de mozzarella coupée en tranches et alternez ainsi jusqu’en haut en terminant par le fromage. Versez en filet l’huile d’olive restante.
- Laissez cuire 30 à 40 min. à four moyen, jusqu’à ce que le dessus soit bien doré.