La campanule raiponce, fée clochette des assiettes
Délicieux légume oublié autant qu'ornemental, la campanule raiponce plaît à tous ceux qui la connaissent. Nous vous invitons donc à découvrir tous les attraits de cette plante aux jolies fleurs en clochettes, qui trouve autant sa place au potager que dans la nature.
Lorsque je randonnais avec ma mère à travers les prairies alpines, elle ne manquait jamais de me faire admirer les « clochettes » bleu pâle des campanules qu’elle appréciait particulièrement, semble-t-il. Aussi ces jolies fleurs des prés continuent-elles, aujourd’hui encore, à me rappeler de joyeux souvenirs. En avançant dans l’exploration de la flore, je découvris qu’il en existait un grand nombre d’espèces dans les environnements les plus divers, des rochers escarpés aux bois les plus profonds. Toutes se reconnaissent facilement à leurs corolles de forme remarquable qui leur a donné leur nom, du latin campana, cloche.
Quand je me mis à m’intéresser plus particulièrement aux vertus alimentaires des végétaux pour me nourrir dans la nature, j’appris que plusieurs espèces étaient comestibles. Qui plus est, elles possédaient des racines charnues, ce qui s’avérait très appréciable. La plus connue en ce sens était la campanule raiponce dont l’épithète provient du latin rapunculus, un diminutif de rapa, racine.
Je partis donc par les chemins à la rencontre de la belle, que je ne tardai pas à dénicher. En effet, elle n’est pas rare et je n’eus pas de mal à l’identifier grâce à ma bonne vieille Flore de Bonnier [Flore complète portative de la France, de la Suisse, de la Belgique, de Gaston Bonnier et Georges de Layens, NDLR]. Et cela en valait la peine : sa racine est tendre et douce, très agréable à manger crue, même si je préfère la couper en morceaux et la faire doucement revenir dans une poêle huilée. Par la suite, je tentai d’y appliquer de nouvelles recettes et n’eus qu’à m’en féliciter. Le tout est de ne pas trop la faire cuire afin de lui garder un léger croquant fort agréable qui relève...
encore son élégante saveur.
Herbier
La campanule raiponce (Campanula rapunculus) est une plante bisannuelle ou vivace de 40 cm à 1 m. Sa tige dressée, élancée, rameuse vers le haut, porte des feuilles alternes, entières, à limbe ondulé ou légèrement crénelé. Les feuilles inférieures, atténuées en pétiole à la base, sont souvent élargies vers le sommet. Les feuilles de la tige, très allongées et étroites, sont aiguës au sommet, avec un limbe se prolongeant sur la tige. Les fleurs, en clochette bleue caractéristique du genre, sont formées de 5 pétales soudés entourés d’un calice de 5 sépales étroits et aigus. Disposées en une longue grappe rameuse, lâche et étroite, elles s’épanouissent de mai à août. Les pédoncules des boutons floraux sont dressés et appliqués sur l’axe de l’inflorescence, puis ils s’allongent et se recourbent vers le bas jusqu’à être perpendiculaires à l’axe lors de la floraison. Les fruits sont des capsules dressées.
La plante affectionne les bois ouverts, les prés, les pâturages, les bords des chemins et d’une façon générale les lieux secs, souvent sur sol calcaire, jusqu’à plus de 1 000 m d’altitude. Elle est commune dans presque toute l’Europe.
Sa cueillette est facilitée par le fait que la racine reste bonne même quand la hampe florale s’est développée, ce qui facilite grandement la reconnaissance de la plante. Il est pourtant fréquent, dans le Midi, de la récolter au stade de la rosette : les « reponchons » (à ne pas confondre avec les « rispounchous » tarnais, jeunes pousses du tamier commun) forment une salade printanière très appréciée. On ramasse les feuilles avec la partie supérieure de la racine, que l’on déguste avec de l’huile d’olive et du vinaigre. On peut aussi les faire cuire. Il faut cependant se souvenir qu’en coupant la racine d’une plante on la tue et donc qu’il ne faut le faire que là où la plante abonde véritablement.
Depuis le Moyen Âge, la campanule raiponce a été cultivée dans les potagers comme légume feuille et racine. Elle était alors très appréciée, mais elle tomba dans l’oubli à la fin du XIXe siècle. L’une des causes pour laquelle cette excellente plante n’est plus à l’ordre du jour tient à la petite taille de ses semences qu’il faut mélanger à du sable avant de les mettre en terre. La seconde raison vient tout simplement du fait qu’elle est passée de mode, comme bien d’autres légumes oubliés… Il est possible de se procurer ses graines sur certains sites spécialisés et de la mettre dans son jardin pour profiter à la fois de ses vertus alimentaires et de ses qualités ornementales.
D’autres espèces ont été récoltées pour leur racine, semblables à celle de la campanule raiponce. Il s’agit de la campanule carillon ( Campanula medium), de la campanule fausse raiponce (Campanula rapunculoides) et de la campanule gantelée ( Campanula trachelium). Ce sont des plantes plus massives, aux feuilles plus larges et aux fleurs plus grosses. Une confusion serait sans danger car aucune, parmi les 24 espèces de campanule présentes en France, n’est toxique. Attention cependant, on nomme aussi « raiponce » les différentes espèces du genre Phyteuma, des cousines appartenant également à la famille des Campanulacées. Elles se consomment de même façon.
Recette sauvage
Campanule raiponce à la polonaise
Ingrédients :
- 500 g de racines de campanule raiponce
- 30 g de beurre
- 50 g de farine
- 2 verres de lait
- 20 g de câpres au vinaigre
- 30 g de cornichons
- sel
- Faites cuire les racines de campanule raiponce à l’eau salée ou à la vapeur.
- Préparez une sauce blanche avec le beurre, le sel, la farine et le lait.
- Ajoutez-y les câpres et les cornichons finement hachés.
- Coupez la campanule raiponce en tranches, et servez-la chaude, nappée de la sauce acidulée.