Le cakilier : un condiment du bord de mer
Peu de plantes peuvent pousser à la limite des vagues, dans un milieu sableux et salé. Parmi elles, le cakilier que l'on peut rencontrer sur tous les littoraux se fait remarquer par sa puissante et curieuse saveur piquante.
À peine arrivé sur la plage, je la longe pour aller saluer le cakilier que je suis pratiquement sûr de trouver là, juste au-dessus de la limite supérieure des marées. Je ne peux le rater, avec ses feuilles lobées et charnues et ses jolies fleurs rose pâle. Qu’il pousse au bord de la Manche, de l’Atlantique ou de la Méditerranée, il ne change pas, il reste toujours le même, humble, mais plein de ressources cachées, comme nous allons le voir.
Le cakilier, je le connais depuis que je fréquente le littoral, ce qui fait déjà de bien nombreuses années… Et puis, il est presque seul à habiter ce milieu inhospitalier, sableux et salé. Quelques arroches lui tiennent bien compagnie, ces cousines de l’épinard aux feuilles en triangle, et les oyats ou roseaux des sables le dominent de la hauteur de la dune où ils croissent. Cependant, les conditions qu’impose le sable filtrant et le sel toxique éliminent d’emblée la plupart des végétaux. Il leur faut en effet pouvoir résister à une sécheresse presque permanente et stocker le chlorure de sodium dans des parties de la plante où il ne viendra pas interférer avec ses processus physiologiques. Cela dit, le sol s’enrichit en azote du fait de la décomposition des laisses de mer, composées d’algues et des zostères ramenées par les marées.
Chaque fois que je vois le cakilier, je ne peux m’empêcher de croquer une de ses feuilles pour le plaisir ambigu de sentir en bouche le curieux goût pharmaceutique que possède leur jus. En ce sens, leur saveur piquante et légèrement amère m’évoque celle du wasabi japonais, cette plante...
mythique de l’archipel nippon à laquelle on substitue habituellement, pour des raisons commerciales, le raifort commun. Pourtant, le cakilier me rappelle l’éther, ce qui n’est pas très agréable en soi, je le concède, mais ne représente qu’un à-côté : je l’accommode en mélangeant ses feuilles avec des oignons et des cornichons, ce que je trouve très réussi comme condiment. Je l’ai également essayé tel quel avec un sashimi de poisson – somme toute logique puisque nous sommes au bord de la mer et, je le trouve nettement plus intéressant que le faux wasabi en tube ! Pour en avoir toute l’année, je le conserve au vinaigre à la façon des pickles. J’en confectionne aussi une sauce relevée en le mixant avec des échalotes, un peu de sel et de l’huile d’olive, et je vous le recommande préparé de cette façon pour relever la fadeur des pommes de terre.
Herbier
Le cakilier (Cakile maritima) est une plante annuelle glabre de 10 à 30 cm de hauteur. Sa tige porte dès la base, parfois ligneuse, de nombreux rameaux étalés, puis redressés. Ils sont couverts de feuilles alternes, allongées, à marges sinueuses, à dents arrondies. Les feuilles supérieures sont découpées en lobes étroits et allongés, inégaux, obtus, entiers ou dentés. Toutes les feuilles sont charnues et emplies d’un jus salé. Les fleurs, assez grandes, présentent quatre pétales en croix de couleur rose pâle. Elles sont réunies en courtes grappes au sommet des rameaux et paraissent de mai à octobre. Le fruit est une silique dure de forme caractéristique constituée de deux parties ne s’ouvrant ni l’une ni l’autre et renfermant chacune une seule graine. La partie inférieure de la silique possède deux cornes. La plante pousse sur les sables littoraux de la mer du Nord jusqu’en Méditerranée, à la limite supérieure de l’estran, la zone régulièrement couverte et découverte par les marées.
J’aime décorer des fleurs de cakilier mes salades maritimes : l’effet est toujours réussi, car les papilles en profitent autant que les yeux. Elles se montrent tout aussi puissantes que les feuilles, avec un petit quelque chose de sucré en plus, sans doute dû au nectar qu’elles contiennent et qui attire leurs pollinisateurs. Quant aux fruits, de forme bien curieuse, ils explosent carrément en bouche, à condition de les choisir très jeunes, car ils deviennent bientôt durs comme du bois…
L’un des surnoms du cakilier est roquette de la mer, ce qui dénote sa parenté avec le légume bien connu et, au-delà, avec la moutarde, le chou, le navet et bien d’autres plantes au sein de la vaste famille des brassicacées ou crucifères. Le goût piquant de ces divers végétaux est dû à des substances soufrées, des isothiocyanates, qui leur confèrent d’une façon générale des propriétés apéritive, digestive et antiseptique. Comme le cranson, son cousin des rochers, le cakilier était parfois emporté au cours de leurs voyages par les marins qui connaissaient sa richesse en vitamine C permettant d’éviter le scorbut.
Recette sauvage : cakilier au vinaigre
Ingrédients : 500 g de feuilles et de jeunes tiges de cakilier • 1 l de vinaigre de vin • herbes aromatiques ou épices.
- Mettez les plantes en bocaux, en tassant bien.
- Recouvrez de vinaigre en vous assurant que les feuilles et les tiges sont parfaitement recouvertes.
- Afin de parfumer les conserves, vous pouvez intercaler, entre les plantes, des herbes aromatiques ou des épices.
- Après avoir refermé soigneusement les bocaux, il est préférable d’attendre un mois avant de consommer.
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