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La cardamine, un cresson en miniature

La cardamine, un cresson en miniature

Il y a des plantes tellement humbles et communes qu'on a tendance à les oublier. Je voudrais ici rendre justice à la petite cardamine hirsute, qui pousse sur le moindre balcon et dont les vertus gustatives autant qu'alimentaires méritent mieux que le dédain.

Lorsque je tentais timidement de jardiner, voici de bien nombreuses années, il m’arrivait souvent d’apercevoir dans mes plates-bandes une petite plante aux touffes délicates de feuilles découpées qui donnait par la suite de minuscules fleurs blanches à quatre pétales et des fruits minces et allongés. Lorsque je goûtai ses feuilles, toujours curieux d’apprendre, je leur découvris une saveur piquante qui me rappela à s’y méprendre celle du cresson. Ce végétal très ordinaire, c’était la cardamine hirsute. Il était alors difficile de trouver de la documentation sur les plantes sauvages comestibles, mais je finis par apprendre que je pouvais la consommer. Je me mis donc à expérimenter. J’en fis de très bonnes salades, en mélange avec de la laitue et des carottes râpées, entre autres combinaisons, où elle apportait sa saveur piquante caractéristique. Je la fis cuire en légume, revenir avec des oignons et des carottes, je l’expérimentai en tartes et en soufflés et elle devint l’une de mes plus fidèles compagnes végétales.

Cueillette

  • Feuilles : quasiment toute l’année dans les régions dont le climat est doux.

Il s’agit, certes, d’une plante miniature qui ne produit pas les abondants tapis de son cousin le cresson, mais elle a le mérite de se rencontrer partout, dans toutes les terres remuées, et de former souvent de petites colonies nées de ses graines extrêmement fécondes. Je serais d’ailleurs surpris que vous n’en ayez pas déjà sur votre balcon si vous habitez en ville, ou dans votre jardin. Vous la reconnaîtrez facilement : c’est une « mauvaise herbe », qui présente au printemps de jolies rosettes de feuilles découpées en nombreuses folioles arrondies, la terminale un peu plus grande.

Pour en être sûr, goûtez une feuille – aucune plante toxique ne lui ressemble – pour vous assurer de son appartenance à la grande famille des brassicacées, ou crucifères, qui compte, outre le cresson, des plantes aussi diverses que la...

moutarde, le chou, le navet, le radis et la roquette. Leur saveur commune est due à une essence soufrée née d’une molécule particulière nommée « glucosinolate », sur laquelle sera venue agir une enzyme contenue dans une autre partie de la cellule. C’est ce qui se produit lorsqu’on triture la plante entre ses doigts ou que l’on mastique les feuilles de la roquette ou les graines de la moutarde. Il se trouve que nous apprécions la sensation produite sur notre langue… du moins jusqu’à un certain point, car de plus grandes quantités peuvent irriter les muqueuses, voire provoquer des cloques et léser les tissus : on dit que la plante est rubéfiante et vésicante. Mais cette propriété empêche les prédateurs de détruire excessivement le végétal.

herbier

La cardamine hirsute (Cardamine hirsuta) est une petite plante annuelle de 10 à 20 cm de hauteur. Les feuilles forment majoritairement une rosette dense et la tige en porte quelques-unes. Les feuilles basales sont découpées en 5 à 9 lobes arrondis. Les petites fleurs présentent 4 pétales blancs dressés. Contrairement aux autres plantes de sa famille, à 6 étamines, la cardamine hirsute n’en a généralement que quatre. Les fruits sont d’étroites siliques dressées. Elles éclatent au moindre frôlement une fois mûres, projetant les petites graines au loin. La plante est commune sur les terres nues des bords de chemins et des cultures, mais aussi sur les murs et les rochers, presque dans le monde entier.

Il serait inexact de penser que ce dernier fabrique cette substance chimique pour se protéger. Il s’agit en fait d’une évolution suivie d’une sélection. Au cours de dizaines de milliers d’années, certaines plantes se sont mises à produire de telles substances répulsives et elles ont été sélectionnées au fil des générations, car ce caractère, pourtant coûteux à mettre en place, représentait un avantage. Les exemplaires dotés de ces possibilités se sont maintenus à travers les temps, tandis que ceux qui ne la possédaient pas ont été éliminés : il s’agit donc d’un avantage évolutif et non d’une volonté de la part de la plante.

Leur essence sulfurée confère à la plupart des crucifères des propriétés apéritives, digestives et antiseptiques. Ajouter de la moutarde à un plat, par exemple, stimule la production de sucs digestifs et permet à des mets un peu lourds de mieux « passer ». Il importe pour ce faire d’utiliser la plante crue, ce qui est le cas des graines de moutarde ou des feuilles de roquette. En effet, cette essence est très volatile et la cuisson l’évapore, ce qui permet d’utiliser ces plantes non plus comme condiments mais comme légumes, et donc en plus grande quantité – par exemple de manger beaucoup de choux ou de navets.

Revenons à notre cardamine. Pour la cueillir, deux solutions : soit la récolter patiemment, feuille après feuille, si l’on veut se contenter d’en ajouter quelques-unes aux salades pour les relever ; soit couper la rosette à la base comme on le fait pour les pissenlits et recueillir la touffe entière. Chacune est certes petite, mais la plante pousse avec une telle abondance qu’il est facile d’en cueillir suffisamment pour en préparer une soupe savoureuse. Si le climat est assez doux, on peut en récolter presque toute l’année, sinon le froid ou la sécheresse la feront disparaître quelque temps.

Le genre cardamine comporte de nombreuses espèces, certaines très communes. La cardamine impatiente (C. impatiens) est ainsi nommée parce que ses fruits explosent à maturité, projetant dans toutes les directions ses petites graines jaunes. La cardamine des bois (C. flexuosa) jonche le sol de ses jolies rosettes circulaires. Je ne la rencontre pas très souvent, mais c’est toujours un grand plaisir d’en voir les touffes régulières, souvent bien fournies, au bord des chemins forestiers. Nous avons déjà parlé de la cardamine des prés (C. pratensis) aux jolies fleurs roses, et je vous présenterai prochainement la cardamine amère (C. amara), que je surnomme le « wasabi sauvage » du fait de sa remarquable saveur…

Recette sauvage

Ingrédients : Quelques touffes de cardamine hirsute • 1 poignée de laitue à feuilles de chêne • 1 poignée de chicorée de trévise • 1 poignée de pousses d’épinards • 1 petit fromage de chèvre • 3 cuillerées à soupe d’huile d’olive • 1 cuillerée à soupe de vinaigre balsamique • 1 pincée de sel.

  1. Hacher grossièrement les différentes feuilles et les mêler dans un saladier.
  2. Couper le fromage en petits morceaux.
  3. Ajouter l’huile, le vinaigre et le sel. Bien mélanger le tout.
  4. Servir cette salade en accompagnement de céréales, de volaille ou de poisson.
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