Parc de Saleccia : Un écrin de maquis corse
Niché entre la mer et les montagnes qui sculptent le paysage de la Haute-Corse, ce parc, mis en scène par le paysagiste Bruno Demoustier, propose d’explorer le patrimoine naturel de l’île de Beauté rehaussé de belles exotiques.
À trente minutes de voiture de la citadelle génoise de Clavi, une heure de bateau de la Rèserve naturelle de Scandalo, via des villages blottis à flanc de colline, tel Pigna, ou perchés, comme l’altier Sant’Antonino, le parc de Saleccia est le résultat du travail d’un amoureux du maquis corse, le paysagiste Bruno Demoustier. La promenade paysagère se déroule sur un terrain de 7 hectares, comme suspendue entre mer et montagnes.
L’arbre à mastic en toile de fond
L’explosion de couleur est la première surprise qui nous attend dès que l’on franchit le portail. Car le maquis, typique des régions sèches méditerranéennes et composé de fourrés difficilement pénétrables, n’est pas un univers mono- chrome, mais un milieu coloré, auquel plusieurs plantes exotiques comme les ficoïdes d’Afrique du Sud apportent leur touche buissonnante. Chaque couleur est mise en valeur sur fond de lentisque, dont la masse vert sombre persistante donne au parc une structure tout en rondeur. Parmi les trois espèces existantes, seul le pistachier lentisque (Pistacia len- tiscus) est présent ici. Sur la terre riche et humide du littoral, il peut atteindre huit mètres de haut; sur le terrain sec du parc, il se nanifie pour survivre. De ses branches souples, on fait encore des paniers. Son huile essentielle traite les problèmes veineux et une décoction de ses feuilles était autrefois utilisée contre l’asthme et la sinusite. Appelé arbre à mastic, il parfume depuis l’Antiquité l’haleine et fortifie toujours les dents, tandis que sa gomme sert à aromatiser thé à la menthe et pâtisseries.
Habité depuis la Préhistoire Saleccia porte l’empreinte de l’homme depuis des millénaires. Il était habité dès la Préhistoire et l’on y retrouva des sépultures datant de l’âge de bronze et du fer. Entre deux plantations d’immortelles (Helichrysum italicum), des vestiges d’anciennes fortifications dessinent le paysage. Le terrain porte aussi une grosse cicatrice : celle de l’incendie dévastateur de 1974 qui détruisit les 1 200 oliviers pluricentenaires du domaine familial, vaste de près de 100 hectares. Il ne reste aujourd’hui que douze témoins de cette époque, ainsi que les terrasses qui accueillaient cette culture. Heureusement, les myrtes, lentisques, bruyères, chênes verts et autres oliviers peuvent repousser sur des sols calcinés.
Saleccia a aussi été conçu autour de cette renaissance : Bruno Demoustier est parti en quête de greffons de plus d’une centaine de variétés d’oliviers de Méditerranée pour les regreffer sur les oléastres, rejets des arbres victimes de l’incendie. Dans sa pépinière, les lauriers- roses ont également reçu toute son attention puisqu’il en a créé plusieurs variétés naines, notamment un laurier-rose à triple fleurs rouges. Depuis peu, c’est la longue floraison des agapanthes venant d’Afrique du Sud qu’il cherche à acclimater sur ses terres.
Un travail d’orfèvre Saleccia a obtenu le label Jardin remarquable en 2015. Quelque 800 des 2172 espèces spontanées corses s’y rencontrent selon différentes thématiques: l’Espace Méditerranée, le Chemin du maquis, le Jardin des quatre couleurs, le Jardin des nains, sans oublier le Passage des pins et le Sentier romantique... Un peu partout, les immortelles essaiment naturellement, ce qui n’empêche pas Bruno Demoustier de les bouturer régulièrement afin de privilégier les plus beaux feuillages argentés. L’Helichrysum italicum embaume ainsi le paysage de ses fragrances de safran, réglisse, anis, et un rien de caramel citronné...
Sa fille, Isabelle, invoque l’esprit des lieux : « Ma mère a amené la terre, mon père le savoir-faire. Il travaille dans le respect du lieu, c’est-à-dire avec très peu de mouvements de terrain, comme un sculpteur qui va chercher dans le bois la forme qui préexiste.» Et l’aventure de Saleccia se poursuit avec le développement de nombreux projets culturels au service d’une ambition qui dure depuis quarante ans : «Notre vœu est de participer avec tous les amoureux de notre île à sa mise en valeur et, ce faisant, à la préservation de ses richesses.» Autant dire que l’aventure du parc ne fait que commencer...
Le myrte de l’amour
Autrefois, Myrtus communis, plante majeure du maquis, servait au tannage du cuir et ornait les arcs de mariage. En infusion, associée à l’asphodèle, elle était réputée aphrodisiaque. On s’en sert encore pour fabriquer des nasses à langouste à L’Île-Rousse. Son huile essentielle est utilisée contre l’insomnie et en cosmétique, Marie Ceccaldi, créatrice de la gamme bio Casanera à Calvi, la met particulièrement bien en valeur.
L’omniprésence du ciste
À Saleccia, on rencontre plusieurs variétés de ciste : celui de Montpellier à petites fleurs blanches (Cistus monspeliensis), le ciste de Crête (Cistus creticus), à grandes fleurs roses et plus odorant, et le ciste à feuilles de sauge (Cistus salvifolius) dont la germination des graines est facilitée par le feu. Son bois sec inflammable chauffe aussi les fours. Sa gomme aromatique, le ladanum, sert en préparations de pommades médicinales et en parfumerie.
Immortellement vôtre?
Le maquis de l’île de beauté est le terrain de prédilection de l’hélichryse italienne (Helichrysum italicum), murza ou maredda en corse. Traditionnellement, les bergers l’utilisaient pour soigner les fractures des bêtes et éloigner les mouches du fromage. Ramassée à la Saint-Jean, elle était tressée en arc sous lequel passait le bétail, qui profitait ainsi de ses propriétés assainissantes. Lors de la grippe espagnole, on en brûlait le soir un bouquet pour purifier l’air des maisons. L’huile essentielle est aujourd’hui très cotée, plus particulièrement celle de Corse. Elle est dotée d’actifs reconnus, que ce soit en parfumerie, aromathérapie ou cosmétique, et trouve sa place chez des enseignes comme l’Occitane. Cette dernière a mis en place un partenariat et la plante sauvage aux vertus anti-âge est l’objet d’un programme de culture porté par plusieurs agriculteurs- distillateurs.
En pratique
S’y rendre en voiture Sortie nord de l’Île- Rousse, rouler 4 km sur la N197. En avion : aircorsica.com jusqu’à Calvi.
Renseignements Ouvert du 1er avril au 11 octobre. Fermé le lundi matin sauf en juillet et août. Tel 04 95 36 88 83. Nombreuses animations : enfants, démonstrations de distillation, concerts, soirées cinéma... www.parc-saleccia.fr Tarifs Adultes : 9e, enfants (4 à 18 ans) : 7e, famille (2 adultes et enfants) : 25e.
Hébergement Hôtel la Casa musicale dans le village typique de Pigna, de 65 à 85 euros la chambre double. Infos : www.casa-musicale.org