Parc du château de Courterolles : Féerie des bois en habit d'hiver
Sur le sentier de randonnée reliant Vézelay à l'abbaye de Fontenay, les murs du domaine de Courterolles dérobent aux regards un lieu classé jardin remarquable en 2021. Philippe Parmenon et Olivier Brenet ont mêlé leur passion de la botanique et de l'art contemporain pour y créer des bois et bosquets aux essences recherchées et aux étonnantes écorces sublimées par la saison hivernale.
Faire naître un jardin remarquable sur un pré à vaches en terre bourguignonne, c’est le petit miracle accompli en quinze ans par Philippe Parmenon et Olivier Brenet, banquier et médecin… totalement autodidactes en matière de jardins. Lorsque ce couple de Parisiens a acquis la propriété de huit hectares en 2007, « tout était à l’état de quasi-abandon, le château comme l’extérieur, et il a fallu négocier avec l’éleveur voisin pour enlever dans le parc les barbelés et les vaches », se souvient Philippe, précisant que c’est ce côté « page blanche » qui les a séduits.
Sensualité des écorces
Pour élaborer leurs futurs jardins, ils se sont appuyés sur les atouts naturels du domaine : quelques beaux arbres dont un platane pluricentenaire, la rivière du Serein bordant le parc, un pont datant du XIXe siècle tout comme les canaux de pierre érigés par un des anciens propriétaires, l’ingénieur Eugène Belgrand, qui créa ensuite les égouts de Paris ! Il a fallu composer avec un sol argileux où les arbres peinent à prendre racine dans cette terre gorgée d’eau en hiver et craquelée de sécheresse l’été. Ils passent alors leurs week-ends à apprendre dans les livres de botanique les rudiments et l’esthétique de l’art du jardinage, s’imprégnant du savoir de pépiniéristes passionnés. Et c’est en s’inspirant de Vasterival, le jardin de la princesse Sturdza à Varangéville, qu’ils ont imaginé leur jardin des quatre saisons : « Nous l’avons conçu pour qu’il soit beau et suscite de l’intérêt tout au long de l’année, même en hiver », résume Philippe. Et le résultat charme, indéniablement…
Face au château du XIXe siècle et à la chapelle du XVe, le regard se perd dans une vaste prairie sauvage, fauchée seulement une fois l’an, sans imaginer que les bosquets de droite, dessinés tout en courbes, recèlent tant de surprises. On entre dans l’allée des volières, au cri des faisans argentés, et le soleil hivernal du matin jette une clarté indiscrète sur les beaux troncs dénudés des érables, bouleaux, mélèzes ou prunus. « J’adore les reliefs et la matière de toutes ces écorces qui se dévoilent en cette saison », confie Philippe. La main caresse malgré elle l’écorce brillante de l’acajou feuilleté de ce Prunus serrula jaro, l’une des raretés du parc. Pas loin, près du marécage transformé en joli étang où se faufilent les ragondins, on admire la sensualité graphique des diverses variétés de bouleaux, de l’écorce immaculée chez le Jacquemontii, au rosé pour la variété « champagne », jusqu’au plus sombre du Betula nigra. On découvre aussi les troncs intrigants des érables « serpentine », évoquant une peau de reptile au vert veiné de crème, tandis que l’on hume le parfum enivrant des chèvrefeuilles d’hiver (Lonicera fragrantissima) qui rivalisent dans leur floraison précoce avec les mahonias, viornes et hellébores.
Les propriétaires veillent à l’esthétisme des divers univers de ce parc à l’anglaise – l’allée des grenouilles, le jardin d’ombre, l’île ou le grand arboretum qui jouxte l’aile gauche de la prairie – en étageant et en variant la palette des feuillages, les floraisons et les essences des végétaux et des deux mille arbres plantés au domaine. Des tableaux naturels au cœur desquels s’invitent une dizaine d’œuvres contemporaines (labyrinthe, échiquier, totems, cabane…), façonnées sur place par des artistes locaux, tels ces œufs de dinosaure nichés au milieu des bois rouges des cornouillers. Cette harmonie végétale foisonnante est savamment entretenue grâce au savoir-faire précieux de Ludovic Delaire, le jardinier attitré du parc qui est venu vivre au domaine avec sa femme Tatiana, en charge notamment des visites. Auparavant en poste aux célèbres jardins d’Eyrignac, en Dordogne, il a été conquis par la passion de Philippe et Olivier pour les espèces originales, nous montrant le dessous argenté des aiguilles d’un étonnant sapin de Corée nain, « Kohout’s Icebreaker », et leur démarche d’un jardin totalement bio y compris au potager, où nous le suivons.
Viorne de Carles « Fullbrook » (Viburnum carlesii)
Cet arbuste aux faux airs de houx est utilisé (racine et feuilles), sous le nom de shi da gong lao, dans la pharmacopée traditionnelle chinoise pour soigner des affections cutanées, troubles intestinaux, maux de gorge ou dentaires. Il a aussi démontré des propriétés anti-inflammatoires intéressantes pour traiter le psoriasis, selon une étude allemande. Ses baies cuites et épépinées donnent des confitures et gelées riches en vitamine C.
Mahonia (Mahonia bodinieri)
Lors de sa floraison précoce (en début d’année), son parfum rappelle le jasmin. Mais c’est sa cousine, Viburnum opulus ou viorne obier, dont on utilise l’écorce en pratique médicinale. En Europe, on recourt à ses propriétés antispasmodiques pour calmer les troubles du cycle féminin. Commune en terre américaine, la viorne était employée contre les douleurs et les crampes par les indiens Meskwaki.
Géométrie potagère
Contrairement aux jardins tout en déliés, la géométrie règne dans le potager, divisé en rectangles bien tracés. Des zones en triangles et losanges accueillent des cultures de légumes et de fleurs, qui s’épanouiront à partir du printemps. Tout sourire, Ludovic explique : « La beauté s’invite partout, même dans le potager qui se veut autant décoratif que productif avec ses 125 variétés de tomates, ses radis blancs, roses et noirs, ses chayottes exotiques et bien d’autres ». Esthétisme aussi au verger où poiriers et pommiers taillés en U, corbeille ou pyramides voisinent avec la fontaine des roses, monumentale sculpture métallique habillée d’un rosier liane. Bercé par le chant de la rivière toute proche, on repart séduit par cette déambulation poétique avec l’idée de revenir à chaque saison pour découvrir les visages changeants du parc de Courterolles.
Infos pratiques
Comment y aller ?
- En voiture : de Paris, prendre l’A6 direction Dijon, sortie 22 Avallon. Suivre la N146, puis la D50 jusqu’à Courterolles.
- En train : de Paris ou Dijon jusqu’à Montbard, puis taxi jusqu’à Courterolles (30 min).
- Adresse 1, Grande Rue à Courterolles, 89420 Guillon-Terre-Plaine, Chateaudecourterolles.com
- Horaires Toute l’année sur RDV sauf dimanches. Réservations guide : 06 52 40 80 59.
- Tarifs Visite libre : 9 €, - 18 ans ½ tarif, - 12 ans gratuit. Visite guidée : 70 € pour un groupe jusqu’à 10 personnes.
- Hébergements • Gîtes sur place, 195 € pour 2 nuits minimum • Hôtel Les Épis d’or à l’Isle-sur-Serein, dès 71 €, Les-epis-dor.com