Les Jardins de la Fontaine à Nîmes : se ressourcer, s'élever !
Jardin de garrigue jouxtant un décor pur XVIIIe siècle… Peu de jardins publics offrent autant de contrastes, reflétant l'histoire millénaire d'un site, la fascination de l'homme pour certains végétaux exotiques et pour des paysages inspirés de la nature. Entretenu de façon douce, sans pesticides, le Jardin de la Fontaine fait se côtoyer le grandiose et la simplicité. Prévoyez d'y flâner un bon moment.
Le Jardin de la Fontaine nous invite d’abord à un retour à la source ! C’est en effet dans un bassin au cœur du site, qu’émergent les eaux de pluies qui se sont infiltrées dans les sols karstiques des garrigues, au nord de la ville. La source est une résurgence. Mais ici le phénomène naturel est régulé et magnifié.
Au début du XVIIIe siècle, l’eau participe au développement d’une industrie textile florissante. En 1730, les tisserands en quête d’améliorations demandent que l’on canalise l’eau précieuse. De cette requête, de ce « projet avant tout économique et technique, on aboutit à l’une des plus belles promenades de France », raconte Christian Liger, dans son livre référence sur l’histoire de la ville, Nîmes sans visa. En effet, le chantier met rapidement au jour quantité de vestiges romains dont l’ampleur exceptionnelle parvient aux oreilles du roi Louis XV… En 1745, c’est donc un ingénieur royal, Jacques Philippe Mareschal, qui a en charge le projet d’aménagement. Le premier jardin public d’Europe s’inspirera donc de l’ambiance promenade créée par le classicisme des jardins royaux de Versailles.
Quand on passe la grande grille centrale de fer forgée, l’esplanade blanche, quadrillée par des balustrades en pierre naturelle agrémentées de statues mythologiques, tranche avec l’ambiance des villes méditerranéennes. « Même les arbres, des marronniers d’Inde qui aujourd’hui sont à la peine avec l’accentuation de la sécheresse, n’ont rien à voir avec les espèces régionales », explique le jardinier Manuel Adamczyk. Suivre leur alignement mène à l’eau sacrée, que l’on peut admirer du haut des parapets et suivre du regard lorsqu’elle se glisse sous un alignement de colonnes. Un palmier des Canaries se dresse à côté. Non loin, un vieux tilleul au tronc fendu sert de cachette aux enfants. À droite du temple de Diane – vestige de l’époque romaine –, un ensemble de cactées et succulentes a été planté avec le souci « de tester des variétés qui vont pouvoir s’acclimater naturellement chez nous », précise le jardinier.
Ordonnancement Grand Siècle
Le décor de cette mise en scène classique se termine par un mur de pierres blanches surmonté des mêmes balustrades. Au centre, un escalier double de pierre mène directement dans la verdure. Sans doute, d’autres terre-pleins, d’autres balustrades, étaient prévus dans le plan initial… Mais faute de moyens, ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que le maire de l’époque décide d’y faire des plantations : pins d’Alep, chênes verts, cèdres du Liban… vont peu à peu former une forêt-garrigue. À l’ombre des arbres, qui forment une masse verte en toute saison, nous voilà remontant des allées en courbes souples. Le contraste avec l’ordonnancement du Grand Siècle est saisissant et participe sans doute à la magie du lieu. C’est le moment de se laisser capter par le moutonnement des buissons arrondis de laurier-tin, une espèce de viorne ornementale contrairement à la viorne obier, aux propriétés anti-inflammatoires, et à la viorne douce, indiquée lors de dysménorrhées. Toute l’année, arbres et arbustes offrent leurs subtilités de vert, seul l’arbre de Judée se couvrant de fleurs roses).
L’arbre de judée (Cercis siliquastrum)
Au printemps, cet arbre typique de la Méditerranée se couvre de fleurs rose pourpre avant même que ses feuilles ne poussent. Des fleurs comestibles dont on peut en faire des gelées ou des beignets. Par ailleurs, ses bourgeons sont utilisés en gemmothérapie pour fluidifier le sang. Aussi, le macérat pourra être conseillé en cas de symptômes de l’angine de poitrine, de syndrome de Raynaud, ou de couperose.
Au chevet des arbres
Le Jardin de la Fontaine compte quelque 3 800 arbres. L’équipe de (seulement) cinq jardiniers y veille avec soin, car l’environnement naturel – tornade, sécheresse, pluies diluviennes – n’est pas toujours facile. « Tous les ans, nous faisons un bilan sanitaire. On vérifie leur ancrage, leur tronc qui ne doit pas devenir creux, les charpentières et les cimes. On est aussi très vigilants vis-à-vis des champignons lignivores, souvent invisibles. » explique le jardinier Manuel Adamczyk. Par ailleurs, celui-ci souligne l’importance de recourir à une taille adaptée pour éviter les maladies. « Il ne faut pas tailler les platanes, car cela provoque l’arrivée du chancre » explique-t-il. Dans le jardin, c’est une taille douce qui est privilégiée : « Quand elle est bien faite, on ne voit pas que l’arbre a été taillé. Mieux vaut tailler à la cisaille, c’est beaucoup plus précis et moins agressif pour l’arbre », conclut l’homme de l’art.
Le mazet, cabanon de garrigue
Au cours de la montée, on pourra faire des pauses sur des terrasses, ou terre-pleins d’où l’on admire la vue en contrebas. À moins que l’on ne préfère l’ambiance de la clairière des cèdres. Un peu plus loin, des murets de pierres forment des restanques pour accueillir des oliviers, mais aussi un magnifique agave d’Amérique panaché aux longues feuilles vertes et blanches en forme de lance pointue.
Ne manquez pas, un peu plus haut sur la gauche, le bassin Montgolfier et son assortiment de plantes aquatiques : prêle japonaise, iris des marais longtemps utilisé comme expectorant, et diurétique avant que l’on ne découvre sa toxicité, pontédérie à feuilles lancéolées appelée aussi plantain d’eau… Puis intéressez-vous à l’aménagement du mazet. Ces petits cabanons construits dans la garrigue furent des lieux de villégiature jusque dans les années 60 : on s’y retrouvait entre amis à l’abri d’une treille de vigne vierge ou de glycine, on ramassait les figues ou les aromatiques, on jardinait ou on jouait aux boules. Cette simplicité a été reconstituée ici, agrémentée de plates-bandes colorées.
Tout en haut de la colline nous attend la tour Magne, qui domine la ville depuis 2 300 ans. Elle servait de tour de guet lorsque le rempart romain entourait la cité. À son pied, un olivier millénaire venu d’Andalousie. « Nous plantons ici des aromatiques, immortelles, thyms, ail blanc, car les odeurs c’est fondamental en garrigue », témoigne l’homme de l’art. Le regard, lui, est frappé par un pin d’Alep sculpté à la force du mistral. Les jardiniers ont fort à faire pour préserver les nombreux arbres du site (lire l’encadré).
En redescendant, après la grotte artificielle recouverte de végétation, le double escalier est encore plus majestueux. Restez sur la gauche le long des rochers, pour franchir la deuxième grille de fer forgé et arriver sur les quais de la fontaine. L’eau de la source s’écoule à l’ombre des platanes à feuilles d’érables. Un dernier moment d’ombre et de fraîcheur avant de retrouver le centre-ville et ses pierres qui emmagasinent le soleil.
Infos pratiques
Comment y aller ?
- En train : Nîmes est à moins de 3 h de Paris en TGV. On peut marcher jusqu’aux Jardins de la Fontaine (environ 20 minutes), ou prendre le bus 61.
- En voiture : autoroute A9, sortie Nîmes centre. Prendre par l’avenue Jean-Jaurès pour arriver par le portail central.
- Adresse 26, quai de la Fontaine, 30000 Nîmes.
- Ouverture Gratuit toute l’année. • 1er au 30 septembre : 7 h 30 à 20 h • 1er octobre au 1er mars : 7 h 30 à 18 h 30 • 2 au 31 mars : 7 h 30 à 20 h • 1er avril au 31 août : 7 h 30 à 22 h.
- Hébergement Hôtel de l’Amphithéâtre, 4 rue des Arènes, 30000 Nîmes. À partir de 70 euros la nuit pour 2 personnes Hoteldelamphitheatre.com