Gentiane : La reine des amères
"Suze, Avèze, Fourche du Diable et j’en passe. De nombreuses boissons apéritives contiennent la fameuse racine de gentiane dans leur liste d’ingrédients. Et pour cause, nos aïeux ne fuyaient pas ces goûts particulièrement amers qui nous font souvent faire la grimace. Sans doute avons-nous oublié leurs vertus... Je vous propose donc ici de redécouvrir le secret de la plus célèbre des amères." Christophe Bernard
Pour une digestion efficace
La vie moderne apporte une longue liste de déséquilibres digestifs. Quoi de plus normal, me direz-vous : qui n’a jamais de brûlures et autres ballonnements gastriques ? Désolé de vous contredire mais il ne s’agit pas d’une fatalité, car nous ne sommes pas censés digérer dans les spasmes et les flatulences. Heureusement, pour calmer ces désagréments, la batterie de plantes que vous avez à votre disposition est grande. Aromatiques en tous genres, adoucissantes de type matricaire ou guimauve, antispasmodiques de type viorne aubier... Et donc, la gentiane.
Prise avant les repas, elle envoie un signal clair à tous les organes impliqués – estomac, foie, pancréas – afin qu’ils se préparent à une digestion efficace. Acides gastriques, bile et sucs pancréatiques seront sécrétés en grandes quantités. Les muscles lisses digestifs se contracteront avec plus de tonus. La digestion se fera plus rapidement et plus efficacement !
La meilleure façon de prendre la gentiane est sous forme de teinture. Le goût très amer doit impérativement imprégner vos papilles gustatives afin de faire son effet. C’est pourquoi je ne conseille pas les gélules, elles seront beaucoup moins efficaces. Placez 30 gouttes dans un doigt d’eau. Buvez par petites gorgées et faites tourner en bouche avant d’avaler, ceci dix minutes avant vos principaux repas. Et n’oubliez pas, ce n’est pas la quantité qui compte, mais l’amertume en bouche. Vous pouvez mettre plus ou moins de 30 gouttes en fonction de votre sensibilité aux amers.
À l’atelier - Apéritif à la gentiane
Un apéritif n’est ni plus ni moins qu’une teinture diluée et sucrée. La gentiane ne sera pas seule dans celui que je vous propose. Elle sera accompagnée d’angélique (Angelica archangelica), d’écorce d’orange amère et de baies de genièvre (Juniperus communis), ceci afin d’équilibrer les goûts et les propriétés du mélange.
Ingrédients 25 g de racines de gentiane • 25 g de racines d’angélique • 15 g d’écorce d’orange amère • 15 g de baies de genièvre • 1 litre de rhum à 55° • 150 à 300 g de substance sucrante selon vos goûts (du sucre, ou mieux, du miel !).
1.Concassez les baies de genièvre et placez-les avec les autres plantes dans un bocal. Faites macérer pendant 2 semaines en remuant tous les jours.
2.Filtrez les plantes au travers...
d’une étamine. Pressez bien le marc afin d’en faire ressortir le précieux jus. Replacez le liquide dans le bocal.
3. Rajoutez 100 g de miel. Mélangez bien. Goûtez puis ajustez la quantité de miel en fonction de vos goûts.
4. Versez le liquide dans une jolie bouteille et étiquetez avec le nom des plantes et la date de fabrication. Goûtez encore une fois avant de stocker, cela ne peut pas faire de mal!
Consommez un demi-verre à liqueur avant les repas principaux.
Préparation des racines Lavez les racines à grande eau. Utilisez une brosse à poils durs afin de bien enlever la terre. Coupez vos racines en tronçons de 5 cm de long. Pour les racines qui ont les plus gros diamètres, vous pouvez les couper en deux ou en quatre dans le sens de la longueur. Faites sécher à plat sur une grille dans un endroit chaud puis stockez vos racines dans des sacs en papier.
Au jardin
Si vous pensez que la gentiane ne pousse qu’en altitude, je suis heureux de vous décevoir. Nous pouvons cultiver, où que nous soyons, une gentiane bien particulière : Gentiana tibetica. Cette dernière nous vient du Tibet, mais elle tolère une basse altitude contrairement à la gentiane jaune (Gentiana lutea L.). Vous la trouverez chez certaines pépiniéristes.
Vous pouvez aussi la démarrer à partir de graines. Semez-les lorsque le temps se réchauffe au printemps, mais n’attendez pas qu’il fasse trop chaud. Remplissez un bac de plantation d’un bon terreau. Humidifiez et tassez bien, puis semez les graines et recouvrez-les à peine de terreau. Tassez fermement une deuxième fois. Gardez humide et à la lumière naturelle (pas en plein soleil) jusqu’à germination, soit environ six semaines. Lorsque la plante a développé au moins deux vraies feuilles (pas les cotylédons), vous pouvez la transplanter en pot individuel. Gardez-la en pot pendant au moins six mois car les plantules sont très fragiles ! Vous pourrez les passer en pleine terre à l’automne ou au printemps suivant. Gardez les plants serrés à 15 cm l’un de l’autre (la plante est compacte). Dans les climats chauds, il lui faut de l’ombre et de l’eau, mais pas trop. J’ai perdu des plantes qui ont pourri à cause de l’humidité. Elles résistent bien à la sécheresse, se ratatinent complètement si on les oublie au soleil, mais se remettent vite sur pied au premier passage de l’arrosoir. Pas de maladies spécifiques à noter, mais gare aux escargots et aux promeneurs distraits : il suffit qu’on les écrase pour qu’elles repartent en dormance pour toute une saison.
Ramasse et séchage
Récolter des racines de bonne taille nécessite de la patience, au moins quatre ou cinq ans. Alors plutôt que de sacrifier un plant de cinq ans d’âge, sortez la masse racinaire de terre, cassez les carottes les plus grosses puis replantez cette précieuse plante.
Recette de la teinture
Voici la recette de la teinture officinale, la version « brute » qui vous rendra de grands services en plus de régaler vos papilles.
1. Découpez vos racines sèches en fines rondelles à l’aide d’un bon sécateur.
2. Pesez-les puis placez-les dans un bocal. Pour chaque 100 g de plante, rajoutez 500 ml d’alcool à 45°, un alcool de fruit par exemple.
3. Laissez macérer deux semaines en remuant tous les jours, puis filtrez et mettez en bouteille.
Christophe Bernard, naturopathe herbaliste
À retrouver sur son blog : www.altheaprovence.com
Almanach de décembre
Depuis le printemps, vous avez récolté bon nombre de plantes. Voici comment leur assurer une conservation optimale pendant l’hiver.
Tout d’abord, choisissez un endroit qui reste sec, quelles que soient les variations de température. Un grenier mal isolé peut être problématique. Pareil pour une cave ou un garage. Ces pièces vont devenir humides dès les premières pluies. Choisissez plutôt une pièce à l’intérieur qui pro te de la chaleur de la maison.
Si vous stockez beaucoup de plantes, investir dans un petit hygromètre pour contrôler l’humidité de la pièce ainsi que dans un déshumidificateur peut valoir le coup. Même à l’intérieur, le taux d’humidité monte parfois au-delà des 60 %. L’idéal est de rester entre 40 % et 55 %.
Le contenant le plus simple pour stocker vos plantes est le sac en papier. Il permet à la plante de respirer. J’utilise plusieurs tailles : d’abord, de grands sacs qui vont garder le plus gros de mon stock et rester dans un débarras, puis de petits sacs qui vont rester à la cuisine à portée de main pour les infusions. Vous trouverez pléthore de sacs de toute taille dans les boutiques spécialisées, en emballages sur internet.
Le bocal hermétique est intéressant car si la plante est bien sèche, il va garantir qu’elle ne se regorge pas d’humidité à la première occasion. Je les utilise pour les plantes riches en mucilages comme la racine de guimauve, de consoude ou la fleur de bouillon-blanc, qui sont de vraies éponges. D’un autre côté, si votre plante n’est pas bien sèche et que vous la gardez dans un bocal hermétique, elle risque de pourrir.