Cannabis thérapeutique : enfin expérimenté sur des patients atteints de maladies graves
Vendredi 9 octobre dernier, le ministère de la santé a publié un décret autorisant les premières expérimentations du cannabis à usage thérapeutique en France, dans un cadre très contrôlé et limité. Une décision très attendue des malades.
La France est-elle en passe d’intégrer le cannabis thérapeutique dans son système de soins ? On peut enfin y croire ! En effet, le dossier était au point mort depuis le vote à l’unanimité du comité scientifique ad hoc validant la pertinence de son utilisation, – c’était en décembre 2018 – suivi par le feu vert de l’Assemblée nationale, en octobre 2019. Mais les controverses sans fin sur l’emploi curatif de cette plante, sur fond de crise sanitaire de Covid19, faisaient craindre qu’on en reste là.
Une expérimentation grandeur nature
Aussi la parution le 9 octobre du décret encadrant une expérimentation en situation réelle du cannabis médical, est une vraie bonne nouvelle. Quelque 3 000 patients vont pouvoir en bénéficier. Atteints de maladies graves – douleur neuropathique, épilepsie, effets secondaires de chimiothérapie, sclérose en plaques et soin palliatif – ils vont se voir prescrire le cannabis médical sous trois formes: vaporisateur, gélule et huile. Certes, 3000 patients c’est peu quand on estime qu’environ 1 million de personnes sont susceptibles de pouvoir être soulagées avec le cannabis médical. Pour ceux qui vont attendre toute la durée de l’expérimentation – environ deux ans – et sa validation, c’est long.
La France en retard
Le cannabis médical n’est-il pas autorisé depuis 2001 au Canada, 2003 aux Pays-Bas ? Et dans une quarantaine de pays dans le monde on peut y avoir recours. La France est non seulement à la traîne, mais elle prend son temps. Avec son image de plante sulfureuse, le chemin menant au cannabis médical est tortueux. Pour autant, l’expérimentation qui va commencer, sans doute en avril, constitue un vrai tournant. De la formation et adhésion des médecins, pharmaciens, au suivi des patients sans oublier le circuit de production de la plante, il s’agit de valider une nouvelle chaîne de médication.
Une nouvelle approche pharmaceutique des plantes
Ainsi, un changement de fond est en cours. On projette, en effet, de tester les effets de la plante entière. Jusqu’à présent, l’approche pharmaceutique de la médecine par les plantes voulait que l’on s’intéressât uniquement aux extraits, en l’occurence pour le cannabis, le THC (composé psychoactif interdit) et le CBD (molécule déjà autorisée). Or, le comité scientifique a validé une approche fondée sur le totum de la plante. «Le cannabis contient près de 500 molécules médicales dont une centaine de phytocannabinoïdes, des terpénoïdes, des flavonoïdes qui participent à l’effet global de la plante », précise Pascal Douek, membre du comité scientifique spécialisé sur le cannabis, et auteur d’un livre (voir sources au bas de l’article) qui vient de paraître sur le sujet. Et d’expliquer que «les composés mineurs potentialisent les composés majeurs que sont le THC et le CBD». La forme pharmaceutique n’est plus la seule crédible, à l’instar du Sativex. D’ailleurs, bien qu’ayant reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en 2014, ce dernier n’a jamais pu être commercialisé faute d’accord sur le prix de vente. Bienvenue donc, à Cannabis sativa L. avec les subtilités de ses différentes variétés.
On revient de loin : souvenons-nous que le cannabis a été retiré de la pharmacopée française en 1953. Aussi, cette expérimentation est importante à plus d’un titre. Elle va donner l’occasion de faire mieux comprendre l’approche holistique des soins par les plantes. Une brèche s’ouvre. Ne la laissons pas se refermer.
Le Cannabis médical, une nouvelle chance, éditions Solar, 262 p., 19,50 euros.