Dossier
Un cerveau vif et connecté pour la vie (4/4)
Si la science n'a pas encore toutes les clés du cerveau, on découvre chaque jour ses étonnantes facultés d'adaptation et de plasticité. Un potentiel qu'il est nécessaire d'entretenir afin de garder des neurones actifs et prévenir un éventuel déclin cognitif. Nos experts donnent leurs conseils pour renforcer l'acuité intellectuelle et la mémoire et freiner le vieillissement cérébral.
Prévenir et ralentir le déclin cognitif
Perdre ses clés dans la maison, oublier le nom d’un acteur ou le mot de passe de son ordinateur… ne signifie pas pour autant avoir un trouble neurocognitif. La fatigue, le manque d’attention, le stress peuvent expliquer ces difficultés mais lorsqu’on passe la soixantaine, il est utile de faire un test (Mini-Mental State Examination) si certains symptômes apparaissent. « Lorsqu’il y a des pertes de mémoire immédiate, des difficultés pour planifier une tâche, l’exécuter dans le bon ordre, on peut être face à un vieillissement neurodégénératif », explique le médecin Marie Clarence Chaigne, diplômée en méditation et neurosciences. De même, une perte d’odorat peut s’avérer un marqueur précoce d’Alzheimer.
Des tests olfactifs pour détecter Alzheimer
Perdre l’odorat – hors infection Covid – peut être un signe avant-coureur de déclin cognitif quand on a plus de 65 ans, selon plusieurs experts médicaux. Un marqueur qui peut se manifester plus de dix ans avant des pertes de mémoire. Car les atteintes olfactives se situeraient dans le cerveau à proximité des lésions naissantes de la maladie d’Alzheimer. Pour aider au diagnostic précoce, le pôle gérontologie du CHU de Nice a développé un test olfactif. Une dizaine d’odorants sont formulés dans quatre concentrations différentes (de 1 à 40 %), des parfums alimentaires (agrumes, amande, chocolat, coco, vanille…), floraux (jasmin, lavande, rose…) ou du quotidien (crayon, herbe…). Pendant 15 minutes, les personnes doivent sentir l’odeur puis l’identifier en choisissant parmi quatre images. L’enjeu est aussi de vérifier si une odeur est perçue même lorsqu’elle est de faible intensité.
Si l’origine de cette pathologie reste inconnue (à peine 1 % de cas héréditaires), on sait qu’elle se manifeste par l’accumulation anormale dans le cerveau de dépôts de protéines amyloïdes et de protéine tau. Ces plaques vont perturber la communication entre les neurones cholinergiques et provoquer une carence de l’acétylcholine avec, à terme, la mort de ces neurones. Autre piste, on commence à surnommer aussi la maladie d’Alzheimer « diabète de type 3 » – le terme est controversé –, des études ayant montré que le cerveau des personnes atteintes, comme en cas de diabète, n’utilisait pas correctement le glucose. Car les plaques amyloïdes gênent le fonctionnement des récepteurs de l’insuline. La prévention du diabète serait donc une des pistes à suivre pour freiner cette maladie neurodégénérative.
Le déclin cognitif peut revêtir d’autres formes, dont la maladie de Parkinson. Là aussi, les causes sont mal identifiées, mais on sait que l’exposition aux pesticides joue un rôle non négligeable : « Parkinson est d’ailleurs classée comme maladie professionnelle chez les...
agriculteurs soumis aux pesticides organochlorés, avec un risque doublé de déclencher cette maladie », souligne Danielle Roux, pharmacienne et rédactrice en chef de La Phytothérapie européenne. Cette pathologie détruit les neurones qui sécrètent la dopamine (dopaminergiques), dans la substance noire du cerveau, une région chargée du contrôle des mouvements. C’est pourquoi les premiers symptômes sont un ralentissement des activités et de la motricité, des tremblements au repos et une agitation nocturne. Si, aujourd’hui, on ne sait pas guérir les maladies neurodégénératives comme Alzheimer et Parkinson, « nous avons toutefois des moyens naturels de retarder le déclin, ralentir leur évolution et soulager leurs symptômes », avance Danielle Roux.
Cette experte recommande en prévention primaire de privilégier une alimentation sans pesticides et favorable aux neurones. On peut miser sur des aliments riches en tyrosine et en L-dopa (des précurseurs de la dopamine), comme les œufs, le chocolat, les oléagineux, les fèves, le maté, le thé ou la caféine qu’on peut même associer à du galanga.
Testez le combo caféine + galanga
L’effet psychostimulant de la caféine n’est plus à démontrer, mais un excès de celle-ci peut aussi causer des maux de tête et d’estomac, de la nervosité ou de l’insomnie. Pour profiter de ses bénéfices sans surdosage, il serait possible de l’associer avec de la racine de galanga. Selon une étude américaine menée sur 59 participants âgés de 18 à 40 ans, le galanga permettrait de prolonger l’effet boostant de la caféine au-delà de trois heures et d’obtenir une meilleure vigilance mentale et une attention soutenue. On notera aussi les travaux intéressants du département neurologie du CHU de Lille prouvant que la consommation régulière de caféine peut retarder la survenue de troubles dégénératifs en protégeant les synapses.
De même, il est important de consommer des oméga-3 à longue chaîne, présents dans les poissons des mers froides (saumon, maquereau, sardine…). Ils contiennent du DHA, un acide gras polyinsaturé qui facilite les connexions neuronales et limiterait le risque de maladies comme Parkinson. Et pour bien les assimiler, il faut avoir un bon apport en antioxydants, présents dans les fruits et les légumes. Ces derniers vont aussi apporter les fibres indispensables à un bon microbiote. Or « les études font le lien aujourd’hui entre le déséquilibre du microbiote et le risque de démence », relève la pharmacienne.
En complément, elle recommande la phytothérapie pour soutenir la production des neuromédiateurs clés : acétylcholine, dopamine et sérotonine. Le pois mascate, riche en L-dopa, va stimuler la dopamine ainsi que la sérotonine – grâce à sa teneur en 5HTP – et sera utile « pour freiner un début de perte de mémoire ou de désorientation », souligne Danielle Roux, qui le préconise en gélules de 400 mg par jour. Attention, cette plante est contre-indiquée en association avec un médicament contenant déjà de la L-dopa. En prévention de la maladie d’Alzheimer, la rhodiole est pertinente (au dosage de 340 mg deux fois par jour), car cette racine active l’acétylcholine. On retrouve cette même propriété dans la plante asiatique Huperzia serrata, intéressante lorsqu’on sent un début de confusion cognitive : « Elle contient un alcaloïde, l’huperzine A, capable de bloquer la dégradation de l’acétylcholine, et on a démontré son action neuroprotectrice lorsqu’on l’associe avec les molécules caféique et férulique de la plante », décrypte Noëlle Callizot, neuropharmacologue au sein du laboratoire Neuralia, expert en nootropiques naturels.
Pour soulager les patients qui subissent un ralentissement cognitif et souffrent de se voir diminués, on peut associer du griffonia (à prendre à 17 heures), de la valériane et du safran. Le griffonia et le safran vont jouer sur la sérotonine et améliorer l’activité cérébrale et l’humeur. Alors que la valériane, prise en soirée, est efficace sur le sommeil profond, une clé essentielle contre le vieillissement cérébral, mais également sur les tremblements et l’agitation nocturne, relève Danielle Roux. Des tremblements qui, selon Neuralia, tendraient aussi à s’estomper lorsqu’on associe certaines molécules de l’asperge officinale et du soja.
L’astragale et les télomères
La racine d’astragale, réputée en médecine chinoise pour soutenir l’immunité des personnes âgées, a démontré lors d’une étude de référence qu’elle pouvait aussi soutenir la télomérase, une enzyme qui permet de prolonger la vie des neurones. En se basant sur ces travaux, Christian Fenioux, fondateur du laboratoire Fenioux, a réfléchi au potentiel thérapeutique de l’astragale contre le vieillissement cérébral. Dans son livre Alzheimer et déclins cognitifs, des solutions innovantes, (éd. Cristel), il se dit convaincu que l’on peut travailler sur l’allongement des télomères grâce aux principes actifs de cette racine (astragaloside et cycloastragénol), auxquels il préconise d’ajouter des molécules de feuilles d’olivier et de pépins de raisin.
Enfin, on souligne les bienfaits de l’activité physique sur la prévention comme sur les symptômes des maladies neurodégénératives. Des chercheurs ont montré que marcher seulement 4 000 pas par jour ou pratiquer dix minutes d’exercices continus (quatre fois par semaine) permettait de conserver un bon volume cérébral, garant de nos facultés cognitives. Et pourquoi pas se mettre à la danse, comme le préconise Pascal Douek, médecin du sport et micronutritionniste : « Non seulement on crée du lien social, bénéfique au maintien cognitif, mais danser stimule aussi la mémoire spatiale et la mémoire à long terme, et crée de nouvelles connexions neuronales ». Cette pratique semble d’ailleurs améliorer la qualité de vie des malades de Parkinson, au point que le programme Dance for Parkinson, né aux États-Unis, a essaimé dans quarante États américains et une dizaine de pays étrangers.
La chimie du rire
Rire tous les jours pourrait diminuer le risque de démence de 16 % chez les hommes et de 22 % chez les femmes, selon des scientifiques japonais qui ont analysé le comportement de 12 000 personnes de plus de 65 ans. Et si vous ne riez pas assez, la société française Arisus R&D a élaboré ALOL, un dispositif de rire thérapeutique validé scientifiquement. Sur simple pression, un boîtier déclenche un rire communicatif durant 66 secondes. Des patients atteints de cancer l’ont expérimenté trois fois par jour et ont constaté une baisse de 80 % de leurs troubles du sommeil et moitié moins de stress. Pas étonnant, lorsqu’on sait que l’hilarité augmente les taux de sérotonine, dopamine et acétylcholine, des neuromédiateurs importants sur le plan cognitif.