Ananas : l’exotisme a des vertus
La fraîcheur et le givre vous rendent nostalgiques de l’été ? Entamez un voyage gustatif qui réchauffe le cœur et les papilles ! L’ananas, aliment si riche en enzymes et vitamines, nous transporte sous les tropiques en une bouchée.
L’ananas, quel délice ! Même son nom est une promesse de merveilles. Il nous vient de nana, qui signifie « fruit délicieux et exquis » en langue amérindienne Tupi Guarani. Ce n’est pourtant pas un fruit à proprement parler, mais une infrutescence : toutes les fleurs situées sur la tige (ou hampe florale) se développent en s’accolant les unes aux autres pour former l’ananas. On les devine aisément en regardant son écorce : chaque hexagone correspond en fait aux limites d’un seul fruit.
Originaire du Paraguay et du Brésil, l’ananas a progressivement été cultivé dans l’ensemble de l’Amérique du Sud et Centrale avant d’atteindre les Caraïbes. C’est d’ailleurs à Christophe Colomb que l’on doit sa découverte, en Guadeloupe, en 1493.
Son arrivée en Europe fut ensuite un tel succès que des pays comme la Hollande, la Grande-Bretagne et la France se lancèrent dans sa culture sous serre. Symbole de richesse, il garnit les tables de la royauté et de la noblesse – Louis XIV le fit d’ailleurs cultiver à Choisy-le-Roi pour faire plaisir à Madame de Maintenon.
L’ananas se démocratise
C’est dans les dernières décennies du XXe siècle qu’il se démocratise grâce au développement du transport par avion. De nouveaux pays comme la Thaïlande, les Philippines ou La Réunion se mettent à en produire. Résultat, quelle que soit l’origine des ananas que l’on achète aujourd’hui, le chemin entre les champs et l’assiette est assez long et l’empreinte écologique, non négligeable.
La France importe principalement ses ananas des pays ouest-africains. Ils parcourent donc plus de 5 000 km, soit un bilan de 11 kg équivalent carbone. En comparaison, une pomme bio française possède un bilan carbone inférieur à 0,150 kg éq. CO2/kg. Certes, par la voie maritime, l’empreinte est moindre. À ce titre, on privilégiera les ananas provenant du Costa Rica et produits biologiquement.
En agriculture conventionnelle, ils sont très gourmands en produits phytosanitaires et la réglementation de certains pays est souvent opaque. On a ainsi pu retrouver de l’éthéphon sur les fruits : pulvérisé à la surface, ce pesticide en accélère la coloration, leur donnant l’allure de fruits mûrs, tout en allongeant de façon factice la durée de vie sur les étals. Cela dit, sachez que l’ananas Pain de sucre produit au Bénin garde une belle robe verte, même mûr.
Riche en eau et en fibres
Consommer de l’ananas bio en quantité raisonnable permet de bénéficier de ses qualités nutritionnelles et de son goût subtil sans pareil. On doit sa douceur à sa richesse en sucre. En 1556, Jean de Léry rapporte, dans son récit d’expédition au Brésil, qu’« ils fondent dans la bouche et sont naturellement si doux qu’il n’y a confitures en ce pays qui les surpassent ». En effet, l’ananas renferme 11 g de glucides pour 100 g, sous forme de saccharose (environ 65 %), mais aussi de fructose et de glucose.
Son goût sucré sera d’autant plus important qu’il a été cueilli à maturité. Au cours de la maturation, c’est l’amidon présent dans la tige qui va se transformer en sucres simples, en migrant vers le fruit via la sève. La teneur en protides et en lipides de l’ananas étant négligeable, ses glucides sont responsables de sa valeur énergétique, qui reste toutefois assez faible (53 kcal/100 g) et comparable à d’autres fruits comme la pomme ou la poire.
Riche en eau (86 g/100 g) et en fibres (1,3 g/100 g), c’est également un atout pour le transit intestinal. Les fibres sont essentiellement de nature insoluble (cellulose et hémicellulose), ce qui favorise la progression du bol alimentaire au cours de la digestion et l’élimination de substances cancérogènes. Charles de Rochefort écrivait d’ailleurs, dans son Histoire naturelle et morale des îles Antilles de l’Amérique, que « son suc a une vertu admirable pour recréer les esprits et relever le cœur abattu ».
Le plein de vitamine C et de bêta-carotène
Cet effet tonique est dû à sa teneur en vitamine C (36 mg/100 g, ce qui correspond à une jolie tranche). Celle-ci est importante pour soutenir l’organisme en cas d’affection hivernale – on peut alors viser les 200 mg par jour –, sans oublier son rôle majeur dans la prévention du stress oxydatif.
Un tel apport est d’autant plus nécessaire si vous êtes fumeur, car le tabac favorise l’oxydation de l’organisme. On augmentera alors ses apports en vitamine C d’au moins 20 % par rapport aux 110 mg/jour conseillés. Fait intéressant, la teneur en vitamine C dans l’ananas reste stable, car elle est bien protégée par l’écorce.
Autre substance antioxydante : le bêta-carotène, qui donne sa belle couleur jaune à la chair de l’ananas. Plus celle-ci sera foncée, plus la teneur sera importante. L’ananas renferme aussi des minéraux et des oligo-éléments, notamment du potassium et du manganèse (même si les teneurs ne sont pas très importantes).
Une technique de culture insolite
Rare, exotique et difficile à cultiver, l’ananas était synonyme de fortune aux siècles passés, en particulier dans l’Angleterre victorienne. Les Anglais réussirent à le faire pousser sous serre en utilisant la chaleur du fumier de cheval. À l’époque, il était possible de louer un ananas pour la soirée : on l’exposait aux yeux des convives puis il devait être rendu à la fin, intact.
Ces serres au fumier sont toujours présentes en Cornouailles : un groupe de passionnés est parvenu à faire pousser des ananas en reprenant cette technique ancestrale. Le deuxième fruit récolté a été offert à la reine Élisabeth II pour son 50e anniversaire de mariage (le premier ayant été réservé aux jardiniers, de peur qu’il n’ait un goût de fumier !).
Prévention des lithiases
Charles de Rochefort indique que l’« on a mangé assez longtemps de ce fruit sans remarquer les rares usages qu’il a dans la médecine », et précise qu’ « il soulage merveilleusement ceux qui sont affligés de la gravelle » (en référence aux calculs rénaux ou lithiase rénale). En effet, l’ananas est riche en acides organiques – principalement sous forme d’acide citrique, dont le rôle est démontré dans la prévention des lithiases et qui participe aussi à sa saveur légèrement acidulée, cassant un peu le côté suave du sucre.
Finalement, l’ananas est peut-être bien le roi des fruits, comme l’écrit Jean-Baptiste Du Tertre dans son Histoire générale des Antilles habitées par les François : « Il est le plus beau et le meilleur de tous ceux qui sont sur la terre. C’est sans doute pour cette raison que le Roy des Roys lui a mis une couronne sur la tête ! »
Lequel goûter ?
On trouve des ananas mûrs toute l’année. Pour quelques variétés, certains mois sont à privilégier.
- Le très goûteux Victoria, cultivé à La Réunion, se déguste en décembre et en janvier ;
- La variété Red Spanish, d’Amérique centrale, est moins sucrée, mais très juteuse. Légèrement acidulée, avec une pointe de piquant, elle se consomme tout l’hiver.
- Le Cayenne lisse offre un bel équilibre entre le sucré et l’acidulé. On le trouve de novembre à mars.
- L’ananas bouteille, disponible toute l’année, est cultivé en Guadeloupe. Sa saveur puissante rappelle le miel ; sa robe jaune à la base devient presque verte au sommet.
Soupe de poulet à l’ananas
(pour 4 personnes)
Ingrédients
- 250 g de filet de poulet
- 40 g d’ananas séché ou frais
- 1 gousse d’ail
- 1 gros oignon
- 1 c. à soupe de crème de soja ou de crème fraîche
- 2 c. à soupe d’huile d’olive
- Quelques feuilles de livèche ou de céleri en branche
- Sel et poivre
Préparation
- Faites tremper l’ananas dans un bol d’eau.
- Pendant ce temps, découpez le poulet en lanières en suivant le sens de la chair.
- Épluchez et détaillez l’ail et l’oignon. Faites-les revenir dans une grande casserole avec l’huile d’olive pendant cinq minutes en remuant de temps en temps.
- Égouttez l’ananas et réservez l’eau de trempage. Coupez-le en petits morceaux. Dans la casserole, ajoutez l’ananas, le poulet et la livèche ou le céleri, et laissez revenir une ou deux minutes.
- Versez-y l’eau de trempage et rajoutez de l’eau de manière à obtenir environ 800 ml de liquide.
- Salez et poivrez. Amenez à ébullition. Baissez le feu et laissez cuire pendant environ quinze minutes.
- Écumez si nécessaire. Hors du feu, ajoutez la crème. Servez aussitôt.
Recette tirée du Guide de la cuisine saine et gourmande (collectif, éd. Terre vivante).
Tartelettes à l’ananas
(pour 4 tartelettes)
Ingrédients pour la pâte
- 100 g d’huile d’olive au goût neutre
- 75 g de sucre de canne blond
- 30 g de jaune d’œuf (2 petits œufs)
- 10 g de blanc d’œuf
- 70 g de farine de riz complet
- 60 g de fécule de pomme de terre
- 20 g d’amidon de maïs
- 10 g de poudre à lever
- 4 g de fleur de sel
Ingrédients pour la garniture
- 3 bananes
- Le blanc de 1 gros œuf
- 600 g d’ananas frais et mûr
- 1 c. à soupe de sirop d’agave (ou 10 g de sucre de canne complet)
Préparation
- Préchauffez le four à 180 °C.
- Préparez la pâte : à l’aide d’un batteur électrique, mélangez l’huile et le sucre, puis ajoutez les jaunes d’œufs et le blanc. Fouettez vivement, jusqu’à obtenir un mélange homogène.
- Dans un autre récipient, mélangez la farine, la fécule, l’amidon, la poudre à lever et la fleur de sel, puis incorporez le tout au mélange précédent.
- À l’aide d’une spatule souple, rabattez la pâte au centre, enduisez-vous les mains d’huile et formez une boule.
- Divisez la pâte en quatre petites boules. À l’aide d’un rouleau à pâtisserie huilé, étalez-les sur quatre carrés de papier cuisson farinés. Disposez les fonds de tartelettes avec leur papier cuisson dans les moules, puis réservez au réfrigérateur.
- Préparez la garniture : dans une assiette, écrasez les bananes à la fourchette. Ajoutez le blanc d’œuf et mélangez.
- Détaillez l’ananas en cubes et cuisez à feu moyen avec le sirop d’agave. Laissez frémir huit à dix minutes en remuant régulièrement.
- Répartissez la purée de banane, puis les cubes d’ananas égouttés sur les fonds de tartelette. Enfournez vingt-cinq minutes. Servez tiède, dans le moule.
Recette tirée du livre Mes tartes sans gluten, de Frédérique Barral, éd. Terre vivante.
Bien les choisir et les conserver
L’ananas est un fruit non climatérique : il ne mûrira presque plus après récolte, donc ne vous trompez pas en le choisissant.
- Commencez par regarder sa couronne : les feuilles doivent être d’un vert bien soutenu. Arrachez-en une : si elle vient facilement, c’est que l’ananas est mûr à cœur. Détournez-vous si les feuilles sont sèches ou brunes.
- Son poids ne veut pas dire grand-chose. Un ananas lourd ne signe pas sa maturité, rappelons qu’il est constitué en majorité d’eau.
- Son parfum est un bon indice : agréable et fruité, il n’est pas trop fort, sinon cela signe le début de la fermentation.
- S’épanouissant sous les climats tropicaux, il n’apprécie pas les températures inférieures à 8-10 °C : ne le conservez pas au réfrigérateur, mais laissez-le à l’air ambiant.
À savoir sur la bromélaïne
L’ananas renferme une grande quantité d’enzymes : des peroxydases, des pectases, des invertases et surtout de la bromélaïne (ou broméline) – une enzyme qui dégrade des protéines, les scindant en acides aminés au cours de la digestion.
Manger de l’ananas au cours d’un repas riche en protéines pourrait donc en faciliter la digestion. On doit aussi à sa teneur en enzymes le fait qu’on puisse le déguster sans problème en fin de repas, alors que selon les principes de la naturopathie, les fruits au cours du repas ou en dessert provoquent une acidification du bol alimentaire, favorisant fermentations et ballonnements.