Congrès UICN : « La liste rouge des espèces menacées permet d’agir pour les protéger »
Du 3 au 11 septembre s’est tenu le Congrès mondial de la nature de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) à Marseille. À cette occasion, la liste rouge des espèces menacées a été mise à jour. Florian Kirchner, chargé de programme « Espèces » au sein du Comité français de l'UICN, fait le point sur la flore en France et en Outre-mer, et nous explique l’importance de cet outil.
Plantes & Santé : En France, 8 % de la flore est inscrite sur la liste rouge des espèces menacées, qu’est-ce que cela signifie exactement ?
Florian Kirchner : Ce pourcentage représente 421 espèces. Pour obtenir ce résultat, les experts ont examiné plus de 4 982 plantes vasculaires (qui possèdent des vaisseaux, comme les plantes à fleurs, les fougères) et les ont classées en trois catégories : les espèces vulnérables, qui représentent un premier niveau de menace, les espèces en danger, et enfin celles en danger critique, la dernière marche avant l’extinction.
Parmi les plantes endémiques classées en danger critique, on peut citer l’armérie de Belgentier, qui n’existe que dans le Var, ou le panicaut vivipare, qui ne vit que dans une vingtaine de stations dans le Morbihan et en Espagne. Dans le Jura, la saxifrage de Gizia, une petite plante qui vit sur les corniches dominant le village de Gizia, est en déclin à cause d’un problème de sécheresse aggravé par le changement climatique. Elle fait partie des plantes qui bénéficient d’un plan de conservation mené par le Conservatoire botanique national de Franche-Comté.
Les plantes messicoles – qui accompagnent les cultures – sont aussi en forte diminution dans tout le pays en raison de l’utilisation des herbicides et de l’intensification des pratiques culturales. Quant aux espèces qui se développent et vivent en milieux humides, elles peuvent être classées vulnérables en raison de la fragmentation de leur habitat, comme la spiranthe d’été de la famille des orchidées.
La proportion de 8% d'espèces menacées peut sembler modérée, mais elle l'est moins quand on réalise que cela représente 421 espèces de plantes susceptibles de complètement disparaître dans les décennies à venir si on n’agit pas. De plus, protéger telle ou telle espèce a d’autant plus de sens que toutes les espèces sont liées entre elles, et quand l’une régresse, cela affecte tout le milieu dans lequel elle vit. Cette liste rouge de l’UICN est un baromètre de l’état de santé des espèces car elle permet, groupe par groupe, de discerner clairement les plus menacées ainsi que les habitats qui leur correspondent, et d’orienter les actions à mener.
Plantes & Santé : En Outre-mer la situation paraît encore plus grave ?
Florian Kirchner : Effectivement, en Guadeloupe, 15 % des espèces sont menacées, et c’est bien plus grave à la Réunion avec 30 % d’espèces menacées, et 43 % à Mayotte. Cette dernière, avec sa superficie limitée, montre une forte densité humaine, et des atteintes marquées aux milieux naturels, c’est pourquoi on trouve ce taux d’impact sur la flore. À la Réunion, les plantes du littoral sont affectées par l’étalement urbain et la mise en culture. Ainsi le bois de lait est-il classé en danger critique du fait du développement urbain et agricole. L’autre danger vient de l’introduction d’espèces. Par exemple, le mazambron marron, un aloès endémique qui vit dans les ravines, est victime de l’envahissement de son habitat par des plantes introduites et de la prédation de l’escargot achatine, une espèce originaire d’Afrique du Sud. Aujourd’hui, cette plante est protégée mais ne survit que dans de rares stations. Pour la flore de ces îles, la priorité est de lutter contre les espèces envahissantes et l’introduction de nouvelles espèces.
Plantes & Santé : Une liste rouge permet de fixer les priorités dans les actions à mener, mais arrivez-vous à vous faire entendre des pouvoirs publics ?
Florian Kirchner : Nos alertes sont très écoutées, mais cela ne va pas assez vite pour répondre au défi actuel, c’est pourquoi nous appelons à des actions plus fortes. Les plantes ont un rôle fondamental dans les écosystèmes comme abris ou nourriture pour les animaux. En agissant sur une plante en particulier, nous ouvrons une porte pour préserver son milieu et l’ensemble des espèces qui y vivent.
Plantes & Santé : Êtes-vous, malgré tout, optimiste pour les décennies à venir ?
Florian Kirchner : Si la crise écologique est profonde, il y a des actions qui portent leurs fruits. Ainsi parvient-on à sauver des espèces. Ces quelques victoires nous poussent à agir, et cela donne de l’espoir. Par exemple, à la Réunion, le bois de senteur blanc, une espèce d’arbrisseau, a frôlé l’extinction. Un plan de sauvegarde avec le conservatoire de la Réunion, de Brest et une association réunionnaise l’ont sauvé in extremis. Maintenant, il faut continuer à agir pour qu’il sorte de la liste rouge !
Propos recueillis par Myriam Goldminc