Le surcyclage se met au parfum
© © Madeleine Steinbach
Une partie du secteur de la parfumerie prend le virage du recyclage… Mais ici, on vise à obtenir à partir de « déchets » des produits de grande qualité. Zoom sur la création de fragrances qui ouvrent de nouveaux horizons olfactifs et, on l'espère, vraiment écologiques.
La parfumerie, symbole de luxe, n'échappe pas à certaines préoccupations environnementales majeures de notre époque, à savoir le gaspillage et la gestion des déchets. C'est ainsi que depuis plusieurs années, la société grassoise Robertet, leader mondial des matières premières aromatiques naturelles, a développé une collection d'ingrédients « surcyclés », c'est-à-dire fabriqués à partir de sous-produits. Par exemple, l'eau de distillation de la rose est désormais récupérée pour en extraire d'autres composés aromatiques.
Autre illustration plus étonnante de cette démarche de surcyclage, aussi appelée upcycling puisqu'elle vise à obtenir des ingrédients de qualité : les feuilles de maté sont distillées une première fois afin de produire une fragrance pour la parfumerie, puis subissent une seconde extraction permettant d'obtenir un actif baptisé UltiMate par le groupe Robertet. Cet « ultime » ingrédient s'avère être un antioxydant intéressant pour la cosmétique, car il protège la peau contre la pollution. « L'objectif de Robertet a toujours été de tirer le meilleur parti de ce qui peut être extrait d'une plante », commente Thierry Roger, directeur RSE de la société.
Emmanuel Roche, en créant les parfums naturels et écoresponsables Æmium, s'est tourné vers l'une de ces filières surcyclées. Il a en effet sélectionné, au sein du catalogue de la société Robertet, l'huile essentielle de cèdre de Virginie produite par distillation des rebuts de bois provenant de l'industrie du meuble. Ces rebuts contiennent en effet tout autant de molécules aromatiques que les parties nobles ! « Je suis à la recherche d'ingrédients naturels et écoresponsables, mais mon premier critère reste la qualité olfactive ; c'est le cas de cette huile essentielle boisée aux notes miellées », justifie Emmanuel Roche.
Par ailleurs, ce cèdre, récolté dans le sud-est des États-Unis, est une ressource durable car les coupes sont réglementées de telle façon qu'il y croît actuellement deux fois plus vite qu'il n'est récolté. De plus, les principaux producteurs d'huile essentielle, en Alabama et au Texas, utilisent des méthodes de production respectueuses de l'environnement, comme des chaudières à biomasse qui ne dégagent ni fumée ni effluent. La démarche de surcyclage implique donc un cahier des charges complexe.
Nouvelles filières, nouvelles fragrances
En plus d'être motivé par les enjeux environnementaux, le surcyclage participe à la diversification et à la créativité du secteur. La société française TechnicoFlor a lancé en avril la collection « Upcycling is the new bling », soit huit fragrances originales. Pour celle baptisée Raisin divin, c'est à Cognac que l'entreprise récupère la lie de vin, un dépôt généré pendant la période de vieillissement en fût, puis la distille. « Au-delà de la dimension écoresponsable, travailler avec des matières issues du surcyclage est d'autant plus intéressant qu'elles nous challengent sur le fait qu'on manipule une nouvelle qualité de produit, jamais évidente à mettre en exergue dans un parfum », commente Bertrand Duchaufour, parfumeur chez TechnicoFlor. Cette société valorise aussi des copeaux de fûts de vin en chêne, des cabosses de cacao et même des semences de carottes à faible potentiel germinatif.
Ces exemples de filière vertueuse restent cependant une goutte d'eau dans l'océan des pratiques de l'industrie du parfum, qui repose encore très largement sur des ingrédients synthétiques. Aussi, des démarches pionnières telles que celle de Robertet ou encore de la société TechnicoFlor méritent d'autant plus d'être saluées.